Par François Grosse*
Résumé
Cet article présente un modèle simple et robuste de dynamique du système de consommation et production d’une matière première non renouvelable, en présence d’une tendance continue de croissance des consommations. Le but de l’étude est d’identifier les paramètres déterminants pour assagir grâce au recyclage l’évolution des consommations de matières premières vierges – c’est-à-dire puisées dans les gisements non renouvelables. Le modèle est une extension, avec d’importantes conclusions supplémentaires, des approches présentées antérieurement dans deux articles « peer-reviewed »[1].
Nous examinons les théories antérieures relatives à la soutenabilité des consommations de matières premières non renouvelables, et recherchons finalement les conditions permettant au recyclage, à l’échelle globale, de retarder d’au moins 100 ans les échéances de rareté des matières premières, par rapport à une situation sans aucun recyclage.
Nous montrons d’abord que le recyclage des déchets est, à lui seul, inopérant pour faire gagner à l’humanité significativement du temps contre l’épuisement des ressources : dans les conditions actuelles de croissance des consommations, le recyclage de la plupart des métaux, même poussé au maximum imaginable, ne ferait gagner que quinze à trente ans contre l’épuisement des gisements. En l’état, les politiques d’économie circulaire consistant à favoriser une maximisation du recyclage des déchets sont donc généreuses dans l’intention, mais vaines.
Nous montrons ensuite que seule la conjonction de trois conditions impératives permet au recyclage d’apporter effectivement le bénéfice attendu de lui pour préserver nos matières premières :
- Une efficacité très élevée du recyclage, bien sûr, avec un taux d’efficacité supérieur à 70 à 80% des déchets rejetés
- Une croissance faible de nos consommations de chaque matière première, qui doit rester en-deçà de 1% par an tendanciellement
- Une faible accumulation matérielle par notre société : l’addition de nouvelles matières au stock en cours d’utilisation doit rester en-deçà de 20% de nos consommations matérielles – nos consommations neuves devant donc majoritairement remplacer, à égal volume, des quantités rejetées dans les déchets.
Nous qualifions de « croissance quasi-circulaire » une économie qui réunirait ces trois conditions pour un matériau donné. Les principaux métaux que nous consommons se situent tous très en dehors de ces critères de soutenabilité. Nous abordons donc ensuite la question du moyen de parvenir à ces objectifs.
Nous montrons que le levier incontournable d’une « stratégie quasi-circulaire », c’est-à-dire d’une politique visant à conduire l’économie d’une matière première vers la croissance quasi-circulaire, consiste à imposer un taux minimal d’incorporation de matière recyclée dans les matières premières et les biens fabriqués ou importés. Selon que le matériau considéré séjourne longtemps ou plus brièvement dans l’économie, le taux minimum d’incorporation qui garantit l’utilité durable du recyclage se situe à 65% (séjour long: fer, cuivre) ou 80% (séjour court: plomb), pour la contribution issue seulement du recyclage des déchets (old scrap recycling) [2]. En incluant en outre le recyclage des chutes neuves (new scrap recycling), le taux minimum d’incorporation global à imposer à terme s’inscrit pour les métaux les plus courants dans la fourchette 70%-80%, bien au-delà des taux actuels (20% à 60%).
Nous montrons accessoirement que les politiques visant à l’allongement du temps de séjour des matières dans l’économie, au travers de l’évitement des déchets et du réemploi, sont à double tranchant dans le contexte actuel : elles peuvent aussi bien être bénéfiques que néfastes au regard de la préservation des ressources non renouvelables. Ces politiques ne seraient assurément bénéfiques qu’à condition d’être précédées d’une stratégie quasi-circulaire, c’est-à-dire d’une contrainte préalable sur la disponibilité quantitative des matières premières consommées, induite par l’imposition d’un taux minimal d’incorporation de recyclés. En tout état de cause, leur effet en faveur ou en défaveur de la ressource se révèle assez faible dans les deux cas, ce qui relativise les enjeux associés.
Enfin, en matière de ressources non renouvelables, le temps ne joue pas en faveur de l’humanité. Nous vérifions que chaque décennie qui s’écoule sans transformation notable du cycle de production et consommation pèse très lourd en accélérant l’aggravation des enjeux.
Avertissement de l’éditeur : Certains passages de cet article exposent des relations mathématiques. Or en raison des contraintes techniques de WordPress, le lecteur constatera en particulier que la lettre a, quand elle est employée comme variable, y apparaît alternativement sous deux typographies différentes, tout en symbolisant la même variable. |
En 1972, le fameux rapport au Club de Rome, rédigé au MIT sous la direction de Dennis Meadows (Meadows & al., 1972), exposait les conséquences prévisibles de l’accélération exponentielle des consommations matérielles et des impacts écologiques, associée à la croissance économique. Les auteurs concluaient par la nécessité, un jour ou l’autre, de mettre en place des mécanismes conduisant à une forme de stabilisation des consommations et des impacts matériels.
L’enjeu climatique, par son ampleur et son évidence, supplante aujourd’hui toute considération relative aux matières premières dans les stratégies de développement durable. Pourtant, les problèmes associés à la consommation des matières premières connaissent le même mécanisme cumulatif et d’accélération que le changement climatique. Tout comme celui-ci, les enjeux de soutenabilité du cycle de la matière pourraient donc révéler leur gravité à un moment où inverser des tendances ne sera plus guère possible. Anticiper les phénomènes en question est donc essentiel, et ce d’autant plus que la production des matières premières non renouvelables d’origine primaire, c’est-à-dire directement extraites des gisements, représente une part très importante des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine. Les mécanismes qui permettraient d’agir en faveur de la soutenabilité du cycle des matières que nous consommons pourraient donc bien être également une partie de la solution pour maîtriser enfin notre empreinte carbone.
1. Les objectifs de soutenabilité de la gestion des matières non renouvelables
Limites de la théorie de la « soutenabilité rigoureuse » (strong sustainability)
D’un certain point de vue, la Terre étant un espace fini, aux ressources délimitées, toute ponction récurrente dans une ressource non renouvelable est non soutenable : si l’on extrait chaque année de la croûte terrestre une certaine quantité de métal, même très faible, il existe une date théorique après laquelle tous les atomes de métal disponibles auront été transformés en charpentes, machines, rails, piles ou automobiles à la surface de la Terre. Ce principe ne nous mènerait cependant pas loin, car compte tenu du gigantisme de la planète, nous n’envisageons pas, en général, de ne plus puiser DU TOUT dès demain matin dans les ressources matérielles de la Terre. Entre rien du tout, et n’importe quelle quantité, où placer le curseur de l’acceptabilité des ponctions non renouvelables dans le milieu naturel ?
Les approches académiques antérieures de la soutenabilité de la gestion des matières non renouvelables ont reposé pour la plupart sur le principe suivant : « La consommation de ressources non-renouvelables devrait être limitée à un niveau tel qu’elles peuvent être remplacées par des ressources renouvelables physiquement ou fonctionnellement équivalentes, ou bien tel que la consommation peut être compensée en accroissant la productivité des ressources renouvelables ou non-renouvelables ».[3][4] Il s’agit donc de s’assurer que la ponction sur les ressources non renouvelables n’empêche jamais l’humanité de disposer dans le futur d’un service équivalent à aujourd’hui avec les ressources restant disponibles.
Dans ces modèles, la notion de « consommation » s’interprète dans un sens particulier et restrictif, synonyme de « gaspillage » : ce qui pose problème aux yeux de leurs auteurs, ce sont les matières rejetées comme déchets, et la perte qui en résulte pour le patrimoine matériel exploitable par les générations futures. La question qu’adressent ces théories est par conséquent d’évaluer la quantité annuelle maximale de matières premières non renouvelables qu’il serait acceptable de perdre, sous forme de déchets ultimes, sans les recycler. Il faut donc entendre ici « consommer » non pas dans le sens usuel de « produire pour utilisation », mais dans le sens de « perdre définitivement ». Ces approches considèrent en effet les matières premières déjà extraites des gisements, et actuellement utilisées par l’humanité dans ses infrastructures, ses équipements et ses produits de toutes natures, comme disponibles pour les générations suivantes au même titre que les quantités restant à extraire dans les ressources de l’écorce terrestre. Le problème, du point de vue de ces théoriciens, est constitué uniquement par la dégradation de ce stock global du fait de la dispersion de matières premières sous forme de déchets.
Nous examinons ci-après, en l’appliquant au cas du fer, le modèle de « strong sustainability» (« soutenabilité forte »), publié en 2000 par Paul Ekins[5], qui synthétise et parachève cette famille de théories. Dans ce modèle, le flux de déchets ultimes (w) d’une matière première donnée est jugé acceptable s’il est suffisamment faible pour ne pas diminuer au cours du temps la valeur d’usage du stock total de matière première, restant à extraire (S) ou bien déjà extrait et en cours d’usage (C), compte tenu :
- de l’accroissement (e) de l’efficacité d’emploi de la ressource grâce au progrès technologique, qui augmente la valeur d’usage de l’ensemble du stock pour les générations futures
- de l’accroissement du recours aux substituts renouvelables de la ressource, qui compense quantitativement une diminution progressive du stock du fait du flux de déchets ultimes rejetés par la société.
Ce modèle est inspirant pour la réflexion. Toutefois, il présente quatre limites théoriques et, surtout, pratiques :
- Il considère les deux sous-ensembles du capital de matière concentrée S et C comme équivalents du point de vue de la fonction économique et environnementale, et néglige donc de facto le caractère irréversible du passage continuel de la matière depuis les gisements encore intacts vers le stock de biens en cours d’usage, et la différence fondamentale de statut entre ces deux stocks du point de vue de l’humanité.
- Son approche patrimoniale, confrontée à l’immensité relative des ressources encore non extraites pour la plupart des matières non renouvelables, le rend sans effet pratique sur l’économie réelle.
- Il repose sur la variation marginale au cours du temps de l’efficacité économique et environnementale de l’utilisation de la matière première, sur laquelle pèse une incertitude telle qu’elle annihile également l’efficacité pratique de l’approche.
- Il s’agit d’un modèle statique, qui ne prend pas en compte l’accélération des consommations matérielles totales associées à la croissance de l’économie.
Premièrement, ce modèle fonde la soutenabilité exclusivement sur les rejets de matières. Dans cette approche, il importe que chaque génération livre à la suivante un capital total de matière première concentrée de fonction économique et environnementale équivalente à celle dont elle a disposé elle-même, que ce soit sous forme de matière en cours d’emploi, de matière vierge restant à extraire ou de substitut renouvelable. Cependant, les matières disponibles, en cours d’usage ou bien à extraire n’ont, en fait, pas la même valeur ; en particulier dans le cas d’une croissance démographique, il y a un besoin d’augmenter le stock de matière en cours d’usage, toutes choses étant égales par ailleurs. L’effet de la poursuite continue de la croissance de la population ou de l’enrichissement matériel moyen des individus n’est pas couvert par ce modèle purement environnemental, focalisé sur la dissipation : à la limite, si la société ne rejette aucun déchet mais consomme tout de même des matières premières uniquement afin d’accroître constamment son capital de matière en cours d’usage, elle finit un jour par se heurter à l’épuisement complet du stock extractible dans les gisements ; pourtant à la veille de ce choc, le modèle la caractérise encore comme parfaitement soutenable au sens de la préservation du capital matière, puisque w = 0.
La deuxième objection est que, comme le stock de matières encore non extraites est très important en comparaison des consommations annuelles et, plus encore, par rapport aux rejets de déchets w, il suffit d’une progression annuelle infime de l’efficacité économique et environnementale de la matière (e) pour qualifier de soutenable n’importe quelle économie. Nous montrons ci-après que, dans le cas du fer, une progression annuelle de 0,09 % de la productivité matérielle suffit pour que son économie mondiale actuelle soit jugée soutenable, pour autant qu’on assimile le facteur d’efficacité e à la productivité matérielle (vue ici comme l’inverse de l’intensité matérielle du PIB). Est-ce réaliste et de portée pratique si l’on considère que la consommation annuelle mondiale de minerai de fer est passée de 1,1 milliard de tonnes à 2,2 milliards de tonnes entre 1998 et 2008[6] ?
La troisième limite du modèle est qu’il fait reposer principalement l’appréciation d’une grandeur statistique réelle, w, sur la multiplication d’un nombre extrêmement grand, le stock total S+C, par un nombre extrêmement petit, la variation annuelle de l’efficacité d’emploi de la ressource e, alors que sur l’un et l’autre de ces deux termes pèsent d’énormes incertitudes : incertitudes sur l’évaluation des stocks de matière première concentrée restant à extraire dans l’écorce terrestre ou déjà en cours d’usage par l’humanité entière, et incertitude sur la détermination et la mesure du paramètre pertinent d’efficacité économique et environnementale de l’emploi de la matière. Autant dire que le résultat de ce produit ne peut être que très peu significatif.
Le quatrième inconvénient est que le modèle s’appuie sur une description statique de l’économie, alors que la question de la soutenabilité doit être abordée de façon dynamique : plus encore que par l’état de ses stocks, une économie est caractérisée par des flux, qui sont la production et la consommation, et par leur croissance. Nous verrons plus loin à quel point la physionomie du problème en est affectée.
Application de la théorie de « strong sustainability » au cas du fer et de l’acier
La théorie de « strong sustainability», publiée en 2000 par Paul Ekins[7] et illustrée par le graphique 25, synthétise et prolonge donc cette famille de théories antérieures qui s’interrogent essentiellement sur la quantité de matières premières non-renouvelables qu’il serait acceptable de perdre, sous forme de déchets ultimes, sans les valoriser. Dans ce modèle, l’efficacité d’emploi de la ressource, e, s’applique à l’ensemble du stock de matière encore non extrait S, du stock en cours d’usage C, et des substituts renouvelables R qui sont développés par ailleurs. Le critère de la soutenabilité est imposé au flux de la matière w qui quitte le système économique sous forme de dispersion ou de déchet ultime. Pour que l’économie soit durable, ce flux doit être au moins compensé par l’amélioration de l’efficacité d’emploi de la matière et l’accroissement, a, du recours à un substitut renouvelable R.
Graphique 1 : Grandeurs employées dans le modèle de « strong sustainability », d’après l’équation de (Ekins, 2000)
Dans ce modèle, les stocks de matière vierge (S), de matière en cours d’usage (C), et de substitut renouvelable (R) sont considérés comme d’intérêt équivalent pour l’humanité. Les flux internes au système économique ne sont pas pris en compte, puisqu’ils déplacent les matières d’un stock à l’autre sans changer la valeur de la fonction économique et environnementale remplie par le stock total de matière. Le flux des déchets non valorisés et dispersés (w) représente une perte de valeur économique et environnementale qui doit rester inférieure à la croissance de la valeur totale des trois stocks.
La formule proposée par Ekins pour exprimer le principe de « soutenabilité forte » est la suivante (les indices 0 et 1 marquent deux périodes successives) :
S0 Stock de ressource non renouvelable non extraite au début de la période
R0 Stock de substitut renouvelable pour la ressource
C0 Stock de la ressource non renouvelable en cours d’usage
ei Niveau du service économique/environnemental délivré par une unité de la ressource
w0 Quantité de la ressource éliminée comme déchet au cours de la période
ai Facteur multiplicatif reflétant l’augmentation du substitut renouvelable pendant la période
L’effet de cette formule, « rigoureusement cohérente avec le principe de la soutenabilité forte, est d’assurer que le stock de la ressource considérée, complété de tout substitut qui peut avoir été développé, maintient leur capacité conjointe à assurer la fonction environnementale appropriée à son niveau actuel. La dispersion de la ressource n’est soutenable que si le progrès technique permet au stock restant disponible (outre les substituts) d’assurer le même niveau de fonction que le stock initial »[8][9].
Application au cas du fer et de l’acier :
S0 : Dans le cas du fer, l’USGS (US Geological Survey) estime la ressource concentrée à plus de 800 milliards de tonnes de minerai contenant plus de 230 milliards de tonnes de fer (USGS, 2019).
w0 : Selon (Chalmin, 2009), environ 500 Mt de ferrailles sont recyclées chaque année. Comme le taux d’efficacité du recyclage des déchets de métaux ferreux est estimé par ailleurs à 72% (tableau 3), la quantité totale de métal rejetée serait de l’ordre de 750 Mt, et le métal dispersé w0 représenterait environ 250 Mt/an.
C0 : Enfin, sur la base des estimations du Resource Panel de l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement), nous estimons le stock de métal en cours d’usage à 40 milliards de tonnes[10].
Sur la base de ces ordres de grandeurs et si l’on néglige l’apport des ressources renouvelables développées en substitution au fer et à l’acier (R=0), on obtient :
S0 + C0 = 270.109 t R0 = 0 w0 = 250.106 t/an
Le seuil δ de progression de l’efficacité économique et environnementale suffisant pour que ces valeurs soient qualifiées de soutenables au titre de cette analyse est donc, pour :
Pour les valeurs retenues dans le cas du fer :
δ = 270 / (270 – 0,25) = 1,0009
La progression annuelle de l’efficacité économique et environnementale de l’emploi de la ressource en fer doit donc être supérieure ou égale à 0,09% pour que l’économie mondiale respecte le critère de soutenabilité défini à partir de la conservation de la fonction économique des stocks de matière (« strong sustainability »). A titre d’illustration, la productivité matérielle en acier du PIB britannique a progressé de 1,3% par an entre 1980 et 2000[11].
Objectif pragmatique : retarder d’un siècle l’épuisement des gisements
Les approches par la conservation du capital de matière conduisent donc naturellement à minimiser l’urgence et l’importance de la question de la ponction sur les ressources non renouvelables, métalliques en particulier[12] : d’une part, en raison de la modestie des fuites de matière dans les déchets ultimes, au regard des stocks de gisements concentrés de l’écorce terrestre ; d’autre part, en raison de la difficulté pratique à déduire de ces analyses des critères applicables au monde réel, qui découle de la trop grande incertitude sur les grandeurs manipulées ; enfin, tout simplement parce qu’elles ne regardent pas au bon endroit.
En même temps, ces approches sont représentatives du regard porté sur les cycles de la matière depuis les années 1980, qui focalise presque entièrement l’attention sur la maîtrise des flux de déchets. A en croire ce modèle de « strong sustainability », et les autres approches auxquelles il se rattache, ce serait seulement en dispersant des déchets dans les centres de stockage ou dans la nature, sans les recycler, que nous léguerions au futur une situation dégradée. La même pensée inspire depuis les années 2000 les slogans de communication publique du type « réduisons vite nos déchets, ça déborde[13] », qui suggèrent que la soutenabilité de la matière se résumerait pour l’essentiel à une question de déchets.
Or il n’en est rien, bien au contraire. La gestion des déchets serait responsable de 2% des émissions totales de GES selon le 5ème rapport du GIEC ; mais en France, par exemple, 89% des émissions du secteur des déchets proviendraient du méthane issu de processus biologiques, depuis les décharges, le compostage, etc. (rapport Secten 2020 du CITEPA). La portion de ces 2% qui est attribuable aux déchets de matières premières non renouvelables est donc extrêmement inférieure à ce chiffre ; tandis que la contribution des émissions causées par l’extraction et le raffinage des métaux vierges est, elle, évaluée à 8% de nos émissions de GES [14] – à quoi s’ajoutent encore les émissions de la production des autres matériaux non renouvelables, ainsi que les émissions encore très supérieures liées à l’utilisation de ces différents matériaux tout au long de l’usage des produits qui les embarquent. En outre, les émissions liées aux déchets tendent à se réduire, en particulier par la diminution et le contrôle accru de la production de méthane par les déchets organiques dans les centres de stockage (les décharges) ; tandis que la part de celles causées par l’extraction va fatalement augmenter, en lien avec la baisse des concentrations dans les minerais ou de l’accessibilité des gisements[15]. Dans un autre registre, l’extension annuelle de la surface des centres de stockage de déchets représente en France de l’ordre de 1% de la progression de l’artificialisation (non agricole) des sols : l’écrasante majorité de l’artificialisation résulte donc de l’utilisation des matières premières, et non de leur rejet en déchets.
Bref, l’enjeu de la soutenabilité du cycle de la matière ne réside guère dans la gestion des déchets, enjeu plutôt marginal à ce titre dans les économies développées, mais bien dans la maîtrise des quantités de matières premières extraites du sol pour notre consommation. Si nous restons autant marqués par les flux de déchets, c’est à la fois au nom du symbole de gaspillage qu’ils représentent, et aussi par héritage des premières politiques en la matière : jusqu’aux années 1970, le traitement des déchets se caractérisait par des pollutions locales aiguës, que les premières générations de réglementations européennes et américaines se sont attachées à réduire. Puis dans les années 1990, l’objectif de préservation des ressources s’est superposé à la poursuite de la limitation des nuisances, et enfin il est devenu la première priorité au cours des deux dernières décennies, après que l’industrie du déchet était devenue aussi maîtrisée que n’importe quelle autre activité en termes de protection de l’environnement. Pourtant nos réflexes et ceux des législateurs restent profondément marqués par ces dimensions symboliques et historiques[16].
De tout ce qui précède, nous concluons d’abord que l’objectif ultime de soutenabilité du cycle de la matière ne peut consister à préserver une valeur théorique d’utilisation des stocks concentrés de matière première, y compris ceux en cours d’usage ; mais doit au contraire viser à retarder dans une mesure suffisante la dynamique de prélèvement dans les gisements non renouvelables. Il s’ensuit que le critère de soutenabilité du cycle de la matière ne saurait se réduire à fixer un flux maximum de déchets ultimes acceptable pour chaque matériau : il doit au contraire se référer à tous ceux des paramètres caractéristiques du cycle de la matière, qui auront été identifiés en raison de leur contribution au retardement de la ponction dans les ressources non renouvelables.
Graphique 2 : Durée de vie de quelques ressources en minerai (source : calculs de l’auteur à partir des données USGS pour les ressources et les consommations mondiales). Trois scénarios de croissance de la consommation de matière première sont appliqués à partir de la production 2018, et confrontés à l’étendue de la « ressource » au sens de l’USGS. La croissance comprime à l’extrême les échéances de rareté. D’après les chiffres de l’USGS, la ressource en cuivre équivaut à 270 années de consommation 2018 ; mais au rythme de croissance de la décennie 2008-2018 cette ressource est consommée en 76 ans seulement.
Dès lors qu’il s’agit de retarder un phénomène, notion toute relative, il réside forcément une part d’arbitraire dans le niveau fixé à l’ambition. D’une part, on constate que les ressources géologiques jugées potentiellement exploitables par l’économie humaine, aujourd’hui ou à long terme, pourraient voir leur durée de vie contractée par la croissance à une soixantaine d’années pour les matières les plus tendues (graphique 2). D’autre part, nous mesurons que, si des changements profonds doivent être apportés aux modes de consommation et aux processus industriels et commerciaux, l’échelle de temps de la transition à l’échelle des pays et des continents est extrêmement longue : vingt années de certitudes scientifiques n’ont pas suffi à bannir définitivement dans le monde entier les pesticides néonicotinoïdes responsables de l’extermination des insectes pollinisateurs ; trente années se sont écoulées depuis le premier rapport du GIEC, sans que les courbes d’émission de GES aient été infléchies significativement ; etc. Nous proposons par conséquent de fixer ainsi l’objectif de soutenabilité du cycle des matières premières non renouvelables : réunir les conditions pour permettre que le recyclage augmente de 100 ans la durée de vie des gisements de chaque matière première, toutes choses égales par ailleurs.
Comme nous le verrons dans les prochaines pages, gagner 100 ans contre la ponction dans nos ressources constitue déjà un défi pour les sociétés humaines. Mettre en œuvre les décisions nécessaires pour concrétiser cette ambition, c’est non seulement une nécessité immédiate, face à des échéances d’apparence lointaine mais que la croissance économique comprime à quelques décennies seulement, mais c’est aussi une première étape de transformation qui préparera nos sociétés à l’évolution suivante : évolution au contenu encore inconnu, mais au moins aussi révolutionnaire pour notre système économique et nos modes de vie, n’en doutons pas.
2. Un modèle de cycle de la matière en situation de croissance
Notre modèle du cycle de la matière non renouvelable est proche du schéma proposé par l’UNEP dans son rapport de 2011 sur le recyclage des métaux[17]. Les notations employées pour les paramètres s’inspirent également de celles de l’UNEP.
Graphique 3 : Cycle simplifié de production, utilisation et recyclage. Ici, par hypothèse, c = b, c’est-à-dire que la totalité des matières premières est incluse dans les biens consommés.
b. Matière première totale (vierge + recyclée)
c. Matière incluse dans les biens et équipements
d. Rejet de matière sous statut de déchet
e. Matière première secondaire (recyclée)
f. Matière s’ajoutant au stock en cours d’usage (flux net des apports et des rejets = addition nette aux stocks)
v. Matière première primaire (ou vierge)
w. Déchets dispersés ou enfouis en centre de stockage
Paramètres du cycle de la matière Taux d’incorporation de recyclables (recycled content) : RC = e / (v + e) Taux d’efficacité du recyclage (end-of-life recycling ratio) : ERR = e / d Taux d’addition aux stocks (addition to stocks ratio) : ASR = f / c Taux de rejet de déchets (waste output ratio) : WOR = d / c On définit également le “temps de séjour du matériau dans l’économie” : RT (residence time). Il représente le temps moyen (tous usages confondus) séparant la production de la matière première (flux b) de son rejet sous le statut de déchet (flux d). Enfin, on constate que quelques égalités évidentes relient les différentes variables : La matière première totale est soit vierge, soit secondaire : e + v = b Les déchets sont soit recyclés, soit dispersés (ou stockés) : e + w = d L’écart entre les consommations et les rejets en déchets augmente le stock en cours d’usage : c – d = f Par conséquent, WOR et ASR sont liés : 1 – WOR = ASR Et enfin, par hypothèse dans ce cycle simplifié : c = b |
Le même rapport de l’UNEP (UNEP, 2011) nous propose la valeur des principaux paramètres pour de nombreux métaux (tableau 1).
Tableau 1 : Temps de séjour dans l’économie, taux d’incorporation de recyclés (RC : Recycled Content), Old Scrap Recycling (OSR), et efficacité du recyclage (ERR : End-of-life Recycling Rate) pour quelques métaux. OSR : part du métal issu de déchets sur l’ensemble du recyclage, l’autre source étant le métal issu de la production industrielle (chutes neuves de production, avant mise sur le marché).
Colonne « RC « pure old scrap » : valeur du taux d’incorporation de recyclés RC qui prévaudrait en l’absence de la boucle de recyclage « instantané » des chutes neuves de production associées au ratio OSR (cf. suite de l’article). C’est le taux significatif pour l’analyse de long terme menée ici, sans que cela minimise l’importance du recyclage direct en production.
Source : UNEP International Resource Panel, Metals Recycling Status Report (2011). UNEP International Resource Panel, Metal Stocks in Society (2010). Calculs de l’auteur.
L’UNEP indique pour chaque métal une fourchette de temps de séjour pour différentes catégories d’usage, et la proportion supposée de stock dans chaque usage. Les valeurs reportées ici sont le résultat de la moyenne arithmétique de ces valeurs en proportion de leur poids relatif. Cependant, l’UNEP analyse les usages du matériau dans le stock actuel de l’économie, non dans les flux nouveaux de production et consommation. Dans le cas du plomb, l’évolution des réglementations et des usages conduit à une distorsion importante entre la composition du stock historique et celle des flux actuels : nous avons donc remplacé ici la durée de vie très longue proposée par l’UNEP par une durée de 8 à 12 ans, correspondant aux usages actuels (batteries à 80%). L’UNEP ne propose pas de temps de séjour pour le lithium ; à partir d’estimations courantes de l’industrie, nous proposons ici conventionnellement la durée de 8 ans.
Par exemple, selon l’UNEP, le temps de séjour moyen des principaux métaux s’échelonnerait de 20 à 32 ans environ ; les métaux utilisés couramment en accumulateurs électriques séjourneraient plutôt 3 à 10 ans dans l’économie. L’UNEP nous indique également des ordres de grandeur pour les ratios caractéristiques du recyclage[18].
L’un d’entre eux doit attirer notre attention : OSR (Old Scrap Recycling) représente la part du métal issu de déchets sur l’ensemble du recyclage, l’autre source alimentant le recyclage étant les rebuts de métal issus de la production industrielle (chutes neuves de production, avant mise sur le marché). Dans le cas de l’acier, par exemple, l’UNEP estime que 51% du métal recyclé inclus dans la production neuve provient des déchets, tandis que 49% seraient des chutes neuves issues des process de fabrication. Cette observation conduit à relativiser, malheureusement, la contribution effective actuelle du recyclage de nos déchets dans la production totale destinée à nos consommations.
Notre modèle de flux de matière (graphique 3) ne tient pas compte explicitement de ce flux en « court-circuit ». Il entre pourtant dans la production mondiale de matière première, et « pèse » donc significativement dans l’économie de la filière. Cependant, notre préoccupation ici est d’évaluer la soutenabilité de la filière du point de vue de sa ressource en matière vierge non renouvelable. Or quelle qu’en soit l’importance relative dans la masse recyclée, du point de vue du cycle long de la matière ce recyclage de chutes neuves se comporte comme une boucle « instantanée » qui s’y surajoute, mais qui n’interfère pas avec la ponction dans les ressources minières (graphique 4). Pour prendre en compte l’existence de ce flux dans la modélisation de long terme du cycle de la matière, il convient donc de le neutraliser dans l’analyse, ce qui est l’objet du taux d’incorporation de recyclés révisé, RC « pure old scrap », tel qu’indiqué dans le tableau 1.
Graphique 4 : Recyclage de chutes neuves (« new scrap ») dans le cycle de la matière : une boucle « instantanée ». La production et le recyclage des chutes neuves de fabrication par l’industrie n’interfèrent pas avec l’épuisement des ressources, sinon marginalement, puisqu’ils s’opèrent dans un temps extrêmement court par rapport à la durée d’utilisation des biens fabriqués (temps de séjour de la matière).
Si on désigne par « prime » (RC’, OSR’) les paramètres du cycle incluant le recyclage des chutes neuves (« old scrap » + « new scrap »), et par le terme nu (RC) un paramètre du cycle qui exclut du cycle les chutes neuves (« pure old scrap », c’est-à-dire OSR = 1 toutes choses égales par ailleurs), on établit aisément la relation :
Une autre solution, différente de la précédente, pour intégrer les chutes neuves dans notre modèle, consisterait à les assimiler à un produit de temps de séjour égal à zéro (graphique 5), ce qui nécessite de réévaluer en conséquence un temps de séjour moyen et un taux d’efficacité du recyclage théoriques. Il convient d’exploiter avec vigilance ces derniers chiffres, qui dépendent notamment de la croissance des consommations : c’est en effet le taux de croissance qui « façonne » en quelque sorte le temps de séjour moyen du mélange des deux flux de produits – celui à temps de séjour RT et celui à temps de séjour nul. Contrairement à une intuition trompeuse, le temps de séjour des deux flux conjugués n’est pas égal à la moyenne arithmétique des deux temps de séjour, car la croissance des consommations accentue le poids relatif des séjours longs. Et compte tenu du contraste extrême entre les deux flux (l’un des deux temps de séjour est nul !) on ne peut s’en tenir à cette approximation intuitive. On trouve au contraire une formule plus complexe, mettant en jeu la croissance :
On établit également le lien entre les deux taux d’efficacité du recyclage :
Graphique 5 : On pourrait alternativement introduire le flux « new scrap » dans le modèle en l’assimilant à la fabrication d’un produit de durée de vie nulle (puisqu’il part immédiatement au recyclage), et recyclé à 100%.
Quoi qu’il en soit, nous privilégions la première méthode, c’est-à-dire la neutralisation complète du « cycle court » de recyclage des chutes neuves de fabrication. Dans ce qui suit, l’analyse s’applique donc, quand il y a lieu de faire intervenir RC, au taux d’incorporation de recyclés après neutralisation des chutes neuves, c’est-à-dire à RC « pure old scrap ».
A partir de deux métaux essentiels de notre économie, le fer et le cuivre, le graphique 6 suggère deux enseignements essentiels :
- D’une part, les consommations mondiales suivent une progression tendanciellement exponentielle sur des durées longues. Si le phénomène est particulièrement prononcé pour ces deux métaux, à l’échelle de plus d’un siècle, il se vérifie au moins sur des périodes de plusieurs décennies pour la plupart des matériaux non renouvelables. Le profil exponentiel de la croissance a pour conséquence de contracter spectaculairement la durée de vie projetée des gisements de matières premières (graphique 2)[19].
- D’autre part, nous n’observons pas, à l’échelle mondiale, de découplage entre la production de richesse (Produit intérieur brut, PIB) et la consommation de fer ou de cuivre. A la différence de ce qui s’observe dans l’énergie, la consommation matérielle est, mondialement, largement corrélée avec la production de richesse. Or les nations aspirent à poursuivre durablement une croissance économique suffisante pour assurer de l’emploi et du bien-être. Cela pose donc la question des consommations matérielles : quelles seraient les conséquences de la poursuite d’une croissance exponentielle similaire, au cours du 21ème siècle et au-delà ?
Graphique 6 : Production annuelle d’acier et de cuivre, et PIB depuis 1900 (monde). Et courbe de croissance de 3,5% par an (sources : Worldsteel association, ISRI, Statista, International Copper Study Group, World Bank, A. Maddison OCDE)
Pour compléter notre modèle de cycle de la matière en situation de croissance, nous ajoutons donc que la consommation totale de chaque matière première suit une progression exponentielle, c’est-à-dire à taux de croissance annuel constant, et nous supposons que les paramètres structurants de l’économie de la matière sont constants au cours du temps : taux d’efficacité du recyclage ERR, d’incorporation de recyclés RC, de rejet de déchets WOR, d’addition au stock ASR.
Il en résulte que, si la consommation croît par exemple de 4% par an, et puisqu’on recycle chaque année une proportion constante des déchets rejetés, alors la consommation de matière vierge (non recyclée) croît elle aussi de 4% par an. Un jour ou l’autre, elle atteint le niveau qu’on aurait eu l’année 0 sans recyclage, et à partir de là les deux courbes de consommation annuelle de matière vierge deviennent identiques – mais décalées dans le temps (graphique 7).
Graphique 7: Effet du recyclage face à une progression annuelle à taux constant de la production totale de la matière première. La courbe de consommation annuelle de matière vierge est écrasée par l’effet du recyclage : on n’a besoin de puiser dans la ressource que la part des besoins qui ne sont pas couverts par le recyclage. Mais lorsqu’après 20 ans la consommation avec recyclage dépasse à son tour la valeur 100, la courbe avec recyclage devient identique à l’autre, avec un décalage définitif de 20 ans. Dans cet exemple, après 40 années, on ne prélève encore que 200 sur la ressource naturelle si l’on recycle, tandis qu’on prélève déjà 500 sans recyclage. Mais on atteindra la valeur 500 seulement 20 années plus tard avec recyclage, et on ne gagnera jamais plus de 20 ans par le recyclage si la croissance de la consommation totale reste inchangée.
Exemple présenté : croissance annuelle de 4%, efficacité du recyclage de 80%, et temps de séjour moyen dans l’économie de 10 ans pour le matériau considéré
Puisque la consommation totale de matière première croît selon un taux constant, la courbe de consommation dans le temps de la ressource naturelle est donc identique, que l’on recycle ou non. La seule différence est qu’elle se décale dans le temps si le taux de recyclage est plus élevé, mais, après un « léger » retard, elle retrouve exactement les mêmes valeurs que si l’on n’avait pas recyclé. Et ce « retard » est identique après 50 ans, 100 ans ou 200 ans. La question fondamentale qui en découle est donc de déterminer, en fonction des différents paramètres du cycle de la matière, de combien d’années on retarde effectivement grâce au recyclage le rythme d’épuisement des ressources. Notre modèle du cycle de la matière répond à cette question et met en évidence les paramètres clefs d’une économie circulaire de la matière première.
3. Détermination de la durée du décalage temporel de consommation cumulée obtenu grâce au recyclage
Un modèle discret
Dans ce qui suit, nous adoptons un modèle « discret », c’est-à-dire que nous menons les calculs sur des consommations annuelles successives bn, avec bn+1 = a. bn , a étant constant. Un calcul analogue pourrait être conduit sur un modèle continu, en exprimant la consommation instantanée par unité de temps sous une forme exponentielle. Il en serait simplifié, puisque la consommation cumulée au cours du temps, intégrale de la consommation instantanée, serait elle aussi directement exponentielle. Les conclusions finales seraient bien entendu identiques. Toutefois, comme les grandeurs économiques manipulées dans le monde réel sont usuellement des valeurs annuelles, il nous a paru préférable d’exposer ici un modèle par valeurs annuelles successives.
Notations complémentaires : Dans ce qui suit, on désigne en outre les grandeurs suivantes : α Taux Taux de croissance des besoins en matière première a = 1 + α Ratio Ratio annuel de croissance des besoins en matière première D Années Décalage temporel (à l’infini) entre une consommation cumulée de matière vierge identique, avec ou bien sans recyclage Pour l’année n : bn (Bn) Masse Consommation annuelle (resp. cumulée) totale de matière première vn (Vn ) Masse Cons. annuelle (resp. cumulée) de matière vierge, avec recyclage. Dans le scénario sans recyclage, la consommation de matière première est entièrement constituée de matière vierge : bn (resp. Bn) représente donc aussi la consommation annuelle (resp. cumulée) de matière vierge du scénario sans recyclage. |
Calcul en fonction de ERR, RT et a : recyclage et temps de séjour de la matière
Nous calculons l’ampleur du décalage temporel entre les consommations cumulées de matière vierge au cours du temps, avec ou sans recyclage, en fonction des hypothèses relatives au recyclage des déchets : taux d’efficacité du recyclage ERR, temps de séjour RT, et croissance des consommations a.
La consommation annuelle totale augmente chaque année dans la proportion :
bn+1 = a.bn ⇒ bn = b0.an
La consommation cumulée au cours des années est la somme des consommations annuelles, et représente une série géométrique bien connue :
La consommation annuelle de matière vierge, dans le scénario avec recyclage, est l’écart entre la masse totale consommée et la masse recyclée la même année. Cette dernière est égale au produit du taux d’efficacité du recyclage ERR par la masse de matière disponible dans les déchets, c’est-à-dire la quantité totale consommée l’année antérieure correspondant au temps de séjour du matériau dans l’économie RT :
Les consommations cumulées de matière vierge (Vn) avec ou (Bn) sans recyclage sont donc liées comme suit :
Problème : Trouver la durée de décalage Dn, telle que la consommation cumulée sans recyclage l’année n, Bn, n’est atteinte que l’année n+Dn en recourant au recyclage, puis trouver la limite D de Dn quand n tend vers l’infini.
Par souci d’alléger les calculs, on raisonnera sur l’année n – 1 au lieu de l’année n :
Dn ? / Vn+d-1 = Bn-1
Remplaçons V par son équivalent en B calculé précédemment :
Remplaçons ensuite par sa valeur calculée plus haut :
Qui se simplifie successivement en :
Enfin, si n tend vers l’infini, c’est-à-dire si l’on s’intéresse au décalage temporel maximal qui sera atteint au bout d’un grand nombre d’années, on obtient à la limite :
C’est-à-dire:
Les logarithmes sont eux-aussi égaux :
D.ln a = RT.ln a – ln(aRT – ERR)
On obtient finalement, pour la durée de décalage limite entre la consommation cumulée avec ou sans recyclage, la formule suivante :
(1) D = RT – ln(aRT – ERR) / ln a
On peut ensuite aisément calculer le taux d’efficacité du recyclage nécessaire pour obtenir un certain décalage :
(D – RT).ln a = – ln(aRT – ERR)
Donc aRT-D = aRT – ERR , et ERR = aRT – aRT-D
(2) ERR = aRT(1 – a–D)
En application de ces formules, le graphique 8 représente la durée de décalage de consommation cumulée en fonction du taux de croissance de la consommation d’un matériau, pour quatre taux d’efficacité du recyclage entre 30 et 90%. Deux cas de figure sont présentés : un temps de séjour moyen dans l’économie RT de 8 ans pour l’un – qui pourrait symboliser le cas du lithium ou du plomb –, et de 30 ans pour l’autre – qui pourrait représenter le cas du fer ou du cuivre.
Graphique 8 : Décalage de consommation cumulée, fonction du taux de croissance de la consommation de la matière première (gauche : 8 ans de temps de séjour dans l’économie ; droite : 30 ans). Lecture (courbes de droite) : par rapport à « ne pas recycler du tout », pour un taux de croissance des consommations de 1% par an, recycler chaque année 70% des déchets retarde de 74 ans l’épuisement des gisements ; et avec une croissance des consommations de 3,5% par an, recycler 70% des déchets retarde de 8 ans l’épuisement des gisements.
Plusieurs enseignements décisifs en découlent, en écho à la question « combien de temps peut-on gagner au maximum grâce au recyclage par rapport à l’épuisement de la ressource ? » Ces enseignements reflètent en les quantifiant les mécanismes expliqués plus haut, relatifs à l’effet du temps de séjour et, surtout, à l’effet de la croissance :
- L’effet bénéfique du recyclage est extrêmement sensible au taux de croissance de la consommation totale de la matière. Plus la croissance est lente, plus le recyclage contribue à faire « gagner du temps » contre la raréfaction de la ressource. Inversement, pour des taux annuels élevés, la croissance agit comme un inhibiteur brutal de l’effet du recyclage.
- En présence d’un taux de croissance supérieur à 3%, comme ça a été le cas depuis un siècle pour la production d’acier, le recyclage, même le plus efficace, n’a qu’un effet marginal sur la préservation des ressources. Pour un matériau à temps de séjour élevé dans l’économie, comme le fer, le cuivre, l’aluminium et beaucoup d’autres, le recyclage ne permet alors jamais d’économiser plus d’une quinzaine d’années de consommation cumulée : nous recyclons donc « pour rien », ou presque.
- Le recyclage ne peut prétendre contribuer à préserver la ressource que s’il est extrêmement efficace : pour les temps de séjour longs (courbes de droite) un taux d’efficacité inférieur à 70% n’offre jamais plus de 20 ans de répit contre la raréfaction si le taux de croissance est supérieur à 2%, et ne suffit même pas à atteindre 100 ans de répit pour une croissance de 1%.
- C’est seulement au voisinage ou au-dessous de 1% de croissance annuelle des consommations que l’effet positif sur la ressource d’un recyclage des déchets très efficace (ERR de l’ordre de 70 à 90%) devient systématiquement important, en apportant dans les meilleurs cas sensiblement plus de 100 années de répit – notre objectif de soutenabilité.
Calcul en fonction de WOR et ASR : flux de déchets et accumulation matérielle
Nous calculons à présent l’ampleur du décalage temporel entre les consommations cumulées de matière vierge au cours du temps, avec ou sans recyclage, en fonction des hypothèses relatives à l’accumulation de matière en cours d’usage par la société : taux de rejet de déchets WOR et taux d’addition au stock ASR, croissance des consommations a. Nous révélons ainsi le rôle essentiel joué dans ce processus par l’accumulation constante de biens matériels supplémentaires à la surface du globe : tout notre patrimoine matériel (de nature non renouvelable) a forcément été extrait du sol, et il n’est pas possible de réaliser une extension supplémentaire de ce patrimoine à l’aide du recyclage – puisque le recyclage s’effectue, par définition, à patrimoine matériel constant.
Graphique 9 : Evolution des principaux flux matériels, et relations entre eux, face à une dynamique de consommation croissante à taux annuel constant
Notation complémentaire :
Dans ce qui suit, conformément au graphique 3, on désigne pour l’année n :
dn Masse Flux annuel total de déchets du matériau étudié (recyclés + perdus)
Le temps de séjour moyen de la matière se définit comme l’intervalle de temps séparant des valeurs égales de la production annuelle totale de matière d’une part, et de la quantité annuelle rejetée en déchets d’autre part :
dn = bn-RT (pour n ≥ RT)
D’autre part, WOR est défini comme le ratio entre les consommations d’une année et la quantité de déchets rejetés la même année ( WOR = d/b ).
Donc dn = bn.WOR
Donc bn-RT = bn.WOR
b0.an-RT = b0.an.WOR
(3) WOR = a-RT et RT = – ln WOR / ln a
Puis, comme WOR = 1 – ASR :
(4) ASR = 1 – a-RT et RT = – ln(1-ASR) / ln a
En substituant ensuite RT par WOR et a dans les formules précédentes, on enchaîne par :
Puis en combinant (3) WOR = a-RT et (2) ERR = aRT.(1 – a-D) , on obtient :
La représentation graphique de ces nouvelles formules (graphique 10) montre qu’on ne peut généralement pas gagner 100 ans sur l’épuisement d’une ressource grâce au recyclage si le taux de rejet de ce matériau dans les déchets est inférieur à 50% de sa consommation totale, sauf à bénéficier d’une croissance extrêmement faible (0,5% ou moins) et d’un taux d’efficacité du recyclage extrêmement élevé (80% ou plus). Seul un taux de rejet de matières dans les déchets supérieur à 80% des consommations totales (ratio WOR), autrement dit un taux d’addition au stock inférieur à 20%, permet en général de retarder significativement la consommation et l’épuisement des matières premières. Le phénomène s’accentue à mesure que le taux de croissance augmente. A consommation de matière première équivalente, rejeter moins de déchets, c’est priver le recyclage d’une partie de sa ressource – c’est donc, nécessairement, faire appel plus massivement à des ressources primaires tirées de l’écorce terrestre. Symétriquement, quand on accroît le stock de matière en cours d’usage, c’est-à-dire le patrimoine matériel de l’humanité au-dessus de la surface du globe, on va forcément chercher les nouvelles ressources dans les gisements du sous-sol.
Graphique 10 : Décalage de consommation cumulée d’une matière première primaire, fonction du taux de rejet de cette matière première par l’économie WOR ou fonction du taux d’addition au stock NAS
Lecture : La première abscisse est le taux de rejet par l’économie du matériau considéré (WOR), c’est-à-dire le rapport entre le flux de cette matière rejetée en déchets et le flux de cette matière consommée en matière première. La deuxième abscisse est le reste de la matière consommée, qui constitue l’addition nette aux stocks (ASR) : flux ajouté au stock rapporté à la consommation totale de matière. Chaque ratio est égal à 1 moins l’autre. L’ordonnée est le décalage de consommation cumulée de la ressource primaire de cette matière première, obtenu grâce au recyclage de ce matériau, c’est-à-dire le temps gagné par l’humanité, en recyclant, contre le rythme d’épuisement de la ressource sans recyclage. Les quatre courbes correspondent à quatre taux d’efficacité du recyclage de ce matériau (ERR). Le rythme de croissance de la production totale de cette matière première est de 0,5% par an (courbes de gauche), ou 1% (courbes de droite).
Dans le cas de droite, si 70% des déchets sont recyclés, mondialement, et qu’on rejette constamment dans les déchets l’équivalent de 80% de la consommation mondiale de la même matière, le recyclage retarde de 80 ans les échéances de raréfaction de la ressource. Mais si on abaisse à 50% des consommations la quantité de cette matière qui est rejetée dans les déchets, toutes choses égales par ailleurs, alors l’effet du recyclage n’est plus que de 41 ans, et même un taux de recyclage de 90% ne pourrait offrir les 80 ans de répit obtenus précédemment.
Les deux premiers volets de notre analyse apportent donc plusieurs enseignements cruciaux. Ils déterminent un chemin intermédiaire, pragmatique, entre l’explosion incontrôlée de l’économie industrielle depuis le début du 20ème siècle, et les projets encore utopiques d’une sobriété absolue de l’humanité entière – impliquant par exemple une décroissance matérielle à l’échelle mondiale. Assumant avec réalisme le besoin de croissance de l’économie, et le lien encore effectif entre création de richesse et consommation de matières, nous montrons qu’il est possible, sous certaines conditions, de maîtriser sur le long terme l’épuisement progressif des gisements concentrés des principaux métaux et les impacts environnementaux qui y sont associés. Nous montrons aussi qu’agir partiellement seulement dans cette direction, par exemple en se concentrant uniquement sur l’efficacité du recyclage des déchets ou a fortiori sur la réduction des flux de déchets, revient à ne pas agir du tout, au risque de gaspiller efforts, finances et crédibilité publique à la poursuite d’un but inatteignable.
On peut désormais énoncer les trois vertus cardinales d’une croissance matérielle durable, autrement dit décrire le profil d’une économie qui, sans reposer sur une décroissance des consommations de matières premières, repousserait de 100 ans ou plus les échéances de raréfaction des ressources et de dégradation de leurs conditions d’extraction :
- La croissance de la consommation de chaque matière doit être inférieure à 1% par an
- Le taux d’efficacité du recyclage ERR doit être supérieur à 70%, voire à 80% (proportion du matériau contenu dans les déchets qui est effectivement recyclée)
- Le taux d’addition aux stocks ASR doit être inférieur à 20%, c’est-à-dire que l’économie doit rejeter dans les déchets au moins 80% des quantités qu’elle consomme simultanément de chaque matériau (WOR).
En inversant notre formulation, les conditions ii et iii reviennent à édicter qu’une société soutenable doit ne consommer des matières premières qu’à proportion des déchets qu’elle rejette et qu’elle recycle, ce qui est plus satisfaisant pour l’esprit, tout en préfigurant la solution opérationnelle qu’on exposera plus loin.
Nous désignons « croissance quasi-circulaire » une économie qui réunit ces trois conditions. Celles-ci sont exclusives : si une seule d’entre elles n’est pas satisfaite, les deux autres restent inopérantes. Même si le recyclage est maximisé à la perfection, l’effet qui en serait attendu est puissamment inhibé et les ressources s’épuisent à un tempo à peine retardé. Il n’est donc simplement pas de solution disponible pour une gestion durable des matières premières non renouvelables en dehors de cette relation étroite et contraignante entre les trois paramètres fondamentaux.
La difficulté consiste bien entendu à conduire l’économie vers le respect de ces trois conditions : sur quel levier peut reposer une politique publique destinée à atteindre une croissance quasi-circulaire ?
Calcul en fonction de RC : part relative du recyclage dans la production totale
Aux fins de répondre à cette question, nous calculons enfin l’ampleur du décalage temporel entre les consommations cumulées de matière vierge au cours du temps, avec ou sans recyclage, en fonction des hypothèses relatives non plus à la consommation mais à la production de matière première : taux d’incorporation de matière recyclée dans la matière première, RC, et taux de croissance a. Rappelons en écho au commentaire du tableau 1 que nous travaillons ici sur le taux d’incorporation RCpure old scrap, c’est-à-dire après neutralisation de la boucle courte de production et recyclage des chutes neuves de fabrication issues de l’industrie.
Combinons d’abord les définitions des ratios WOR, ERR et RC :
RC = e/(v+e) ; ERR = e/d ; WOR = d/b
Donc WOR.ERR = RC
Nous remplaçons le produit WOR.ERR par RC dans la formule précédente, aboutissant à :
(7) D = – ln(1 – RC) / ln a et RC = 1 – a-D
D’où l’on déduit, puisque (2) ERR = aRT.(1 – a-D) :
(8) ERR = RC.aRT
Le graphique 11 nous rappelle qu’il existe forcément un maximum atteignable pour le taux d’incorporation de recyclés RC, dès lors que le taux de croissance de l’économie et le temps de séjour du matériau sont fixés : on ne peut augmenter la teneur en recyclables dans les matières premières qu’à concurrence d’une certaine limite. Cette limite supérieure de RC est atteinte lorsque ERR est égale à 1. Avec 100% d’efficacité du recyclage des déchets, tout ce qui est rejeté par l’économie est effectivement recyclé.
Cette valeur maximale découle de l’égalité (8) :
ERR = RC.aRT et comme ERR < 1 , il résulte que
RC < a-RT = RCMAX
Pour rapprocher encore l’analyse d’une réalité industrielle, on peut majorer l’efficacité du recyclage ERR, non pas par 1 mais par un taux arbitraire de 0,9 par exemple (ou tout autre majorant opérationnel de ERR) : on suppose alors qu’en tout état de cause il ne sera pas possible de recycler plus de 90% des matières qui sont rejetées ou dissipées par tous les canaux possibles. En ce cas, le nouveau majorant de RC en découle immédiatement :
RC < 0,9.a-RT = RCMAX.90
Graphique 11 : Flux annuels de matière et représentation du taux d’incorporation de recyclés, RC : proportion de matières recyclées (courbe verte) dans la production totale de matières premières (courbe rouge). Les produits recyclés étant prélevés sur les déchets, la courbe verte reste forcément confinée sous la courbe grise. Elle s’en rapproche en proportion du taux d’efficacité du recyclage ERR. Les deux courbes verte et grise se confondent pour ERR = 1. RC atteint alors sa valeur maximale possible, pour le taux de croissance et pour le temps de séjour considérés.
Puisque RC est majoré par un maximum RCMAX (ou RCMAX.90) ne dépendant que de la valeur de a (croissance) et de celle de RT (temps de séjour), et puisque par ailleurs le décalage temporel dû au recyclage peut s’exprimer quant à lui en fonction de a et de RC, il en résulte que RCMAX (ou en l’occurrence RCMAX.90) détermine dans le graphique 12 une « zone d’exclusion » : RC constituant l’abscisse du graphique, la surface située à droite des valeurs de RCMAX pour un temps de séjour donné y est inaccessible au système de production des matières premières. Le graphique 12 montre que des valeurs maximales de RC, sur chaque courbe (croissante) paramétrée en « a » constant, équivalent ici à des valeurs minimales pour le décalage temporel des consommations D, qui est l’ordonnée de la courbe.
Cette valeur minimale Dmin est motivée par le majorant de l’efficacité du recyclage ERR, situé à la valeur 1 (ou à la valeur 0,9). Elle se déduit immédiatement de l’une des formules précédentes, en remplaçant ERR par son majorant et en tenant compte de ce que D est fonction décroissante de ERR :
Graphique 12 : le maximum de RC pour chaque couple (a, RT) détermine une zone inaccessible à droite de ces valeurs. Ici on représente RCMAX.90 pour un temps de séjour RT égal à 30 ans. Empêcher les valeurs de RC situées à droite de la limite de la zone grise revient à empêcher les valeurs de D (l’ordonnée) au-dessous de celle-ci. Pour un temps de séjour donné, cela détermine donc pour chaque valeur de RC un minimum de D.
NOTA : on rappelle que dans toute l’analyse, RC correspond à RC « pure old scrap », c’est-à-dire au taux d’incorporation de recyclés après neutralisation de la part de recyclage de chutes neuves de fabrication (« new scrap »)
L’existence de cette valeur Dmin fait du taux d’incorporation de recyclés RC le levier d’une stratégie quasi-circulaire, c’est-à-dire d’une stratégie publique destinée à atteindre les critères d’une croissance quasi-circulaire : c’est en imposant à l’industrie et aux importations de biens et d’équipements un taux d’incorporation de recyclés suffisamment élevé dans les matières neuves qu’on conduira l’ensemble de la filière industrielle à rejoindre des paramètres de recyclage et de croissance qui repoussent à l’horizon temporel souhaité les échéances d’épuisement des ressources concentrées. En effet, en imposant à la consommation totale d’une matière première donnée un taux RC suffisamment élevé, c’est-à-dire un déplacement vers la droite dans la représentation du graphique 12, on impose à la filière industrielle de glisser en quelque sorte le long de la « zone d’exclusion » en remontant par conséquent vers des valeurs supérieures de la durée de décalage des consommations cumulées de matière vierge. On reconnaît sur le graphique 12 que, pour un matériau de temps de séjour dans l’économie égal à 30 ans, c’est en imposant un taux d’incorporation de recyclés RCpure old scrap au moins égal à 65% qu’on entraîne un bénéfice effectif pour les ressources non renouvelables, c’est-à-dire qu’on repousse les échéances de rareté de la ressource d’au moins 100 ans ; et qu’un taux de 50%, par exemple, ne garantit qu’un bénéfice de 35 années face à l’épuisement des gisements. Quant aux matériaux à court temps de séjour, comme le plomb, c’est seulement un taux minimum d‘incorporation RCpure old scrap de 80% qui garantit un effet de 100 ans au moins contre l’épuisement des ressources. Le tableau 2 propose pour quelques métaux une construction indicative des cibles envisageables pour le taux RC global, c’est-à-dire incluant en outre le recyclage des chutes neuves de production, qu’il ne serait guère possible de traiter séparément dans une stratégie d’entreprise ou une politique publique.
Tableau 2 : Exemple indicatif de grille de valeurs minimales pour quelques métaux, avec une hypothèse de premiers seuils quinquennaux pour une progression étalée sur 25 ans
Cette stratégie quasi-circulaire a vocation à devenir le pilier central d’une politique d’économie circulaire. Le levier du taux d’incorporation de recyclés est le seul à même d’entraîner la transformation nécessaire du système productif, et les conséquences induites sur l’ensemble du système économique et de consommation sont immenses. L’optimisation acharnée de l’efficacité du recyclage des déchets ERR, quant à elle, ne mène aujourd’hui dans le meilleur des cas qu’à percuter le « mur » de la zone d’exclusion du graphique 12 le long d’une des courbes de couleur sombre à taux de croissance déterminé, avec un bénéfice dérisoire en termes de retardement de la consommation cumulée des gisements non renouvelables.
4. Réduction des déchets, réparation, réemploi : amis ou ennemis de la ressource ?
Nous pouvons maintenant revenir vers cette priorité des politiques publiques d’économie circulaire qu’est la réduction des déchets. Ayant décrypté la dynamique du prélèvement dans les ressources non renouvelables, nous ne pouvons que ressentir un malaise face à la conclusion : il n’est pas de société soutenable qui n’émette presque autant de déchets qu’elle consomme de matières. La priorité première affichée par la stratégie européenne des déchets[20] , la réduction des déchets à la source, serait donc en contradiction avec les intérêts de long terme du développement durable ?
- A consommation inchangée, réduire les déchets, c’est priver de sa matière première le recyclage ; c’est donc forcément amplifier le prélèvement sur les ressources naturelles
- A consommation inchangée, réduire les déchets c’est augmenter l’addition au stock, et c’est donc amplifier d’autant le prélèvement sur les ressources naturelles
- Réemployer, réparer, c’est augmenter la durée de vie des biens, donc le temps de séjour de la matière dans l’économie : si l’on ne ralentit pas simultanément la croissance des consommations matérielles, on augmente donc le prélèvement sur les ressources naturelles.
Réduire les déchets, en prolongeant la durée de vie des biens, a pour effet d’augmenter le temps de séjour de la matière dans l’économie. A quel point le prélèvement sur la ressource est-il sensible à une variation relative du temps de séjour, pour le meilleur, ou pour le pire ? L’examen de quelques cas de figure conduit à relativiser aussi bien l’avantage que l’inconvénient.
Le cas défavorable est l’allongement du temps de séjour avec maintien des consommations à l’identique : je répare ma perceuse au lieu de la renouveler, mais j’achète une scie-sauteuse avec l’argent économisé. Puisque je conserve plus longtemps un bien tout en consommant autant que lorsque je jetais des déchets, j’accumule forcément plus qu’auparavant de la matière en cours d’usage. Le tableau 3 illustre un allongement (considérable) de 50% du temps de séjour moyen d’une matière première : la durée de vie des ressources en est raccourcie, mais de quelques années à peine, soit 3 à 10 ans pour des taux de croissance de 2% et plus, et un peu plus pour un taux de croissance inférieur. L’impact relatif est le plus notable pour un temps de séjour long, et surtout pour une croissance élevée : le recyclage apporte déjà très peu de répit à la ressource, et la pénalité supplémentaire de quelques années pèse d’autant plus lourd.
Tableau 3 : influence sur la durée de vie de la ressource d’un allongement de 50% du temps de séjour, à croissance des consommations inchangée. Ici pour un taux d’efficacité du recyclage ERR=80%
Le cas favorable est, par exemple, l’allongement du temps de séjour avec un maintien à l’identique du stock en cours d’usage. On peut représenter un tel cas en projetant l’addition au stock annuelle d’un cas de croissance des consommations exponentielle, puis en augmentant le temps de séjour tout en conservant la même addition au stock annuelle que dans le cas initial. L’effet est nécessairement un assagissement des consommations. La nouvelle courbe de consommation est en effet légèrement inférieure à la précédente ; elle n’est plus exponentielle, et l’écart avec la situation initiale s’accroît avec le temps. Dans le cas intermédiaire du tableau 3, partant d’une croissance de 2% et d’un temps de séjour de 8 ans, allonger celui-ci de 4 ans avec addition au stock identique conduit à retarder de 15 ans le niveau de consommation cumulée de la ressource, qui serait atteint sinon après 60 ans. Là encore, sans être négligeable, ce n’est pas un facteur de rupture.
Ce que montre l’analyse dynamique du cycle de la matière, ce n’est donc pas qu’il serait nuisible en soi de faire durer plus longtemps nos biens matériels. Mais que ce paramètre qu’est le temps de séjour n’oriente pas l’économie, à lui seul, dans un sens plus soutenable : l’allongement du temps de séjour peut coïncider aussi bien avec une amélioration qu’avec une dégradation de la situation à l’égard des ressources, selon l’évolution des autres paramètres du système économique. Car à pouvoir d’achat identique, rien n’impose que l’attention portée au réemploi, à la réparation et plus généralement à la longévité des biens diminue par ailleurs les consommations matérielles. Rien n’impose non plus que la population se répartisse harmonieusement entre les deux tendances opposées : celle qui fait durer plus pour consommer moins, et celle qui, faisant durer, accumule plus. En fait, pour que l’incitation à prolonger, réparer ou partager ses équipements soit bénéfique, il faudrait pouvoir s’assurer dans le même temps que, statistiquement, presque tous les acteurs économiques substituent dans leurs achats une activité immatérielle ou faiblement matérielle à leur ancienne habitude de remplacer fréquemment leurs biens. En l’absence d’une contrainte ou d’un mécanisme le garantissant, les politiques de réemploi et d’évitement des déchets doivent être malheureusement suspectées, dans le meilleur des cas de n’être qu’un maillon accessoire de l’économie circulaire, mais dans le pire des cas de contribuer potentiellement à aggraver les prélèvements sur les ressources naturelles. En les érigeant en principe cardinal de l’économie circulaire, le législateur prend le risque de cet aléa, et met en quelque sorte la charrue avant les bœufs : car ces politiques ne se suffisent pas à elles-mêmes, et devraient finalement être complétées, et même précédées, de l’indispensable stratégie quasi-circulaire fondée sur la teneur en recyclés dans les biens neufs, qui en maîtrisant la croissance et incite à modérer les consommations matérielles. Au demeurant, ces politiques impactent en tout cas faiblement les objectifs de soutenabilité, dans un sens comme dans l’autre : de 5 à 15 ans de bénéfice ou de nuisance pour la ressource.
5. A court terme : le double bénéfice d’une moindre croissance
Tout au long de ce qui précède, nous avons raisonné de façon tendancielle, à long terme : telle que nous l’avons définie, la durée de décalage de la consommation cumulée des ressources naturelles, D, est la valeur limite, à très long terme, du décalage temporel constaté au fil du temps entre les courbes de consommation cumulée de matière vierge avec ou sans recyclage. Or, cet écart temporel entre deux courbes, s’il apparaît immédiatement à sa valeur définitive entre les courbes de consommation annuelle (graphique 7), n’apparaît que progressivement entre les courbes de consommation cumulée au cours du temps (tableau 4). Cela signifie que, lorsqu’on se projette à l’échelle des prochaines décennies, le bénéfice apporté par le recyclage pour la ressource est encore moindre que celui évalué jusqu’ici, pour les taux de croissance élevés.
Tableau 4 : Evolution comparée des consommations annuelles et des consommations cumulées au cours du temps. Consommation totale d’une part (matière vierge + matière recyclée), consommation des matières vierges uniquement d’autre part. Le taux de croissance des consommations totales est de 5%, le taux d’incorporation de matière recyclée de 50%.
Lecture : la consommation annuelle totale de l’année 1 est égalée l’année 15 par la consommation de matière vierge, et celle de l’année 5 est égalée l’année 19 : le décalage de consommation de 14 ans environ est observé immédiatement pour les consommations annuelles. En revanche, la consommation totale cumulée de l’année 1 est égalée dès l’année 3 en cumul, soit 2 ans plus tard ; et celles de l’année 5 ou de l’année 13 sont égalées respectivement 5 ans et 8 ans plus tard. Pour la consommation en cumul, l’écart de 14 ans entre les deux courbes ne sera approché que progressivement : l’écart sera de 13 ans pour la production totale de l’année 40, par exemple.
D’un autre côté, notre analyse a mesuré jusqu’ici l’effet du recyclage pour chaque taux de croissance considéré séparément : à long terme, le recyclage fait durer la ressource 100 ans de plus que sans recyclage si le taux de croissance est de 1%, et il la fait durer 20 ans de plus que sans recyclage si le taux est de 3%. Mais si l’économie passe de 3% à 1% de croissance, la ressource connaît au cours du temps un double bénéfice : le passage de 20 ans à 100 ans pour l’effet relatif du recyclage, mais aussi, évidemment, la consommation totale ralentie par l’effet direct de la moindre croissance. Alors que nous avons formulé d’abord les critères de la croissance quasi-circulaire d’après une analyse « à la limite », nous pouvons à présent examiner comment ils portent effet sur la ressource dans une situation transitoire, c’est-à-dire au cours des premières décennies suivant un changement d’état du système économique, en intégrant à présent simultanément la variation de la croissance et celle du recyclage.
Nous avons évoqué plus haut que, parmi une série de métaux courants, les ressources concentrées, jugées potentiellement exploitables dans des conditions économiques futures acceptables, représentent, selon les cas, de 150 années de consommation actuelle (de matière vierge) à trois ou quatre siècles de consommation actuelle (graphique 2) : 150 ans de consommation actuelle pour le fer et le zinc, 250 et 270 pour l’aluminium et le cuivre, par exemple. La question qui doit nous intéresser au plus haut point est donc la suivante : selon les hypothèses de croissance et de taux d’incorporation de recyclés, en combien de temps épuise-t-on une ressource supposée égale à 150 fois (ou 250 fois) la consommation annuelle initiale de matière vierge ?
Graphique 13 : Evolution au cours du temps des consommations de matière vierge (en trait plein) pour deux taux de croissance différents, et pour un taux d’incorporation de recyclables proche du maximum possible pour chaque taux de croissance. La consommation de matière vierge de l’année 0 dans le cas n°1 a la valeur 1. La consommation totale de matière première est donc de 2 la même année (taux RC du cas n°1 : 50%), et la consommation de matière vierge du cas n°2 y est donc de 0,7 (taux RC du cas n°2 : 65%). Le taux RC du cas n°1 correspond à une efficacité extrêmement élevée du recyclage (ERR = 90%), tandis que celui du cas n°2 est moins ambitieux : ERR=74%. Ce graphique est donc favorable au cas de forte croissance, et conservateur quant aux bénéfices du scénario « quasi-circulaire ».
Lecture : une ressource supposée égale à 250 fois la consommation de matière vierge de l’année 0 est totalement épuisée au bout de 72 ans si la croissance est de 3% et le taux d’incorporation de 50% (cas n°1, courbe orange). Elle aurait été épuisée dès l’année 53 sans aucun recyclage, soit 19 ans plus tôt (seulement). Si l’année 0 est l’année 2020, la ressource de valeur 250 est donc épuisée en 2092 ou 2073, avec ou sans recyclage.
Le graphique 13 et le tableau 5 comparent la consommation progressive de la ressource au cours des années, selon que la croissance des consommations est de 3% (cas n°1) ou de 1% (cas n°2). Ces courbes confirment spectaculairement les enseignements des chapitres précédents.
- La compression du temps causé par la croissance est évidente, confirmant le graphique 2 relatif aux ressources de quelques métaux courants : la ressource équivalente à 150 années de consommation actuelle ne dure que 58 ans avec une croissance de 3%, celle de 250 années équivalentes ne dure que 73 ans.
- Le gain de temps dû au seul recyclage dans le cas n°1 est dérisoire : si l’on ne recyclait pas du tout, la ressource totale serait consommée seulement 10 à 20 ans plus tôt, selon sa taille.
- Si l’année 0 est l’année 2020, toute l’histoire du cas 1 s’achève avant la fin de ce siècle, pour les deux ressources (150 et 250 années de consommation actuelle).
- Ralentir la croissance sans recycler ne nous aiderait guère : mais la moindre croissance est un démultiplicateur de l’effet du recyclage.
- Car ralentir la croissance en recyclant beaucoup transforme l’échelle de temps du problème : avec des paramètres « quasi-circulaires » (cas n°2), la durée de vie de la ressource est doublée, et les échéances d’extrême rareté se déplacent au cœur ou à la fin du 22ème siècle.
Tableau 5 : synthèse des hypothèses et des enseignements du graphique 18.
Pourtant, le cas n°1 comporte une hypothèse d’efficacité du recyclage extrêmement ambitieuse, supérieure même à celle retenue pour le cas n°2 « quasi-circulaire » (cf. légende du graphique). Mais la croissance traduit différemment ce recyclage dans la production totale : par un taux d’incorporation de 65% pour le cas n°2, mais de 50% seulement dans le cas n°1, qui fait donc beaucoup plus appel aux matières vierges pour répondre à la demande.
Enfin, le graphique 14 confirme que le seuil de croissance de 1% est bien celui qui peut porter l’effet, à l’échéance de la fin du siècle, tout comme dans l’analyse à long terme que nous avions menée jusque-là. Les cas 1 et 2 sont complétés d’un troisième cas, intermédiaire : croissance de 2% et taux RC de 60%, correspondant encore à une efficacité maximale du recyclage (89%).
Graphique 14 : Evolution au cours du temps des consommations de matière vierge (en trait plein) pour trois taux de croissance différents : les deux mêmes que dans le graphique 18 (3% et 1%), outre le taux intermédiaire de 2% (cas n°3). Le bénéfice du cas n°3 à la fin du siècle (t+80 ans) n’est que de 20 ans, et la ressource de 150 années de consommation actuelle est alors épuisée. Seul le cas n°2, avec des paramètres « quasi-circulaires » emmène la consommation de ces gisements concentrés au-delà de la fin du siècle.
Nous constatons finalement que, dans la phase transitoire qui intéresse en pratique les échéances de consommation des ressources concentrées prioritaires pour notre économie, l’effet du seul recyclage n’est que progressif et se trouve d’autant plus inhibé par l’effet de la croissance. Tandis qu’au contraire l’effet conjugué du recyclage et de l’abaissement de la croissance au taux de 1% par an est massif. C’est cette conjugaison, et elle seule, qui répond à l’objectif de retarder l’épuisement des gisements concentrés d’une durée pertinente à l’échelle de l’enjeu pour nos sociétés. Enfin, nous remarquons que le temps qui passe réduit d’une façon terrible nos marges de manœuvre à l’égard des ressources non renouvelables. Car dans 15 ans, avec 3% de croissance annuelle d’une consommation, nous n’aurons pas prélevé 10% d’une ressource égale aujourd’hui à 150 ans de notre consommation actuelle : nous aurons parcouru déjà plus du quart du chemin avant son épuisement, et à la condition que nous recyclions quasiment tous les déchets disponibles sous toutes les formes. Dans les dynamiques de consommation actuelles, le temps écoulé sans transformation coûte donc cher à l’humanité.
* François Grosse a travaillé plus de vingt-cinq ans dans les secteurs de l’énergie (Engie) et surtout des déchets (Veolia), où il a conduit des projets, des opérations et des filiales en France et en Allemagne, avant de s’engager dans l’entrepreneuriat dans le secteur digital en 2014. Ingénieur de formation (Polytechnique, Mines de Paris), il a travaillé depuis 2010 sur la modélisation de l’économie circulaire et de la croissance, d’abord dans la continuité puis en complément de son activité professionnelle. Plusieurs publications en ont résulté, en particulier dans les revues Futuribles et S.A.P.I.EN.S (https://journals.openedition.org/sapiens/1041). Il est l’auteur de l’article Economie circulaire du Dictionnaire de la pensée écologique (PUF, 2014), et contribue au MOOC Economie circulaire et innovation de l’UVED (Université virtuelle environnement et développement durable).
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[1] Grosse F. (2010). Is recycling part of the solution? The role of recycling in an expanding society and a world of finite resource, S.A.P.I.EN.S, 3.1, 2010
Grosse F. (2011). Quasi-Circular Growth: a Pragmatic Approach to Sustainability for Non-Renewable Material Resources, S.A.P.I.EN.S, 4.2, 2011
[2][2] Il s’agit ici du taux d’incorporation de recyclés en provenance des déchets (« old scrap »), une fois neutralisé le flux de recycles provenant des chutes neuves de fabrication (« new scrap »). Voir plus loin.
[3] „Consumption of non-renewable resources should be limited to levels at which they can either be replaced by physically or functionally equivalent renewable resources or at which consumption can be offset by increasing the productivity of renewable or non-renewable resources.”
[4] von Gleich, in von Gleich A., Ayres R., Gößling-Reisemann S. (2006). Sustainable Metals Management, Springer, Dordrecht, The Netherland.
[5] Ekins P. (2000). Economic Growth and Environmental Sustainability – The Prospects for Green Growth, Routledge, London & New York
[6] USGS (2009). Mineral Commodity Summaries 2009, U.S. Geological Survey, Washington.
[7] Ekins P. (2000). Economic Growth and Environmental Sustainability – The Prospects for Green Growth, Routledge, London & New York. Chapitre 4.3: Sustainability Principles and Standards
[8] strictly in accordance with the principle of strong sustainability, is to ensure that the stock of the given resource, together with any substitute that may have been developed, maintain their capacity to perform the relevant environmental function at its current level. The disposal of the resource is only sustainable if technical advances enable the stock remaining (plus substitutes) to perform the same level of function as the initial stock
[9] Ekins P. (2000). Op. Cit.
[10] UNEP (2010). Metal Stocks in Society – Scientific Synthesis, International Panel for Sustainable Resource Management
[11] Dahlström K., Ekins P., He J., Davis J., Clift R. (2004). Iron, Steel and Aluminium in the UK: Material Flows and their Economic Dimensions. Op. cit.
[12] « The depletion of non-renewable resources (e.g. minerals, fossil fuels) […] has declined dramatically in perceived importance. […] The time-scales involved in this depletion now seem much less pressing than for pollution and the depletion of renewable resources ». (Ekins, 2000)
[13] « Réduisons vite nos déchets, ça déborde » : intitulé d’une campagne de communication nationale de l’ADEME en 2009
[14] UNEP International Resource Panel (2013). Environmental Risks and Challenges of Anthropogenic Metal Flows and Cycles. op.cit.
[15] UNEP International Resource Panel (2013). Environmental Risks and Challenges of Anthropogenic Metal Flows and Cycles. 234 pages
[16] C’est ce qui conduit les autorités publiques, la profession des déchets, et la filière plasturgique à privilégier, pour ceux des déchets de plastique qui ne peuvent être recyclés, leur envoi dans des usines de valorisation énergétique des déchets (UVE), plutôt que leur stockage en centre d’enfouissement technique. Or l’impact carbone de la combustion de ces matières à haut pouvoir calorifique, mais à haut facteur d’émissions de GES, est négatif compte tenu des caractéristiques thermiques des UVE : du point de vue du climat, produire la même utilité énergétique à l’aide de gaz naturel y est toujours préférable, et le faire à l’aide de charbon est souvent équivalent. Renvoyer le carbone dans le sol au travers d’un centre de stockage de déchets serait donc la meilleure destination pour ces rejets plastiques, à défaut de pouvoir les recycler. Pourtant, la filière industrielle et le législateur privilégient toujours l’évitement du centre de stockage, même au prix d’une contribution carbone négative, tant le sentiment est ancré dans les esprits que toute utilisation, même la moins satisfaisante, est préférable à un déchet stocké. Nous relativiserons ici ce point de vue, en nous détachant du déchet proprement dit pour nous focaliser sur les ressources, dont la préservation est le but ultime de la valorisation des déchets.
[17] UNEP International Resource Panel, Metals Recycling Status Report (2011).
[18] Ratios plus ou moins précis selon les métaux, compte tenu de la fiabilité très variable des statistiques nationales du recyclage.
[19] Le rapport au Club de Rome (Meadows & al, 1972, op. cit.) exposait déjà ce phénomène de contraction des échéances dans son tableau n°4, consacré aux ressources non renouvelables
[20] EU (2018). Directive 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets