Par Quentin Hiernaux
Il existe une tension implicite, qui demeure le plus souvent inconsciente et par conséquent non théorisée, entre l’importance empirique des végétaux que décrivent et étudient les écologues et biologistes végétaux et leur relative absence dans la pensée philosophique et éthique. En un mot, comment se fait-il que les végétaux laissent généralement indifférents les philosophes de la biologie et la plupart des penseurs de l’éthique environnementale, alors que les scientifiques nous démontrent leur caractère absolument essentiel à toute vie et tout environnement ? Après avoir décrit et exemplifié ces constats, nous essayerons d’en montrer les raisons et enfin de proposer une voie alternative au moyen de quelques principes utiles à la réflexion éthique sur le végétal.
Présentation des végétaux et de leurs rôles écologiques
Que nous disent les sciences au sujet des végétaux et de leurs rôles écologiques ? Le terme végétal est entendu ici au sens phylogénétique des organismes chlorophylliens issus de la lignée verte. Ce terme générique comprend les algues vertes (uni et multicellulaires) d’une part et les plantes terrestres d’autre part (mousses, fougères, plantes à fleurs) (Judd et al. 2015). L’ensemble de ces organismes est caractérisé par son autotrophie. Grâce à la photosynthèse, les végétaux, contrairement aux animaux, peuvent produire directement de l’énergie à partir de matières inorganiques et d’énergie lumineuse (Bournérias et Bock 2006). Cette caractéristique fondamentale couplée à la très grande plasticité des espèces et organismes végétaux les rend qualitativement essentielsà pratiquement tous les écosystèmes, terrestres ou aquatiques – grâce au phytoplancton. Les végétaux sont ainsi à la base des chaînes trophiques et alimentaires en tant que producteurs primaires de l’énergie et de la biomasse. Mais leur importance écologique ne se limite pas au rôle de ressource ou de producteur. Les végétaux interviennent également dans la régulation de très nombreux processus écologiques. D’eux dépendent les grands cycles biogéochimiques (carbone, azote, phosphore, hydrogène, oxygène) : la composition et la régulation de l’atmosphère et des océans (90% de l’oxygène de notre atmosphère est produit par des algues marines unicellulaires), les cycles de l’eau, la formation, la composition et la stabilisation des sols (Frontier et al. 2008, Touyre 2015, Suty 2015, Sultan 2015).
L’histoire de la vie sur Terre est intrinsèquement liée à la vie végétale. Les premiers organismes photosynthétiques étaient des algues marines à l’origine des conditions atmosphériques rendant la vie terrestre ultérieure possible. Ce processus s’est poursuivi avec la colonisation des premiers végétaux sur la terre ferme dont l’action des racines et la dégradation organique sont à l’origine de l’érosion de la roche primitive et de la création des sols. « Toute évolution d’un sol se traduit macroscopiquement par une évolution de la végétation, qui elle-même influence l’évolution du sol » (Frontier et al, 2008 : 236). En outre le dégagement de vapeur accompagnant la photosynthèse contribue à maintenir l’humidité de l’atmosphère et à réguler le cycle global de l’eau. « Les conditions hydriques du biotope sont elles-mêmes autant sous le contrôle de la végétation, que celle-ci est sous le contrôle des conditions hydriques » (ibid. : 237). Les boucles de rétroactions sont donc particulièrement déterminantes pour saisir la vie végétale dont l’activité est à la fois cause et conséquence de la vie sur Terre.
Ces processus placent les végétaux à la base des neuf principaux biomes terrestres dont dépendent toutes les autres formes de vie, y compris la nôtre.Un biome est un vaste ensemble homogène d’écosystèmes qui se définissent à partir de son type de végétation : prairies, forêts décidues tempérées, forêts ombrophiles, savanes et forêts décidues tropicales, déserts, forêts mixtes tempérées et forêts de conifères, maquis méditerranéen, taïga, toundra arctique (Raven et al. 2014). Le concept de paysage est ainsi également étroitement dépendant de la végétation qui lui donne corps (même en creux dans le cas du désert). Cette prééminence végétale sur Terre s’exprime aussi du point de vue quantitatif : « La molécule de cellulose est […] la plus fréquente des molécules organiques à la surface du globe ; elle représente, à elle seule, plus de la moitié de la biomasse terrestre » (Hallé, 1999 : 135). La biomasse terrestre dans son ensemble est quant à elle composée à plus de 99,5% de matière organique végétale.
Les végétaux sont ainsi qualitativement et quantitativement primordiaux et essentiels pour toute forme de vie et donc aussi pour la vie humaine. Leur rôle est crucial, tant du point de vue de l’histoire de l’évolution que pour les cycles écologiques actuels . Les plantes sont au fondement de notre histoire et de notre espace vital. Cette approche centrée sur les végétaux et leurs rôles écologiques ne doit évidemment pas éclipser l’importance décisive de nombreux autres organismes comme les bactéries ou les champignons dans les écosystèmes. Cependant, se centrer sur le végétal présente l’avantage de nous décentrer des modèles de pensée animaux tout en nous rattachant à une réalité visible à l’œil nu, omniprésente tant dans notre quotidienneté qu’à l’échelle de l’histoire de l’humanité (au niveau agricole, plus largement utilitaire, mais aussi symbolique).
Philosophie et éthique du végétal
Oubli et approche négative traditionnelle du végétal
Ceci étant dit, pourquoi le végétal est-il le plus souvent négligé en philosophie et en éthique ? Les ouvrages en matière d’éthique environnementale ou de philosophie de l’écologie consacrent le plus souvent des parties conséquentes aux « animaux non-humains » alors que le sort des plantes demeure généralement absent ou implicite (Marder 2018). Pourtant, contrairement aux bactéries et autres microorganismes dont la découverte de l’existence et de l’importance écologique est récente à l’échelle de l’humanité, les plantes n’ont jamais été invisibles. Au contraire, elles sont omniprésentes partout autour de nous, physiquement ou culturellement, vivantes ou transformées (en aliments, bois, textiles, combustibles, etc.). En dépit de son importance capitale pour la vie, le végétal apparait le plus souvent comme un simple décor, à la limite spectacle de la contemplation esthétique (la beauté de la fleur ou du paysage), et non comme un acteur déterminant. Cette posture occidentale moderne typique à l’égard des plantes se cristallise dans une série de positions non interrogées. Ainsi, lorsque les végétaux ne sont pas purement oubliés, invisibilisés, on les considère traditionnellement comme des objets passifs, immobiles, inintelligents et insensibles ; ils ne souffrent pas, sont dépourvus d’individualité, sans droits et sans valeur morale. Leur positivité est le plus souvent strictement réduite à une valeur agricole et économique utilitaire (y compris au sein du débat écologique – par exemple au sujet de la valeur de l’agriculture biologique qui est pensée uniquement du point de vue humain et où la perspective du végétal ne rentre même pas en compte). Au-delà de l’anthropocentrisme, c’est un zoocentrisme (Hull 1978, Hallé 1999, Hall 2011) qui demande dès lors à être interrogé. Ceci n’implique pas nécessairement une disqualification de l’éthique animale (ou humaine) – qui vise à minimiser la souffrance – dans le débat qui l’oppose parfois au biocentrisme (la valeur morale réside dans la vie des organismes) ou à l’écocentrisme (la valeur morale réside dans les relations écosystémiques) des éthiques environnementales (Afeissa 2010). Mais la perspective végétale devrait contribuer à mettre en perspective les termes de l’opposition, créer de nouvelles articulations entre la vie des organismes et celle des écosystèmes.
Pour une approche empirique et positive du végétal
Il serait tentant d’attribuer l’ensemble des positionnements typiques de la tradition occidentale moderne à de simples préjugés à l’égard des plantes. Mais ce ne serait qu’en partie vrai. S’il est exact que les végétaux ont peu attiré l’attention et la considération des penseurs qui les ont le plus souvent dénigrés a priori, ce n’est pas simplement par paresse ou hostilité. Les systèmes philosophiques de pensée moderne basés sur la raison et la subjectivité ainsi que le dédain anthropocentriste expliquent seulement en partie, les stéréotypes dont ont été victimes les végétaux. Toutefois, certaines caractéristiques propres à la vie végétale et au contexte écologico-philosophique actuel permettent des explications supplémentaires.
Par exemple, si l’on a pu concevoir le végétal prioritairement comme une ressource économique exploitable de façon illimitée jusqu’à très récemment (pensons à la révolution verte promue entre 1960 et 1990) c’est en raison de la convergence de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’objectivation des plantes sur le plan philosophique permet de les réduire à des ressources sur le plan pratique (Hall 2011). Ensuite, le modèle agrocapitaliste les transforme en ressources illimitées, interchangeables et reproductibles à l’identique dans son système de production basé sur une croissance indéfinie (Marder 2013, 2018). Mais si ceci a pu fonctionner aussi longtemps et relativement efficacement, c’est également en raison de la nature même des végétaux. En effet, les facultés de multiplications végétatives à l’identique et la nature plastique des plantes, pratiquement sans limites, ont permis leur sélection, leur calibrage et leur exploitation industrielle. À la croissance indéfinie du capitalisme répond la croissance indéfinie des plantes. Il est facile de diviser en milliers d’exemplaires certaines plantes par boutures et même par multiplications cellulaires (ce qui est impossible chez les animaux vertébrés). De même, la grande variabilité des organismes et des espèces végétales n’a pas attendu le génie génétique pour être exploitée par la main de l’être humain. Ces propriétés tiennent à la nature même des plantes qui sont autotrophes, généralement fixées en terre et à la base des chaînes alimentaires. En effet, pour survivre, elles doivent s’adapter à leur environnement changeant en se changeant elles-mêmes et en changeant leur environnement. En simplifiant, là où l’animal développe prioritairement des stratégies d’action (en se déplaçant) la plante développe des stratégies d’être (en se transformant elle-même et son milieu). L’évolution des espèces n’a pas favorisé l’individualité morphologique centralisée chez les plantes, vraisemblablement car elles doivent pouvoir survivre aux herbivores qui mangent certaines de leurs parties. Aucun de leurs organes n’est vital. Grâce à leur faculté de différenciation, jusqu’à 90% d’entre eux peuvent être détruits sans nécessairement condamner à mort la plante. L’évolution a même sélectionné la production de fleurs et de fruits visités ou mangés par les animaux, car ceux-ci aident à la dissémination du pollen et des graines (Bournérias et Bock 2006, Raven et al. 2014). Les végétaux sont ainsi doués d’une très grande plasticité se traduisant notamment par des facultés de régénération et de croissance indéterminée tout au long de leur vie. Ces caractéristiques ontologiques combinées à l’absence de système nerveux poussent la plupart des scientifiques à penser que les plantes ne souffrent pas, ce qui explique en partie leur objectivation moderne. Mais si cette question éminemment subjective de la souffrance ne peut vraisemblablement pas être définitivement tranchée, elle ne devrait pas en occulter une autre à notre avis plus importante. Même si les végétaux ne souffrent pas, cela signifie-t-il qu’on ne peut pas leur faire de mal ?
Végétal et valeurs
Poser cette question plus générale ne dépend plus d’un cadre subjectiviste et demande de sortir du paradigme utilitariste du capitalisme agroalimentaire et d’une éthique basée sur la souffrance des individus. Or ceci n’est vraisemblablement devenu que récemment possible à cause de la crise environnementale que nous traversons et de la prise de conscience écologique à un niveau moral. L’écologie nous instruit du rôle des végétaux en amont de leur valeur utilitaire pour l’humain. Il en résulte que dans la période de transition actuelle, les plantes sont écartelées entre leur statut traditionnel d’objet-ressource axiologiquement neutre et celui de conditions de possibilité absolue de toute vie sur Terre. Le fossé moral semble maximal. Comment éviter le clivage extrême opposant d’un côté l’exploitant d’huile de palme déforestant allègrement la terre dont il se sent maître et possesseur et de l’autre le défenseur de la carotte, prêt à lui jouer de la musique classique pour en adoucir les mœurs ? La solution est vraisemblablement celle d’un juste milieu. Il ne s’agit ni de cautionner l’exploitation ou la modification déraisonnée des plantes sous prétexte qu’on ne pourrait pas leur porter préjudice, ni évidemment de défendre une forme d’abolitionnisme végétal où il ne serait plus permis de tuer la moindre plante pour la manger. Les plantes, en tant qu’êtres fixés à leur milieu, dont elles sont les conditions de possibilité, tout en s’en démarquant en tant qu’organismes à part entières, invitent à réfléchir selon une modalité plus écocentrique dans laquelle la préservation de la qualité des relations entre monde organique et inorganique serait première. Toutefois, les végétaux en tant qu’organismes semblent aussi bénéficier d’une valeur intrinsèque qui s’exprime a minimapar un principe de non nuisance, voire de respect pour leur vie et leurs conditions d’existence. La reconnaissance de cette valeur peut être déduite du fait qu’un comportement humain visant à tuer ou dégrader volontairement et arbitrairement (c’est-à-dire sans même aucun enjeu utilitaire) des végétaux et/ou leur milieu est généralement considéré comme moralement répréhensible. Bien entendu cette valeur théorique, même si elle est intuitivement reconnue, ne signifie pas qu’elle est respectée par tous et de façon systématique (de la même façon que l’on admettra et pratiquera moins facilement la mise à mort gratuite d’un chimpanzé que celle d’un scarabée, on brûlera moins facilement une forêt que l’on arrachera un coquelicot).
Découpler l’idée de souffrance d’une part de l’idée de mal (moral) et de préjudice (légal) d’autre part permet une éthique environnementale soucieuse de la vie végétale. Ceci ne signifie pas que l’éthique du bien-être animal soit quant à elle disqualifiée dans la foulée. Toutefois, à des êtres différents doivent répondre des attitudes différentes. Pour pouvoir protéger efficacement le végétal, commençons par sortir des préjugés traditionnels à son égard qui sont en décalage complet avec son importance écologique. Penser la vie végétale non plus sur un mode individuel-animal, mais sur un mode environnemental se révèle sans doute plus efficace. La proposition faite ici suggère qu’on ne peut penser la vie végétale indépendamment de son milieu et qu’inversement, on ne peut penser des milieux indépendamment de la vie végétale. Le rapport privilégié des végétaux au monde inorganique est un rapport de co-engendrement entre les milieux de vie et les vivants végétaux. Ce rapport ne doit pas être pensé de façon privilégiée comme le rapport d’un individu à son milieu, mais comme le résultat de dynamiques collectives. Trop souvent, la volonté de préserver la biodiversité « Que doit-on faire pour protéger telle espèce animale ? » est un but en soi, comme si l’animal pouvait être abstrait de son milieu (cet argument est par exemple celui des zoos qui prétendent protéger les espèces en les coupant de leurs milieux naturels). Or, la volonté de préserver les écosystèmes est quant à elle nécessairement aussi une volonté de maintenir la vie dans ses manifestations diverses, et les vies des écosystèmes dépendent des végétaux qui sont à leur base (c’est-à-dire que maintenir en vie des pandas dans des zoos ne revient qu’à protéger très abstraitement la biodiversité, puisque la bambouseraie dont ils sont issus continue à se dégrader). Les écologues et botanistes s’accordent généralement sur l’idée que beaucoup de végétaux des écosystèmes pourraient s’adapter à la disparition des animaux, alors que l’inverse est impossible. Protéger efficacement la vie demande d’abord de protéger les végétaux qui en sont les conditions de possibilité. Pareillement, protéger la montagne, la rivière ou le sol devrait revenir à protéger avant tout la spécificité de l’activité végétale sur ces environnements qui en font de véritables écosystèmes et des milieux pour les êtres vivants qui les habitent. L’idée d’une eau, d’un sol, d’un environnementou d’une natureinorganique à protéger en tant que matrice de la vie terrestre est une option qui peut se révéler tout aussi dangereusement abstraite que celle qui consiste à relâcher une grenouille en voie d’extinction dans une mare polluée. En effet, l’arbre fait la forêt, l’herbe la prairie, et chacun de ces organismes végétaux peut subir un préjudice (jugé moralement répréhensible, justifiable ou non) qui se répercute aussi à l’échelle de l’environnement. En ce sens les végétaux nous obligent à pondérer un équilibre difficile entre biocentrisme et écocentrisme.
Vers une éthique d’inspiration végétale
Défendre l’idée que les plantes jouent un rôle de co-constitution à l’égard des milieux ne doit pas revenir à les assimiler de façon indifférenciée à l’environnement. Ni l’holisme environnemental ni le dualisme des organismes et de leur environnement ne font honneur aux rôles et au statut des végétaux. La valeur réside probablement d’abord dans les relations productrices et mutuelles entre des communautés végétales situées et des matières inorganiques particulières, ensuite entre ces communautés et les organismes animaux et enfin, seulement, entre les animaux et leurs environnements. Cet ordre des valeurs suit l’ordre des raisons et des processus. Chaque étape est en quelque sorte la condition de la suivante. L’exposition schématique de ce raisonnement ne devrait pas laisser penser qu’il y aurait trois étapes rigoureusement consécutives opposant plantes, environnements et vivants non-plantes. Même dans l’étape de constitution des milieux par les plantes, des organismes non-végétaux, principalement des bactéries et des champignons, interviennent. De même, certaines relations des animaux à leur environnement ont des conséquences importantes pour la vie des plantes. Cependant, il y a dans ce processus de co-constitution ontologique des plantes et des milieux l’émergence de la vie et de ses conditions de possibilités que nous invitons à penser de façon intrinsèquement liée comme base de toute éthique soucieuse de la protection de l’environnement, des plantes et plus largement du vivant. Lorsque le fonctionnement de la vie végétale est compris et établi à sa juste valeur, il devient difficile, voire artificiel et même néfaste, de concevoir une éthique centrée exclusivement soit sur le vivant, soit sur l’environnement, comme s’il s’agissait de deux tendances mutuellement exclusives. Dans un environnement sain, ce qui est bon pour la plante est normalement bon pour l’équilibre de l’écosystème[1]. La vie végétale témoigne de la force et de la primauté constitutive de cette association qui doit ensuite inciter à penser de façon similaire et située le rapport des espèces animales à leur milieu (comme le fait par exemple la construction de niche). Enfin, la possibilité de réfléchir à la valeur intrinsèque des organismes végétaux demeure souhaitable, au regard des nombreuses découvertes récentes au sujet des comportements végétaux : communication, mémoire, décisions, « intelligence » (Trewavas 2014). Dans la mesure où l’on a pu évaluer expérimentalement que les plantes sont capables de se défendre (chimiquement) en cas de prédation et de discriminer entre plusieurs situations (des types de sols ou des supports différents pour des plantes grimpantes) et de choisir activement celle qui leur est la plus favorable, nous devrions être encore plus enclins à reconnaître la valeur qui réside dans leur vie et les efforts pour la préserver. Une éthique de l’environnement d’inspiration végétale cohérente ne devrait pas mutuellement exclure l’attention portée à la vie des organismes, même jugés les plus « rudimentaires », de l’activité générale, environnementale, qui en émerge collectivement et en garantit les conditions d’existence.Réfléchir sur les plantes et les processus végétaux suggère dès lors une complexification et une diffraction salutaire des options philosophiques et éthiques habituellement retenues pour penser le vivant « et » son environnement qui sont ici compris comme les deux faces d’une même pièce. L’environnement est ce que fait le vivant, le vivant est ce que fait l’environnement.
Quentin Hiernaux, Fonds National de la Recherche Scientifique (FNRS), Université Libre de Bruxelles, Centre de recherche en Philosophie (PHI).
Corrélée aux entrées du Dictionnaire de la Pensée Écologique: Agriculture durable et biologique ; Agroécologie ; Biocentrisme ; Bioéconomie ; Déforestation ; Écocentrisme ; Écologie scientifique ; Éthique de l’environnement ; Forêt ; Jardin ; OGM ; Valeur intrinsèque.
Bibliographie
Afeissa H.-S. 2010. La communauté des êtres de nature, Paris : éditions MF.
Bournérias M. et Bock C. 2006. Le génie des végétaux. Des conquérants fragiles, Paris : Belin.
Frontier S., Pichod-Viale D. et al. 2008. Ecosystèmes, 4e édition, Paris : Dunod.
Hall M. 2011. Plants as Persons a Philosophical Botany, Albany : State University of New York Press.
Hallé F. 1999. Éloge de la plante : pour une nouvelle biologie, Paris : Seuil.
Judd W. S., Campbell C. S., Kellogg E. A., Stevens P. 2015.Plant Systematics. A phylogenetic Approach, fourth edition, Oxford : Oxford University Press.
Hull D. L. 1978 « A Matter of Individuality », Philosophy of Science, 45, p. 335-360.
Marder M. 2013. Plant-Thinking a Philosophy of Vegetal Life, New York : Columbia University Press.
Marder M. [2018 à paraitre]. « Pour un phytocentrisme à venir » inHiernaux Q., Timmermans B. (eds), Philosophie du végétal, Paris : Vrin.
Raven P., Evert R., Eichorn S. 2014. Biologie végétale, 3e éd., trad. fr. J. Bouharmont, Bruxelles : De Boeck.
Sultan S. E. 2015. Organism and Environment, Oxford : Oxford University Press.
Suty L. 2015. Les végétaux, les relations avec leur environnement, Versailles : Quae.
Touyre P. 2015. Le sol, un monde vivant,Paris : Delachaux et Niestlé.
Trewavas A. 2014. Plant Behaviour and Intelligence, Oxford : Oxford University Press.
Notes
[1]Ce qui ne veut pas dire que ces deux registres de valeur se confondent purement et simplement puisque ce qui est bon pour une plante invasive en tant qu’organisme peut être mauvais pour l’écosystème dans lequel elle s’implante.