Par Jacques KAMBETI MASUMBUKO, Coordonnateur National, ICCOD-ONG (« Imaginer et Construire le Congo de Demain » ; ongiccod@gmail.com)
Le grand problème du réchauffement climatique nous oblige tous, c’est-à-dire l’humanité entière, de porter les mêmes lunettes et de nous y impliquer au lieu de prétendre faire le développement dans des milieux où la vie humaine devient de plus en plus impossible à cause de la dégradation et de la destruction de l’environnement.
Quand les humanitaires viennent assister les personnes en détresse, par exemple, les déplacés des guerres ou de catastrophes naturelles, ils oublient complètement l’aspect principal sans lequel l’homme n’a pas de vie : le rétablissement de l’écosystème à partir du reboisement, car sans arbres il n’y a pas ni équilibres écologiques, ni vie.
L’équilibre mondial exige un bon environnement, respectueux des différents éléments constitutifs de la nature. Cette nature est aujourd’hui bradée et détruite de façon que la vie devient impossible dans certains milieux, pas seulement pour les humains, mais aussi pour les animaux, les végétaux, toutes les espèces utiles à la vie et à l’équilibre naturel.
Les conséquences qui en découlent sont graves non seulement pour ces milieux, mais aussi pour l’humanité entière.
Le cas des Provinces de l’Est du Congo victimes des guerres successives qui ont détruit le tissu environnemental est manifeste particulièrement dans les territoires ruraux de Kalehe et de Kabare, riverains du Lac Kivu et du Parc de Kahuzi-Biega.
Ces Territoires constituaient autrefois des merveilles touristiques, celles de la Ville de Bukavu jadis appelée « Capitale touristique du Kivu ». Ils deviennent désormais arides avec des variations climatiques aux saisons sèches très prolongées. Tous les arbres ont été coupés de 1994 à nos jours en raison de la présence des réfugiés et des déplacés internes et par l’achat des perchettes par les humanitaires qui construisent les abris pour réfugiés et déplacés dans les camps.
La présence des déplacées fuyant les rébellions internes entraîne les déplacements des familles de leurs milieux de vie pour se concentrer dans des Centres d’accueils où ils sont exposés au chômage. Pour survivre, ils sont obligés de voler la nuit les arbres dans les villages et de couper des arbres dans les parcs et dans la forêt dense. Ils fabriquent des braises pour la cuisson des aliments, ils vendent en ville pour avoir l’argent, ils abattent les arbres et scient les planches de façon que la végétation, la faune et la flore disparaissent. La drame humain produit une catastrophe écologique, porteuse de nouveaux drames humains.
La raison est que ces populations ne disposent pas des moyens de survie malgré les petites assistances des ONG humanitaires. Dans ces Territoires, les espaces verts n’existent plus, ne persiste que le sol rouge argileux et raboté par les érosions.
Sur le littoral de Kalehe et Kabare au bord du Lac Kivu, le vent chaud qui rencontre un sol sans arbres, sèche les herbes et les plantes agricoles et provoque la sécheresse. C’est un défi à lever par la restauration de l’environnement : grâce à des arbres agroforestiers et des méthodes agricoles modernes, avec des plantations sur les sols montagneux de Kalehe et Kabare.
Non seulement les courants marins chauds provoquent la sécheresse, mais aussi et surtout la destruction des arbres agroforestiers, des arbres forestiers ou sauvages par les exploitants miniers, les commerçants exportant du bois à l’étranger et à l’intérieur du pays pour la construction des maisons en planches, les fabricants de braises de chauffage, les fabricants de boissons locales, les boulangeries, les briqueteries de briques cuites, les fermes et les pâturages et les plantations déciment les arbres de forêts. Or toutes ces vastes étendues de forêts détruites procuraient de l’humidité, un bon climat, une bonne végétation, soutenaient la faune et la flore.
Dans les villages de Kalonge, Katasomwa, Chipawo, Bushaku, Kalungu, Shanje, Numbi, sur les hauts plateaux surplombant Kalehe et Kabare, les environnementalistes pleurent la coupe sauvage des arbres. C’est pourquoi il faut investir dans la promotion de l’environnement pour rendre à nouveau le monde habitable. Je pense aux Territoires de Kalehe et Kabare en commençant par les îles d’Ibindja, Ihoka, Ishovu, Iko, Irhe et Cheya ; aux villages de Nyabibwe, Minova, Mukwidja, Mabula, Lushere, Munanira, Chibandja, Kasheke en Territoire de Kalehe et aux villages de Kabamba, Mudaka, Kajeje, Shanga, Chirunga, Ishungu, Kashimbi, Lwagoma et Birava en Territoire de Kabare. La vie devient intenable plus que partout ailleurs dans ces villages riverains et montagneux à cause du déboisement, alors qu’ils faisaient les merveilles touristiques du Lac Kivu dans l’ancien temps.
Ils sont victimes des érosions car il n’y a plus d’arbres pour protéger les sols. Si les humanitaires comprennent l’écosystème et son rôle, ils seront appelés à mener des actions pour restaurer l’environnement.
L’organisation ICCOD se démène dans l’éducation environnementale par des visites et réunions de sensibilisation ainsi que par la distribution d’une quantité insuffisante de plants agroforestiers pour consolider et nourrir le sol. Mais nos moyens sont en effet insuffisants alors que les ONG humanitaires distribuent des semences agricoles, des géniteurs d’élevage oubliant la nature qui les recevra. Afin que ces chèvres vivent et se multiplient et que les semences poussent et croissent, il faut de la forêt. Elle apporte l’humidité du climat pour le sol, la poussée des herbes, des arbustes, la présence de l’oxygène, de l’ombrage, des plantes médicinales et favorise les équilibres des saisons ou de la nature.
L’organisation ICCOD lance un appel pathétique aux nations du monde pour la restauration de l’environnement à l’Est de la RD Congo où même les Parcs Nationaux ont été détruits, en commençant par les deux Territoires dont Kalehe et Kabare. La vie y devient presque impossible, notamment dans la Province du Sud-Kivu qui abrite le Parc National de Kahuzi-Biega ; un patrimoine mondial de l’UNESCO où vivent les gorilles de montagnes menacés et en voie de disparition. Ça n’a pas d’importance d’amener seulement la nourriture à un malade souffrant sans lui apporter les médicaments essentiels pour guérir sa maladie, afin qu’il ait la force de travailler seul et se nourrir.
Bien sûr, ceux qui assistent atténuent la misère des gens, mais ceux qui restaurent la nature, l’environnement et procurent des intrants agroalimentaires, agroforestiers, sauvent l’humanité entière car tout le monde en est bénéficiaire.
Nous exhortons les États et les organisations humanitaires à ne pas oublier que l’environnement c’est l’affaire de tous, sans distinction, et qu’il nous faut à tout prix le sauver.