Par Jean-Pierre Raffin
Résumé. Nombreux sont les auteurs à avoir tenté d’alerter sur l’érosion de la diversité biologique avant que ne se fassent jour les inquiétudes sur les effets du dérèglement climatique. Ces alertes sont, pour bonne part, restées sans effets à même d’enrayer ce que l’on peut maintenant désigner comme le début de la sixième extinction du monde vivant à l’échelle du processus de la Vie, né il y a près de 4 milliards d’années. En se limitant à l’Europe et plus particulièrement à la France, l’auteur, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences de Paris puis à l’Université Paris 7- Denis Diderot, initiateur, en 1966 d’un enseignement optionnel « Protection de la nature » à la Faculté des Sciences, co-fondateur avec François Ramade, écotoxicologue, en 1970, du service d’enseignement de l’écologie à l’Université Paris 7, co-fondateur, en 1984, avec Yvette Dewolf, géographe, du DESS « Espace & Milieux » à l’Université Paris 7, ancien membre du Conseil national de protection de la nature (CNPN) et du Haut-Comité de l’Environnement (HCE), ancien Président du Conseil scientifique du Parc national des Écrins, se propose de dresser une chronologie de certaines de ces alertes, des réponses apportées et d’en tirer quelques conclusions.
Abstract: Long before concerns about the effects of climate deregulation began, many authors were already warning against the erosion of biological diversity. Most of their warnings proved useless and did not prevent the fact that we are now in the beginning of the sixteenth extinction of the living world which began about four billion years ago. By focusing on Europe and on France, in particular, the article seeks to put some of these warnings, as well as the responses they triggered, into chronological order and then to draw some conclusions. The author is an academic scientist who taught at the Science Faculty in Paris and then at the Denis Diderot University of Paris 7. In 1966 he set up an optional course on Nature Conservancy at the Science Faculty and in 1970 he was a co-founding member, with François Ramade (an ecotoxicologist) of the Ecology Education Department of the Denis Diderot University of Paris 7. In 1984 he co-founded, with Yvette Dewolf, (a geographer) the Space and Environment DESS (advanced graduate diploma) at Denis Diderot University of Paris 7. He is a former member of the French Nature Conservancy National Council (CNPN) and of the French Environment High Committee (HCE) and was chair of the Scientific Council of the Écrins National Park (southeastern France).
Introduction
Georges Bertrand écrivait en 1975 qu’après la période gallo-romaine, les invasions diverses, cause de ré-ensauvagement, puis les grands défrichements du Haut Moyen-Age, « Entre la deuxième moitié du XIII° siècle et la fin du XIX° siècle, on n’a pas remarqué de grands changements dans les agrosystèmes et dans le comportement écologique des sociétés rurales » (Bertrand, 1975). Effectivement, l’on peut constater qu’à quelques exceptions près (par exemple, extinction, en France, de grands mammifères comme l’auroch ou l’élan), la diversité du monde vivant que côtoyait nos lointains ancêtres a peu changé au fil du temps jusqu’au XIX° siècle, voire s’était accrue avec certaines pratiques agricoles : les plantes messicoles en sont un exemple. Cette cohabitation évolutive entre homme et diversité du monde vivant sauvage est manifestement due à une lenteur des changements dus aux activités humaines que viendront bouleverser, en ampleur et en rapidité, une population humaine croissante dotée d’outils au pouvoir modificateur sans commune mesure avec celui des siècles passés. Carrefour de domaines biogéographiques, la France a longtemps gardé, grâce à l’opiniâtreté de ses paysans jouant de la diversité de ses terroirs, une richesse tant de sa flore et de sa faune sauvages que des espèces cultivées ou élevées. L’on parle aujourd’hui de l’érosion de la biodiversité, terme qui relève d’un américanisme devenu à la mode, lequel se substitue à ce que l’on nommait jadis « nature », même si l’on sait bien que la distinction entre « naturel » et « artificiel » a peu de sens dans des espaces où ce que nous observons du monde vivant non humain est tout autant le fruit de l’évolution que de pratiques humaines déroulées au fil des siècles.
Au XIX° siècle, Jean-Baptiste de Lamarck écrivait en 1820 : « L’homme par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce, en détruisant les grands végétaux qui protégeant le sol pour des objets qui satisfont son avidité du moment» (d’après Pelt, 2005). Marsh (1864) s’alarmait déjà de la disparition de grands mammifères et d’oiseaux en Europe et notait: « Man has too long forgotten that the earth was given to him for usufruct alone, not for consumption, still less for profligate waste ». L’ouvrage, dont Élisée Reclus se fait le promoteur (Reclus, 1869), conduira ce dernier à développer le propos de Marsh et à l’amplifier dans son magistral « L’Homme et la Terre » (Reclus, 1905) où, après avoir traité de la destruction de la nature, il invoque la nécessité de « restruction ». Dès 1869, il s’attache à mettre en valeur « la splendeur des traits de la nature » dont la contemplation doit devenir « pour tout homme complet un des éléments primordiaux de l’éducation », avec des accents que l’on retrouvera par exemple chez Jean Dorst (Dorst, 1965) ou le Pape François (2015). Reclus écrira, en 1905, « l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même ».
Un siècle de chronologie du verbe et des actes
- Premier Congrès international pour la protection de la nature : faune et flore, sites et monuments naturels, réuni à Paris à l’initiative de la Société nationale d’Acclimatation de France, la Ligue Française pour la Protection des Oiseaux et la Société pour la Protection des Paysages de France.
- Deuxième Congrès international pour la protection de la nature, réuni à Paris et présidé par Albert Lebrun, président du Sénat (Deuxième congrès international pour la protection de la nature, 1932).
- Contribution à l’étude des Réserves naturelles et des Parcs nationaux (Société de Biogéographie, 1937). Il y est à signaler une intéressante discussion entre A. Joubert, Inspecteur principal des Eaux et Forêts et G. Petit, Sous-directeur du Laboratoire du Muséum national d’Histoire naturelle. Le premier estime que l’on ne peut exclure toute intervention dans une réserve naturelle puisque, dans les pays de vieilles civilisations, l’action de l’homme a largement joué depuis longtemps. Le second tient, prenant exemple de Madagascar, qu’il y a encore des « lambeaux intacts biologiquement parlant» qu’il convient de soustraire à toute intervention humaine. Petit (1950) redéveloppera plus tard cette thèse.
- Parution de « Et la nature ? Réflexions d’un peintre » de Robert Hainard. Avec ce livre, Hainard, naturaliste, peintre, graveur, sculpteur d’exception, inaugure, en quelque sorte, ce qui sera la série des ouvrages « Les beautés de la nature » des Éditions Delachaux & Niestlé.
1949.- Fairfield Osborn écrit : « La marée de la population humaine monte toujours tandis que baisse le grand réservoir de ressources naturelles dont elle tire sa subsistance (…). L’homme doit reconnaître la nécessité où il se trouve de collaborer avec la nature. Il doit rabattre de ses exigences, utiliser et conserver les ressources naturelles du monde entier de la seule manière qui puisse permettre à la civilisation de se maintenir » (Osborn, 1949).
- 1952. Roger Heim écrit : « La nécessité d’une protection enfin efficace de la Nature et des richesses qu’elle renferme » relève d’un constat d’un danger qui est « aussi grave pour l’avenir de l’humanité que l’éventualité de guerres nouvelles ou l’extension de quelque épidémie foudroyante. Il est aussi, et surtout, immédiat. L’Homme est aujourd’hui sur une crête, devant l’abime qu’il a creusé. » (Heim, 1952).
- La loi du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux est articulée sur un zonage : zone centrale à forte protection, et zone périphérique où (article 3) les diverses administrations publiques prendraient, suivant un programme défini, en liaison avec l’organisme de gestion du parc, « toutes mesures pour permettre un ensemble de réalisations et d’améliorations d’ordre social, économique et culturel tout en rendant plus efficace la protection de la nature dans le parc».
Mais, sous la pression des services des ministères des travaux publics des transports et de la construction, la partie finale de l’article 3 de la loi a été évacuée dans le décret d’application du 31 octobre 1961. C’est au seul ministère de la construction qu’a été confiée la responsabilité du programme des réalisations et améliorations d’ordre social, économique et culturel sous la direction du préfet (art. 27 du décret). Ainsi, préfets, services départementaux de ministères aménageurs (équipement et transports, agriculture, industrie, etc.), n’ont été soumis à aucune obligation particulière aux zones périphériques et ont conduit des politiques d’aménagement sans beaucoup se préoccuper de la zone centrale. La plus grande efficacité de la protection de la nature dans le parc était manifestement le cadet de leurs soucis. Constatant cette situation, André Bettencourt, ministre délégué auprès du premier ministre, chargé du plan et de l’aménagement du territoire, et Robert Poujade, ministre délégué auprès du premier ministre, chargé de la protection de la nature et de l’environnement, rappelaient dans une circulaire aux préfets et aux présidents de Conseils d’administration de Parcs nationaux en date du 10 mai 1972, l’impérieuse nécessité de renforcer la coordination entre l’aménagement de la zone périphérique et la gestion du parc précisant: « l’avenir du parc et celui de sa zone périphérique sont donc liés, et l’aménagement de cette dernière revêt une importance capitale pour le succès même de la politique des parcs nationaux ». La portée d’une circulaire étant celle d’un vœu pieux, ces propos n’eurent pas beaucoup de suite. Les ministères « aménageurs » veillaient à ce que rien ne change, d’autant plus que le décret (adopté en Conseil d’Etat) leur donnait satisfaction. Il en ira de même des suites d’une circulaire du Premier ministre (12 septembre 1979), demandant une meilleure participation des directeurs de Parcs aux programmes d’aménagement des zones périphériques, rappelant que « les administrations de l’Etat et les organismes publics comme Electricité de France sont tenus de respecter les contraintes qu’impose l’existence des Parcs en matière de protection des sites et des paysages ». La réussite des efforts mis en œuvre pour permettre le maintien et/ou la restauration du patrimoine naturel dans les zones centrales est indéniable. Pour ce qui concerne les zones périphériques le bilan est mitigé. Cela conduira, entre autres, à l’élaboration d’une nouvelle loi sur les parcs nationaux, adoptée en 2006 ; selon une pratique coutumière de la France, une loi est votée, mais ses décrets d’application ne sont pas pris ou, quelquefois, se détournent de la loi. Plutôt que d’appliquer correctement le premier texte, les responsables politiques préfèrent en produire un nouveau, quitte à ne pas l’appliquer mieux.
- 1965. Jean Dorst note: « Il s’agit au fond de réconcilier l’homme avec la nature. De le persuader de signer un nouveau pacte avec elle, car il en sera le premier bénéficiaire » (Dorst, 1965).
- 1965. Michel-Hervé Julien écrit : «La plupart de ces richesses de la nature dont dépend notre existence appartiennent à l’origine à ce qu’il est convenu d’appeler les ressources renouvelables. Renouvelables, à condition qu’il en soit fait un usage prudent et modéré. Exploitation d’intérêts et non prélèvement ou altération du capital. » (Julien, 1965)
- 1965. Jean Rostand fait remarquer : « Je sais, il y a des gens qui disent, enivrés qu’ils sont par nos petits bonds dans le cosmos : « Eh bien, quand l’homme aura épuisé le fonds nourricier de la planète, quand il aura dégradé, détérioré, pillé tous les magasins terrestres, quand il se sera rendu le globe inhabitable avec ses ordures radio-actives, avec ses pétroles, avec ses insecticides, etc…eh bien, il s’en ira, il émigrera sur une autre planète, qu’il mettra à sac et souillera à son tour… N’y comptons pas trop… En attendant que ces phantasmes deviennent réalité, traitons avec égard, en bons terricoles, notre domicile terrestre : vivons comme si nous devions y faire encore un très long séjour. » (Rostand, 1965).
- Lors de la réunion de la Conférence intergouvernementale sur l’utilisation et la conservation de la biosphère, tenue à Paris (4-13 septembre) à l’Unesco, de nombreux intervenants soulignent la nécessité de préserver la diversité biologique et les conditions de sa dynamique pour garantir le futur de l’humanité. Rapport de François Bourlière, Marion Clawson Frazer Darling et René Dubos : « L’homme et ses écosystèmes ; l’objectif d’une équilibre dynamique avec le milieu satisfaisant les besoins physiques, économiques, sociaux et spirituels » (Utilisation et conservation de la biosphère, 1968). C’est lors de cette réunion que la délégation française annonce qu’une « loi sur la protection de la flore et de la faune » est en préparation. Il faudra 8 ans d’efforts du mouvement des associations de protection de la nature et de quelques élus motivés pour que cette loi soit votée en 1976 après bien des péripéties (Raffin .2017)
- 1970. Parution de « La Nature n’en peut plus. Apprendre à vivre pour survivre », dans le cadre de l’Année européenne de la Conservation de la nature (Conseil de l’Europe, 1970). Publication du Premier programme pour l’environnement (1970) comportant 100 mesures pour l’environnement. On y lit, dans les extraits du rapport dû à Louis Armand, Bertrand Cousin et Christian Garnier : « Forêts, landes, maquis, tourbières et autres habitats naturels, les plus intéressants disparaissent (…) Une exploitation abusive par la pêche et la chasse compromet le maintien des espèces. (…) 36 espèces de mammifères et 94 espèces d’oiseaux ont disparu dans le monde ; 120 et 187 respectivement se trouvent au bord de la disparition. Or l’émergence de nouvelles espèces nécessite des milliers d’années. Plus qu’une perte économique, cette disparition d’espèces et de leur habitat représente l’amputation d’un précieux capital génétique, scientifique, touristique et une privation de jouissance d’un milieu naturel animé. (…) Contrairement à une opinion communément répandue, le problème de l’évolution contemporaine du milieu naturel se pose plus en terme de survie biologique de l’espèce humaine qu’en termes d’adaptation de l’homme à son milieu : l’inquiétude des personnalités scientifiques quant à l’équilibre général de la biosphère est si unanime qu’il semble difficile de l’assimiler à une nouvelle « peur de l’an 2000 ».
- Vote de la loi relative à la protection de la nature. « La protection des espaces naturels, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d’intérêt général. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel dans lequel il vit. Les activités publiques ou privées d’aménagement, d’équipement et de production doivent se conformer aux mêmes exigences » (art.1). Il s’en suivra notamment l’élaboration de listes d’espèces protégées (en effet, jusqu’alors, seules avaient une existence juridique les espèces relevant de la chasse ou de la pêche , Raffin, 2017), la procédure d’étude d’impact (due au Parlement) et une réforme de la procédure de création de réserves naturelles. Cette loi sera complétée par la loi sur la démocratisation des enquêtes publiques et la protection de l’environnement (1983) dite loi Bouchardeau, puis par la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement (1995) dite loi Barnier. Analyser les effets négatifs ou positifs sur la diversité biologique avant toute autorisation d’activités diverses est, en effet, un préalable à toute politique de sauvegarde du patrimoine naturel.
- 1979. Adoption de la directive européenne 79-409 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Sa mise en œuvre complète sera bloquée (et elle l’est toujours) par certains milieux cynégétiques. À la différence des lois françaises, les directives européennes comportent un échéancier et des objectifs à atteindre. Lorsqu’un pays membre de l’Union européenne a adopté une directive, il est tenu de tenir ses engagements. Lorsque ce n’est pas le cas, la Commission européenne peut diligenter auprès de la Cour européenne de Justice une procédure conduisant à des sanctions, notamment financières. C’est arrivé à plusieurs reprises lorsque la France n’a pas respecté telle ou telle directive.
- 1980. « L’humanité, dans sa volonté de réaliser son développement économique et dans sa quête des richesses naturelles, doit accepter la réalité de la limitation des ressources et de la capacité de charge des écosystèmes, et tenir compte des besoins des générations futures » (…) « La conservation des ressources vivantes n’est qu’une des nombreuses conditions indispensables à la survie et à la prospérité de l’humanité » (…) « La préservation de la diversité génétique est un gage d’avenir » (…) « Comme notre capacité d’altérer le cours de l’évolution ne nous empêche pas d’être soumis à celle-ci, la sagesse nous dicte la prudence. Nous ne pouvons pas prévoir quelles espèces pourront demain nous être utiles. Bien au contraire, il se peut que nombre d’espèces dont on croit pouvoir se passer soient en puissance une source de substances importantes – pharmaceutiques, par exemple – ou qu’elles constituent des pièces maîtresses dans les écosystèmes entretenant la vie, dont nous dépendons. » (The world conservation strategy (WCS), 1980). C’est dans ce document qu’est mentionnée la conviction selon laquelle « nous n’avons pas hérité la Terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants», phrase ensuite attribuée à de multiples auteurs.
- 1981. A propos de la sauvegarde de la diversité biologique Otto Herzberg Frankel et Michael Ellman Soulé (Frankel et Soulé, 1981) écrivent : « Conservationnists cannot afford the luxury of methodological elegance. We are soldiers in a war and soldiers must be pragmatists. Thus it is our tenet that crude initiative based on rough guidelines are better than the paralysis of procrastination induced in some scientists by the fear of inadequate data. To delay the implementation of conservation and management programmes until we have a definitive understanding of all the complexities of the evolutionary process is analogous to allowing cancer to go untreated until we can prevent it altogether ».
- Publication de « Genes from the wild » (Prescott-Allen et Prescott-Allen, 1983) démontrant l’importance de conserver les espèces sauvages proches des espèces cultivées et domestiquées. La même année, dans un article consacré à la génétique de la domestication des céréales (Pernès, 1983), on peut lire : « La sélection faite par les paysans des centres d’origine s’est réalisée, fait remarquable, sans appauvrissement inutile de la variété génétique grâce à ces flux de gènes entretenus à partir de ces immenses réservoirs naturels spontanés. Ceux-ci sont, hélas, en cours de disparition, du fait des remaniements importants imposés par l’agronomie moderne. Cette protection des formes sauvages et de leur connexion avec les formes cultivées est à décider de façon urgente (…) maintenant de la sagacité de la conservation des ressources génétiques des formes traditionnelles et sauvages dans d’autres pays dont l’agronomie n’est pas encore trop modernisée, dans le sens des abus technologiques des destructeurs de diversité ».
- L’article 19 du règlement C.E.E. 797/85 de la Politique agricole commune (PAC) permettait aux Etats membres d’octroyer des aides aux agriculteurs qui s’engageraient pour cinq ans à des pratiques respectueuses de l’environnement. Le ministère de l’Agriculture, dont le titulaire est, en 1986, F. Guillaume, ancien responsable de la FNSEA (le plus puissant des syndicats agricoles en France), se refuse à se servir de cet outil. Il faudra attendre le début de l’année 1989 pour que soit engagée une réflexion sur la mise en œuvre d’un dispositif européen qui avait pourtant bien des avantages en matière de maintien et de restauration de la diversité biologique et auquel avaient adhéré, dès 1987, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Danemark et l’Allemagne fédérale. Avec frilosité, le ministère de l’Agriculture attendra la fin de l’année 1989 pour créer 4 zones pilotes et lancer, en juin 1990, les premières opérations, c’est-à-dire au moment où venait à échéance la validité du dispositif temporaire préconisé cinq ans auparavant ! On retrouvera cette même hostilité à donner une coloration « écologique » à la PAC lors de l’élaboration du projet de Constitution de l’Europe. Etienne de Poncins (de Poncins, 2003) rapporte ainsi qu’un premier projet relatif à l’agriculture et à la pêche, élaboré par la Convention préparatoire indiquait qu’il était nécessaire de tenir « compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement» mais que cette exigence a été par la suite supprimée. Aussi « certains conventionnels, en particulier suédois, ont regretté que la Convention ne revoie pas les objectifs de la PAC (…) Ils jugeaient que les références à l’augmentation de la productivité agricole ne correspondaient pas à la réalité actuelle et qu’il aurait été souhaitable d’introduire des références, parmi les objectifs, au développement durable et au respect de l’environnement ». La France n’était pas en reste dans l’évacuation de cette exigence. Dominique Bussereau, alors ministre de l’Agriculture, indiquait ainsi (Le Monde, 22/04/2005), pour rassurer le monde agricole qui semblait tenté par le non au référendum, que les conditionnalités des aides à une certaine prise en compte de l’environnement avaient été écartées et que la Constitution, reprenait le traité de Rome : « accroître la productivité de l’agriculture, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements, assurer des prix raisonnables aux consommateurs. ». À lire les commentaires relatifs aux discussions sur le projet de budget européen qui se sont tenues au Conseil européen le 20 février 2020, il ne semble pas que la France ait beaucoup changé en matière d’éco-conditionnalité. Lors des discussions du Conseil des ministres de l’agriculture réunis à Lisbonne le 14 juin 2021, il n’apparaît pas non plus que la France ait été un ardent défenseur de l’éco-conditionnalité. On peut penser que cela s’inscrit dans la même logique que la création, à l’initiative de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA), en octobre 2019, d’une cellule de la gendarmerie nationale dite « Déméter » destinée à lutter contre les atteintes au monde agricole, c’est-à-dire des actes de vandalisme (matériel ou bâtiments agricoles, par exemple) ou de vols. Cette cellule peut être justifiée si elle se limite à ce champ d’intervention. Mais, en fait, est aussi visée de manière insidieuse la critique du modèle agricole peu soucieux de l’environnement défendu depuis des décennies par la FNSEA, perçue comme « agribashing» (attaque contre l’agriculture), concept on ne peut plus flou agité par ce syndicat.
- Dans « Recherche et conservation des races et espèces en voie de disparition », Pierre Guy écrit : « La prise de conscience française est récente mais les organismes de recherche et instituts professionnels sont encore bien timorés quant à la nécessité de conserver nos vieilles races, nos variétés de pays, notre flore, notre faune… » (Guy, 1986).
- 1988. 18-21 janvier. Conférence de 72 Prix Nobel réunie au Palais de l’Élysée à l’initiative d’Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix 1986 et du Président de la République François Mitterrand : «Toutes les formes de vie doivent être considérées comme un patrimoine essentiel de l’humanité. Endommager l’équilibre écologique est donc un crime contre l’avenir ».
- 1988. Parution de l’ouvrage de Wilson et Peter (1988) : « Biodiversity». C’est l’ouvrage qui consacre l’américanisme «biodiversité», né deux ans auparavant lors d’un forum réuni à Washington. Il faut noter que ce terme est réducteur par rapport au mot nature, il ne concerne que les êtres vivants alors que le mot nature inclue un monde minéral exprimé en de vastes espaces : plaines, déserts, montagnes auxquels l’esprit humain est sensible. L’on peut « aimer » la nature et en rendre compte comme l’ont fait nombre d’artistes et de naturalistes. Mais peut-on aimer la biodiversité ? Cette même année 1988 paraît la version française du rapport « Our common future » de Gro Harlem Brundtland (1987), dans lequel sont définis des principes d’action de ce qui devrait conduire au développement soutenable dont : « La conservation des ressources naturelles vivantes – les végétaux, les animaux, les micro-organismes et les éléments non vivants de l’environnement dont elles ont besoin pour vivre – est essentielle pour le développement» et : « Bien des efforts actuels pour préserver les progrès réalisés par l’humanité pour répondre à ses besoins et pour réaliser ses ambitions légitimes sont tout simplement insoutenables, et ce autant dans les pays riches que dans les pays pauvres. Ils puisent trop, et trop vite, dans des ressources déjà limitées qui ne pourront durer encore longtemps. Les comptes sont peut-être encore positifs pour notre génération, mais nos enfants hériteront d’une balance négative. Nous empruntons un capital écologique aux générations à venir, sachant pertinemment que nous ne pourrons jamais le leur rembourser. Ils auront beau nous maudire d’avoir été si dépensiers, ils ne pourront jamais récupérer ce que nous leur devons. Nous agissons de la sorte, parce que nous n’avons pas de comptes à rendre : les générations futures ne votent pas, elles n’ont aucun pouvoir politique ou financier, elles ne peuvent s’élever contre nos décisions ». Quant à Lebreton (1988), il écrit : « Toute la nature n’est pas en crise, certes (…) mais pour quelques espèces florissantes – dont certaines (…) ne sont que le signe de déséquilibre -, combien de déclins voire de disparitions qui semblent bien irrémédiables ? ».
- Francisco di Castri écrit : « Il faut surtout bien garder à l’esprit que complexité et diversité sont les conditions de la vie, et que changements et perturbations sont inhérents au devenir évolutif. Il est troublant de constater à quels points ces simples faits ne sont pas intimement acceptés par « l’homme de la rue » ou par l’homme politique. A la quête compréhensible de « sécurisation » de la part du premier, et de contrôles de la part du deuxième, leur monde idéal semble être celui où l’uniformité, la stabilité et la prévisibilité représentent les piliers de la société. Or, ceci n’est pas compatible avec le devenir de la vie. Ceci est même incompatible avec les conditions économiques et sociales actuelles, à cause desquelles la tâche d’un décideur semble plutôt celle d’imaginer les moyens de faire face à l’imprévisible et de maîtriser l’inconnu » (di Castri, 1989)
- 1992. Adoption de la directive européenne 92/43 concernant la conservation des habitats naturels, ainsi que de la faune et la flore sauvages. Cette directive a pour objectif de stopper l’érosion de la diversité biologique dans les divers pays de l’Union européenne.
- 1992. « Conscientes de la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique, Conscientes également de l’importance de la diversité biologique pour l’évolution et pour la préservation des systèmes qui entretiennent la biosphère, Affirmant que la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune à l’humanité», les parties contractantes sont convenues de signer la Convention sur la diversité biologique (Rio de Janeiro. 5 juin 1992).
- « La préservation de la diversité génétique est un gage d’avenir et un investissement nécessaire pour maintenir et améliorer la production agricole, forestière et halieutique, pour garder les options ouvertes pour l’avenir et pour parer aux changements défavorables qui surviennent à l’environnement. La biodiversité ne doit donc pas être considérée seulement comme une ressource naturelle, mais elle comporte aussi des aspects esthétiques et possède des fondements éthiques » Rapport sur la biodiversité et la préservation du patrimoine génétique (Chevallier, 1992)
- 1992. « L’un des grands problèmes qui requiert une action d’ensemble, c’est la protection de l’environnement à l’échelle mondiale (…). La pollution et la protection des espèces doivent être traitées sur le même pied que la croissance économique, parce qu’elles sont inexorablement liées. Elles lui sont liées parce que le marché mesure mal le coût de la pollution et n’attache aucune valeur à la protection des espèces» (Lester Thurow. Ancien conseiller économique des Présidents Lyndon Johnson et Jimmy Carter, Doyen de la Sloan School of Management du Massachusetts Institute of Technology (Thurow, 1992).
- « La biodiversité est utile à divers titres (…). On s’intéresse aux formes sauvages apparentées aux espèces domestiques et, avec le génie génétique, toute forme vivante devient une source potentielle de gènes. Les espèces vivantes sont aussi des modèles biologiques. (…) La biodiversité a également une valeur écologique. Elle joue un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes, où se déroulent des processus essentiels à la vie humaine. » (Chauvet et Olivier, 1993). «La dimension planétaire des problèmes écologiques, désormais évidente, ne saurait occulter la diversité des relations que nous entretenons avec la nature » (Bourg, 1993).
- 1995. Global Biodiversity Assessment (1995). Il y avait 814 contributeurs, dont pour l’Europe : 91 britanniques, 15 néerlandais, 6 suédois, 3 norvégiens et 3 français.
- 10 avril. Déclaration du groupe dit des 9 (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNDSEA), Fédération nationale des communes forestières de France (FNCFF), Fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers sylviculteurs (FNSPFS), Association nationale des Centres régionaux de la propriété forestière (ANCRPF), Union nationale des fédérations départementales de pêche et de protection du milieu aquatique (UNFDPPMA), Union nationale des fédérations départementales de chasseurs (UNFDC), Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et Fédération nationale de la propriété agricole (FNPA.) dénonçant les conditions de mise en œuvre de la directive « Habitats » et marquant leur hostilité au projet. À signaler que Luc Guyau, responsable de la FNSEA, se déclarait, cependant, en 1994, favorable à la mise en œuvre de cette directive européenne. La procédure est bloquée par le Premier ministre, Alain Juppé.
- 1997. Relance en France de la mise en œuvre de la directive Habitats, à l‘initiative de Dominique Voynet, ministre de l‘Aménagement du Territoire et de l’Environnement.
- 1999. « L’action de l’homme moderne sur la biosphère se traduit pour l’instant, de toute évidence, par un génocide sans précédent des espèces vivantes qui la peuplent, dont le résultat ultime est de remplacer la variété par l’uniformité, la diversité par la dominance, la richesse spécifique par la rareté » (Ramade, 1999).
- 2001. Engagement de l’Union européenne à stopper l’érosion de la diversité biologique à l’horizon 2010.
- 2002. Sommet mondial du Développement durable à Johannesburg (Afrique du Sud). Réaffirmation par les pays européens du principe de stopper l’érosion de la biodiversité à l’horizon 2010. Le président de la République française, Jacques Chirac, déclare « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Cette emphatique déclaration n’aura guère de suite concrète en France. On ne voit pas qu’elle ait amélioré en quoi que ce soit le maintien ou la restauration du patrimoine vivant en France.
- 2002. « Depuis toujours, l‘homme interagit avec son environnement en le modifiant à son profit, le considérant, lui et les êtres vivants qui l‘occupent, comme des ressources inépuisables. Les altérations résultant des activités anthropiques entrainent des changements dans : – .la structure des paysages (hétérogénéité, fragmentation ou destruction), – .la structure et la composition des communautés (introduction ou extinction d’espèces), -.le fonctionnement et l’évolution des populations (modifications des régimes de sélection. (…) La diversité de la vie doit être considérée comme une ressource durable et une composante intégrale de notre développement » (Quilichini et Gibernau, 2002).
- 2005. « En réalité, ne s’agit-il pas, pour chaque société humaine, là où elle vit, de se demander avec quelle biodiversité elle veut être en compagnonnage ? C’est alors un autre regard qui s’impose : la biodiversité ne devrait-elle pas être partie des projets des humains ? Il s’agirait alors moins de sauvegarder pour sauvegarder, que de choisir la biodiversité compagne, la nature convive, avec laquelle les humains co-évolueraient vers un devenir désiré. » (Blandin, 2005).
- 2005. « Concilier le respect de la biodiversité et la nécessité d’agir, c’est prendre en compte les générations actuelles et les générations futures, c’est trouver l’équilibre entre les besoins sociaux et environnementaux pour ne pas compromettre l’avenir ». (Reeves, 2005).
- 2005. Adoption par le Congrès (réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat, France) de l’introduction dans le préambule de la Constitution de la Charte de l’environnement.
- 2006. « La diversité, c’est la vie, la garantie d’un développement sans cesse renouvelé, la capacité d’adaptation aux changements, aux imprévus, une source d’innovation » (Barbault, 2006).
- 2006. Vote de la loi relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, en France. Pour les parcs nationaux, la zone centrale devient « zone cœur » et la zone périphérique « zone d’adhésion » dotée d’une charte.
- 2007. « La biodiversité influe sur ce que l’on appelle « les services des écosystèmes » ou « services écologiques », à savoir des processus naturels dont bénéficient les sociétés humaines ». (Loreau, 2007).
- 2007. Grenelle de l’Environnement (France).
- 2010. Année internationale de la Biodiversité. Constat pour la France que la Stratégie Nationale pour la Biodiversité de 2004 et le Grenelle de l’Environnement de 2007 n’ont pas atteint leurs objectifs. La biodiversité continue de se dégrader. Lancement d’un appel « Pour la biodiversité on ne peut plus attendre » au Président de la République, Nicolas Sarkozy, par 60 spécialistes français de la biodiversité dont Gilles Bœuf, président du Muséum national d’Histoire naturelle. Cet appel est lancé quelque temps après que le Président eut déclaré lors d’une visite au Salon de l’Agriculture : « L’environnement, ça commence à bien faire !».
- 2012. Au delà des dimensions quasi esthétiques et morales « le respect de la biodiversité considérée comme « ressource » pour l‘homme est, de surcroît, une évidence économique : espèces végétales utilisées comme banques ou modèles de « diversité pharmacologique » (tonicardiaques, comme la digitaline ; anticancéreux, comme le taxol, etc.) ; espèces animales considérées comme indicateurs ou « sentinelles écologiques » (oiseaux des agro-écosystèmes, lichens des villes ou des forêts soumises à la pollution atmosphérique, etc.) » (Lebreton, 2012).
– Dédicace. « A mes petites-filles Leila et Yaël, pour qu’elles connaissent un monde où l’empathie entre tous les êtres vivants fera que le rêve devienne réalité » (…) « Entreprendre une métamorphose qui soit fondée sur de nouveaux rapports à la nature est certes une tâche gigantesque, mais les raisons d’espérer ne manquent pas, car toute utopie est génératrice d’idées nouvelles » (Blondel, 2012).
Sommet de Rio + 20. Les engagements pris à Rio n’ont pas permis de freiner l’érosion de la diversité biologique.
2015.-« Ne nous abusons pas : les jolies fleurs, les petits oiseaux et une multitude de micro-organismes sont utiles et indispensables à la survie physique de l’Homme, alors que la réciproque n’est pas vraie ». (Wever et David, 2015).
2015. Encyclique ‘Laudato si’ du Pape François (Pape François, 2015 : III §33). « Mais il ne suffit pas de penser aux différentes espèces comme d’éventuelles « ressources exploitables », en oubliant qu’elles ont une valeur en elles-mêmes. Chaque année, disparaissent des milliers d’espèces végétales et animales que nous ne pourrons plus connaître, que nos enfants ne pourront pas voir, perdues pour toujours. L’immense majorité disparaît pour des raisons qui tiennent à une action humaine. A cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit ». De cette encyclique, Edgar Morin dira « c’est peut-être l’acte 1 d’un appel pour une nouvelle civilisation » (Morin, 2015).
Vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages publiée au Journal officiel le 8 août. À signaler qu’elle présente l’une des caractéristiques du système législatif français : l’inflation et l’amnésie. La loi de 1976 comptait 15 pages de la brochure du Journal officiel, celle de 1995, 18 pages, et celle de 2016, 63 pages. Nos législateurs n’ont manifestement pas intégré ce que disent les bons juristes, à savoir qu’une bonne loi est une loi courte.
22 mai 2017. Journée internationale de la biodiversité. Pour la France, seuls 22% de l’ensemble des milieux naturels d’intérêt européen sont évalués en bon état de conservation, moins de la moitié (43 %) des eaux de surface sont considérées comme étant en bon état, un tiers (31%) des espèces sont menacées, et l’abondance des oiseaux communs spécialistes d’un habitat a diminué de 23 % entre 1989 et 2015 et celle des chauves-souris de 46% entre 2006 et 2014.
25 septembre 2017. Rapport de l’Académie des Sciences alertant le gouvernement sur l’état catastrophique de la biodiversité.
18 octobre 2017. Publication dans la revue Plos One d’une étude menée en Allemagne montrant dans les espaces protégés depuis 1989 un déclin de 76% en moyenne et de 82% au milieu de l’été des insectes volants.
13 novembre 2017. Appel de 15.000 scientifiques de 184 pays « pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité ».
novembre 2017. Mise en place par la région Nouvelle-Aquitaine du comité pluridisciplinaire Ecobiose , sous la responsabilité de Vincent Bretagnolle du Centre d’ études biologiques de Chizé (Deux-Sèvres) . Ce comité a pour objectif d’établir un état des lieux de la diversité biologique de la région et de son rôle dans les socio-systèmes et de là proposer une stratégie à long terme face à l’érosion de cette diversité.
18 mars 2018. Sommet mondial en Colombie sur la biodiversité. Le président colombien Juan Emmanuel Santos déclare : « Protéger la biodiversité est aussi important que lutter contre le changement climatique».
20 mars 2018.- Publication par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France) et le MNHN (Muséum national d’histoire naturelle, Paris) d’une étude montrant une diminution d’en moyenne un tiers des populations d’oiseaux des campagnes françaises en quinze ans et d’un déclin massif des insectes.
24 mars 2018. Tweet d’Emmanuel Macron, Président de la République « Le temps du déni est révolu. Nous ne sommes pas seulement en train de perdre la bataille contre le changement climatique, nous sommes entrain de perdre notre bataille contre l’effondrement de la biodiversité» (Foucart. 2018)
4 juillet 2018. Lancement d’un Plan de 90 mesures pour favoriser la biodiversité par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire .
14 janvier 2019. « Je me suis engagé sur des objectifs de préservation de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air ». Lettre aux Français d’ Emmanuel Macron, Président de la République.
22 février 2019.- Rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization) fondé sur des observations effectuées dans 91 pays, d’où il ressort que tant la diversité biologique « sauvage » que la diversité biologique des plantes cultivées et des espèces animales domestiquées s’effondrent et que leurs interrelations menacent l’alimentation des générations à venir. La FAO rappelle que 6.000 plantes sont cultivées pour la nourriture mais que 9 d’entre elles représentent à elles seules 66 % des récoltes mondiales. C’est là un système d’une fragilité extrême. « De nombreuses espèces, races d’animaux ou variétés de plantes ont des caractéristiques distinctives qui les aident à faire face à de tels défis (changement climatique, modification des précipitations ou émergence de maladies), ce qui leur permettrait d’améliorer la résilience des systèmes de production face aux effets du changement climatique ».
25 avril 2019. Intervention d’Emmanuel Macron Président de la République, en conclusion du Grand débat national initié par la lettre du 14 janvier. Il n’est plus question de biodiversité.
Mai 2019. Publication de « L’agro-écologie peut nous sauver » (Dufumier et Le Naire, 2019). Les auteurs rappellent que l’agro-écologie « est une réponse concrète, réalisable, globale à beaucoup de maux de notre monde moderne. Par exemple, la famine, la malbouffe, l’obésité, la pollution, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, les inégalités mondiales, les migrations contraintes. », pour peu que l’on « renonce à la privatisation des semences, à l’emploi des pesticides et aux dérives du commerce mondial, mais surtout amener les citoyens à prendre conscience que leur sort, comme celui de la planète, est entre leurs mains et non entre celles des lobbys industriels ».
6 mai 2019. Rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) réunie à Paris. Constat que les objectifs fixés pour la sauvegarde de la biodiversité en 2010 n’ont pas été atteints et que l’érosion se poursuit. Et pourtant « 577 millions de dollars de production alimentaire mondiale annuelle reposent sur les contributions directes des pollinisateurs », et « la disparition des espèces et des écosystèmes (…) représente déjà une menace mondiale et intergénérationnelle pour le bien-être humain ». Comme le fait remarquer Robert Watson, président de l’IPBES, en cinquante ans, les écosystèmes se sont détériorés plus vite que jamais.
12 juin 2019. Déclaration de politique générale d’Édouard Philippe, Premier ministre devant l’Assemblée nationale. La lutte contre l’effondrement de la biodiversité n’est pas au programme.
Que conclure si ce n’est que, comme le déclarait Nicolas Hulot lorsqu’il était encore ministre d’État de la Transition écologique et solidaire en 2018 : « La biodiversité tout le monde s’en fiche! ».
13 février 2020. Discours, à Chamonix, d’Emmanuel Macron, président de la République, lors du lancement de l’Office français de la biodiversité.: « Et je crois aussi que nous avons un devoir moral très profond qui est de reconnaître la valeur propre intrinsèque de cette biodiversité. Et quand bien même il n’y aurait pas cette utilité, ce lien visible parce que nous sommes aussi une espèce du vivant un peu particulière, parce que nous avons cette conscience de ce qu’est le vivant, de nous-mêmes mais aussi des autres. Nous avons une responsabilité une peu spéciale ».
mars 2020. Rapport du Commissariat général au développement durable (CGDD) sur l’état de conservation des habitats de la directive Flore, Faune et Habitat de 1992 titré « Biodiversité rare ou menacée, peu d’amélioration depuis 2007».
juillet 2020. Stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030. Ramener la nature dans nos vies.
3 septembre 2020. Annonce du Plan de relance économique de 100 mds d’euros. 30, 38 % sont dédiés à la transition écologique dont seul 1, 25 % à la biodiversité et la lutte contre l’artificialisation des sols. Mais il est vrai que d’autres postes peuvent y contribuer comme la transition agricole (1, 2%). Tout dépend de la manière dont les fonds seront utilisés.
10 septembre 2020. Rapport Planète vivante du WWF issu de l’indicateur de la Société zoologique de Londres. Au niveau mondial 21.000 populations de 4.000 espèces de vertébrés ont été analysées. 68 % sont en déclin depuis un demi-siècle du fait d’activités humaines.
10 septembre 2020. Note du Conseil d’analyse économique : « Biodiversité en danger quelle réponse économique ? » L’on peut y lire : « La surpêche frappe de nombreuses espèces. La chasse accroit la pression sur des espèces particulièrement fragilisées par la destruction des habitats et des chaînes alimentaires (…) les pollutions néfastes à la biodiversité sont multiples. Qu’elles soient d’origines agricoles (produits phytosanitaires des cultures, traitement antiparasitaires des animaux), industrielles (…) ou domestiques (…) » (Bureau, Bureau et Schubert. 2020).
23 septembre 2020. Bilan du Comité économique social et environnemental sur l‘application
de la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016. La reconquête n’est pas amorcée, le déclin se poursuit, les outils créés par la loi sont restés virtuels.
30 septembre 2020. Ouverture du sommet de l’ONU sur la biodiversité à New-York. Selon le secrétaire général de l’ONU, il convient « de changer de cap ». Le président de la République, Emmanuel Macron, déclare :« Les scientifiques nous alertent depuis longtemps sur les risques d’apparition de nouvelles maladies infectieuses liées à la déforestation, au braconnage des espèces sauvages, en matérialisant les liens très étroits entre les santés humaine, animale et environnementale. Cette pandémie nous rappelle que la biodiversité est notre assurance vie. Lorsqu’elle est fragilisée, c’est notre sécurité sanitaire, notre sécurité économique qui sont en jeu.
La protection de la nature renvoie donc fondamentalement à une question éthique qui est celle de la protection de l’humain. Surtout, la protection de la biodiversité, c’est la protection de nos écosystèmes. Je ne crois pas à un droit du vivant qui serait supérieur à un droit de l’homme. Mais je ne crois pas à l’effectivité de la préservation des droits humains sans préservation des écosystèmes dans lesquels nous vivons. C’est pour moi le fondement philosophique et éthique de cette bataille pour la biodiversité. »19 octobre 2020. Rapport sur l’état de la nature dans l’Union européenne présenté par la Commission européenne. L’érosion de la biodiversité n’a pas été enrayée au sein de l’Union européenne, elle s’est même accentuée du fait notamment des activités agricoles.
18 décembre 2020. Publication par la revue Science d’une étude remettant en cause les concluions des études portant sur le déclin des populations d’insectes pr suite de biais méthodologiques.
Janvier 2021 « La biodiversité, condition vitale de notre sécurité alimentaire » Titre du n°84 du journal des donateurs du CCFD-Terre solidaire « Mobilisation ».
26 janvier 2021. Avis de l’Académie des Sciences s’alarmant du déclin des populations d’insectes et prônant une diminution significative de l’usage des pesticides en agriculture
9 février 2021. Publication de l’étude menée par le CCFD-Terre solidaire, Action contre la faim et Oxfam. « Une recette à la française : une pincée d’agro-écologie pour une louche d’agro-industrie ». Il en ressort que sur les 5, 8 milliards d’euros engagés entre 2009-2018 vers les pays ayant reçus des aides pour un développement soutenable, dans le domaine agricole 13% auraient été dédiés à une réelle transformation agro-écologique pour 24 % en soutien à une agriculture intensive voire à l‘appui de gigantesques projets agro-industriels. C’est assez contradictoire avec le discours que tiendra le Président Macron, le 3 septembre 2021, lors de l’inauguration du Congrès mondial de l’UICN à Marseille. Il y était fait allusion à la « création d’activités économiques par de la reforestation, par des projets agroécologiques, agroforestiers et agricoles » pour respecter l’agenda de Paris.
24 mars 2021. Colloque international organisé à l’Unesco (Paris) sur la biodiversité. A cette occasion le groupe LVMH (Louis Vuitton-Moët-Hennessy) s’engage à atteindre la « neutralité biodiversité » d’ici à 2030.
8 juin 2021. Vote par le Parlement européen du principe de fixer à l’Union européenne un objectif de préserver la diversité du monde vivant d’ici à 2050 avec une objectif intermédiaire à 2030 de 30% des zones terrestres et maritimes protégées dont un tiers bénéficiant d’une « protection plus stricte et demeurer essentiellement intactes ». En 2011, l’union européenne avait déjà adoptée une stratégie similaire qui fut un échec. 81 % des habitats théoriquement protégés étant dans un état de conservation insuffisant ou médiocre.
28 juin 2021. Annulation par le Conseil d’Etat des dérogations autorisant la chasse à la glu de diverses espèces d’oiseaux. Réputée traditionnelle (mais où est la tradition lorsque la glu n’est plus fabriquée traditionnellement et est d’origine synthétique ?) cette pratique à l’inconvénient majeur de ne pas être sélectives et d’attenter à des espèces protégées.
6 aout 2021. Annulation par le Conseil d’Etat d’autorisations de chasser « les vanneaux huppés, pluviers dorés, alouettes des champs, grives et merles noirs, à l’aide de filets (pantes, tenderies) ou de cages (matoles) » car ces méthodes « ne sont pas conformes aux exigences du droit européen relatif à la protection des oiseaux ». Ces méthodes non sélectives comme la chasse à la glu n’ont parfois de traditionnelles que le nom (filets en nylon, usage de magnétophones, etc.).
3 septembre 2021. Ouverture, à Marseille, du Congrès Mondial de la Nature de l’UICN. Le président de la République, Emmanuel Macron déclare : « Il y a urgence à faire comprendre que la bataille pour le climat est jumelle de la bataille pour la biodiversité. Nous avons du retard sur la biodiversité, il faut le rattraper ». Les motions adoptées, réunies dans le « Manifeste de Marseille » permettent en théorie d’influencer les politiques à venir notamment sur la réduction de l’impact de l’industrie minière sur la biodiversité, la lutte contre la déforestation importée ou la planification des espaces maritimes et de la conservation de la biodiversité. Il a été rappelé que mettre en place des aires protégées n’a de sens que si elles sont interconnectées au travers d’un réseau du vivant. Mais il faut bien reconnaître que sur la réduction de l’usage des pesticides, la mise en protection forte de 5% de la Méditerranée (il s’agissait déjà d’une promesse formulée en 2019…), la réduction des captures accidentelles de cétacés dans le Golfe de Gascogne et la protection générale des cétacés, il n’y a guère eu d’avancées concrètes. La France avant d’émettre des propositions au niveau mondial devrait d’abord les mettre en œuvre sur les espaces dont elle a la responsabilité.
15 septembre 2021. Mise en consultation par le Ministère de la Transition écologique de projets d’arrêtés fixant des quotas des captures d’oiseaux pour la saison de chasse 2021-2022, par les moyens que le Conseil d’Etat vient de déclarer illégaux, en juin et août…Quelle cohérence ?
18 septembre 2021. Manifestations, au nom de la ruralité, de chasseurs, soutenus par certains élus, contre l’interdiction des chasses dites traditionnelles. Comme cela a été signalé plus haut, ceux qui se proclament défenseurs des traditions usent, en fait, de moyens qui n’ont rien à voir avec les dites traditions : glu synthétique, filets en polyamide, magnétophones, etc…Il convient, par ailleurs de signaler que la France a signé en 1902 puis ratifié en 1905, la Convention de Paris qui prohibe « la pose et l’emploi des pièges, cages, filets, lacets, gluaux et de tous autres moyens quelconques ayant pour objet de faciliter la capture ou la destruction en masse des oiseaux ». Mais les autorités ne l’ont pas fait respecter. Interrogé sur ce point, en 1978, par le président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, M. François Delmas, Secrétaire d’Etat à l’Environnement auprès du Ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie répondait qu’il fallait “ tenir compte des périodes de guerre ou d’agitation politique et sociale qui ont valu d’autres préoccupations aux Gouvernements successifs ”. La France signait en 1979, la Convention de Berne, entrée en vigueur en 1983 et ratifiée en 1989. Cette convention prohibait également les moyens de capture non sélectifs. C’est ce que reprend aussi la directive 79/109/CEE dite directive Oiseaux, directive, qui sur ce point ne sera pas plus appliquée que les conventions précitées. Et pourtant les chasseurs eux-mêmes (Congrès de la Chasse de Carcassonne, en 1920, puis d’Arles en 1923) s’étaient trouvés d’accord avec les protecteurs de la nature pour demander que cessent ces méthodes tout comme le Congrès des Présidents de Fédérations de chasseurs de France et le Conseil international de la Chasse, en 1970, souhaitant « la suppression en tous pays des filets et pantes comme moyens de chasse afin d’éviter la destruction abusive des oiseaux »…
23 septembre 2021. Confirmation par la Préfecture de la région Occitanie du report du Programme européen Life Ours Pyr annoncé le 18 septembre par le Préfet lors de la foire agricole de Saint-Gaudens (Haute-Garonne). Ce programme, porté par la Direction régionale de l’environnement et du logement (DREAL), d’un montant de 8 millions d’euros financé aux trois quart par l’Union européenne concernait la période 2021-2027. Il avait pour objectif de maintenir de façon durable la population d’ours bruns des Pyrénées en renforçant notamment les corridors écologiques entre massifs, les moyens de protection des troupeaux, les outils de médiation, etc. Mais il rencontrait l’hostilité de certains éleveurs, bergers et élus pour qui la cohabitation avec l’ours est, par principe, impossible.
Pourquoi un siècle d’impuissance ?
A quoi ont donc servi les études et analyses qui, année après année, ont annoncé le déclin de la diversité biologique ? Nos responsables politiques de tous bords sont-ils analphabètes ? amnésiques ? Le propos de Jean-Pierre Dupuy (2006) : « nous savons, mais nous ne croyons pas ce que nous savons » (Dupuy, 2006) est-il significatif de nos sociétés dites modernes ? Très curieusement, les autorités publiques qui, pendant des décennies, ont ignoré le propos des scientifiques, s’abritaient, en mars 2020, derrière l’avis scientifique pour lutter contre la pandémie de la Covid 19. Les écouteront-ils lorsqu’ils constatent que la manière dont est traitée, la diversité biologique, par nos sociétés dites « modernes » est un élément qui favorise l’émergence et la diffusion de zoonoses comme celle de la Covid-19 ? (Lamoureux . 2020 ; Valo.2020) Comment comprendre que, malgré un arsenal de lois votées depuis des décennies, la situation de la diversité biologique ne se soit pas globalement améliorée dans notre pays ?
Problème culturel ?
Alors qu’à partir du milieu du XIX° siècle, la notion de patrimoine culturel s’est peu à peu enracinée avec de fortes personnalités comme Prosper Mérimée soutenu par la puissance publique (Napoléon III), le patrimoine naturel a été plutôt délaissé (cf. Heim, 1952 ; Dorst (1965) ; Julien, 1965). Le colloque « Patrimoine culturel, patrimoine naturel » organisé à Paris en 1994 par l’Ecole nationale du patrimoine et publié en 1995, en témoigne. Et puis comme le montre Dominique Bourg (1993) le rapport à la nature varie beaucoup d’un pays à l’autre. Dans une France majoritairement rurale, la diversité biologique héritée d’une coévolution des effets du travail de générations de paysans et de la dynamique de l’évolution du monde vivant sauvage n’était pas encore menacée comme elle le sera plus tard, notamment après la seconde guerre mondiale lors du grand ‘déménagement du territoire’.
La perception de la nature par certains écrivains contribue aussi à un certain désintérêt pour les vivants non humains. Comparer le propos d’un Robert Hainard (1943), René Dubos (1980) ou Michel Serres (1990) à celui d’un Luc Ferry (1992) est à cet égard intéressant. Alors que les premiers font preuve d’une empathie avec la Terre dont dépend notre existence, le second, mélangeant écologie (discipline scientifique), écologisme, zoolâtrie, protection animale et protection de la nature s’intéresse beaucoup plus, avec des exemples qui montrent qu’il ignore bien des réalités scientifiques ou historiques, au mouvement écologiste des Verts et à la « deep ecology », ce en quoi, sur ce dernier point, il a raison. Il ignore par exemple le remarquable « Chacun pour tous, le défi écologique» de Michel Barnier (1990). De nombreux auteurs se sont inscrits dans la même idéologie que Luc Ferry, avec parfois des affirmations étonnantes de la part d’auteurs dont certains se disent « scientifiques » : Gérard Bramoulé (1991), Bernard Thomas (1992), Bernard Oudin (1996), Guy Sorman (2001), Jean-Jacques Brochier (2002), Jean-Paul Croizé (2002), Pierre Kohler (2002) qui n’hésite pas à décrire « des babouins passant de branche en branche dans la forêt guyanaise » (l’espèce est uniquement africaine), ou traiter de « la crépidule, une algue envahissante » (il s’agit d’un mollusque), Eric Joly (2004) ou Laurent Larcher (2004), etc.
On peut rattacher à ce problème culturel l’obstruction, durant de longues années, du Ministère de l’Education nationale à introduire dans les programmes scolaires un enseignement sur « l’environnement » (sensu lato), censé être « un des aspects fondamentaux de la formation du futur citoyen. En conséquence, tous les élèves du système éducatif doivent pouvoir en bénéficier », selon le protocole signé, le 15 février 1983, entre Michel Crépeau, ministre de l’Environnement et Alain Savary, ministre de l’Education nationale. Ce protocole, qui concernait « l’ensemble du système scolaire et universitaire », visait « à rendre chacun conscient de sa place dans le milieu, de son action sur celui-ci et à donner à tous les moyens d’un comportement responsable ». Il aura peu d’effet, au point qu’un nouveau protocole sera signé, en 1993, entre Ségolène Royal, ministre de l’Environnement et Jack Lang, ministre de l’Education nationale et de la Culture, sans plus d’effet, d’ailleurs, que le précédent.
Ayant réalisé, en 1982-1983, une série de brochures illustrées sur les espèces protégées de la flore et de la faune, la Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature (maintenant surnommée France Nature Environnement) avait pris contact avec le ministère de l’Education nationale, suggérant que les Recteurs d’Académie informent les enseignants de sciences naturelles de l’existence de ces documents qui pouvaient leur être utiles. Il n’y eut aucune suite. Faut-il s’en étonner lorsque Luc Ferry, alors président du Conseil national des Programmes, rencontré le 6 décembre 1994, avec des membres du groupe Education à l’environnement de l’UICN, déclarait que l’écologie n’était pas une discipline mais seulement de la politique, avançant pour preuve l’existence d’un parti intitulé « Génération écologie » ?
Comme me le confiait Michel Barnier, ministre de l’Environnement, lors de l’Assemblée générale de France Nature Environnement, réunie à Paris en mai 1993, c’était un échec pour lui de n’avoir pas réussi à obtenir de la « forteresse Education nationale » une réelle prise en compte des questions d’environnement dans les programmes scolaires. Même si les choses ont changé, un certain passif culturel demeure.
Et puis, l’on ne peut oublier que, dans les milieux scientifiques, au long des années 1970-1990, l’abandon et/ou le rejet d’une culture naturaliste au profit de la seule biologie moléculaire ont fait perdre beaucoup de savoirs dont seuls les naturalistes amateurs ont maintenu la transmission. Les choses ont heureusement, peu à peu, changé depuis.
Problème de soumission à des groupes de pression ?
Des exemples ?
Il a fallu 23 ans pour que le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), espèce en déclin, soit reconnue comme espèce protégée, à cause de la pression de certains porteurs de fusil. L’histoire vaut d’être relatée.
L’espèce aurait dû bénéficier d’une protection au titre de la loi sur la protection de la nature de 1976 mais, par un subterfuge dû à la pression de certains porteurs de fusil du Sud-Ouest bénéficiant d’appuis politiques, l’oiseau ne fut classé ni espèce protégée, ni espèce gibier. Sa capture ne relevait donc d’aucune réglementation et pouvait se poursuivre impunément. Après l’adoption de la directive européenne de 1979 sur les oiseaux, il aurait dû être inscrit sur la liste des oiseaux protégés. Il n’en fut rien. De multiples contentieux naissent alors et la Commission européenne, gardienne des traités et directives, enjoint à la France de se mettre en conformité avec une directive qu’elle a adoptée. Finalement, à l’automne 1997, Louis Le Pensec, ministre de l’Agriculture, et Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, signent l’arrêté inscrivant le bruant ortolan et d’autres oiseaux sur la liste des espèces protégées. L’original de l’arrêté signé est remis, en mains propres, le 24 décembre, au Premier ministre Lionel Jospin, en l’hôtel de Matignon, par Dominique Voynet et Jacques Maire, son directeur de cabinet. Mais, il ne se passe rien, suite à l’obstruction de certains caciques du Parti socialiste du Sud-Ouest. Le contentieux avec l’Union européenne reprend de plus belle. En juin 1998, la Commission européenne annonce une astreinte de 105 000 €. Le 18 janvier 1999, le Conseil d’Etat, saisi par des associations de protection de la nature, enjoint à Dominique Voynet de publier l’arrêté. Celle-ci écrit alors à Lionel Jospin que le budget de son ministère n’est pas en état de faire face à l’astreinte prévue par la Commission européenne. L’arrêté est finalement publié au Journal Officiel du 16 juin 1999. Mais il n’est pas signé de Dominique Voynet, car Jean Glavany, nouveau ministre de l’Agriculture, refuse de le signer. Alors, ce seront la Directrice générale de l’Alimentation du ministère de l’Agriculture et la Directrice de la Direction de la Nature et des Paysages du Ministère de l’Aménagement du Territoire qui apposeront leur paraphe. Il n’était pas possible, pour des raisons protocolaires, qu’une ministre soit cosignataire avec une directrice de service ! Ceci étant, le bruant ortolan continue d’être braconné dans le Sud-Ouest ; les responsables politiques regardent ailleurs, et la Commission européenne lance le 16 juin 2016, un avertissement à la France. Dans le Sud-Ouest, les agents de l’Office national de la Chasse et de la faune sauvage (ONCFS), sous l’autorité du préfet des Landes, ont pour consigne de ne pas verbaliser les braconniers ! Cependant certains d’entre eux sont pris en flagrant délit en novembre 2016 (ils seront condamnés par le tribunal correctionnel de Dax en octobre 2018). En juillet 2017, la Commission européenne dépose une requête auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne, pour faire constater que n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour instaurer un régime de protection du bruant ortolan dans les Landes, la France manque à ses obligations. Les braconniers condamnés en octobre 2018 font appel auprès de la Cour d’Appel de Pau. Celle-ci confirme la décision du tribunal correctionnel de Dax. Les braconniers font alors appel auprès de la Cour de Cassation. Celle-ci le 14 mai 2019, ne jugeant que la bonne application de la règle de droit et non les faits rejette le pourvoi. Quelques jours plus tard, une équipe internationale de chercheurs pilotée par le Muséum national d’histoire naturelle avance que les prélèvements de bruants ortolans sur la population migratrice du Sud-Ouest expliquent plus de 50% du déclin de l’espèce en France. Lorsque l’on entend depuis plusieurs années certains de nos responsables politiques affirmer que la France est un « État de droit », l’on peut sourire quand on constate que c’est le mouvement associatif de protection de la nature qui s’emploie à faire respecter le droit !
Que dire, en outre, des annulations régulières par le Conseil d’Etat d’arrêtés, pris (sous la pression de certains porteurs de fusil) par différents ministres en charge de l’Environnement autorisant la chasse d’oiseaux migrateurs en période de migration pré-nuptiale, ce qui est contraire au bon sens biologique, à la lettre et à l’esprit de la directive « Oiseaux » de 1979 ? La douzième de ces annulations, depuis près de 20 ans, date du 7 février 2019. Où donc est l’Etat de droit ?
Le Grand Tétras est une espèce emblématique dont les rares populations présentes en France sont en déclin. Néanmoins, la Préfecture des Hautes-Pyrénées en a autorisé le tir pour faire plaisir à certains porteurs de fusil. L’Etat , ayant sa responsabilité engagée a alors été condamné à verser des dommages et intérêts de 30.000 € en octobre 2017, le préfet ayant cinq années de suite, pris un arrêté contraire à un objectif de maintien de la diversité biologique. On ne sait pas si les Tétras indûment occis ont été remplacés. Mais, comme le préfet, c’est l’État, c’est finalement nous qui payons !
Il a fallu 18 ans pour que le décret d’application de la loi littoral (1986) sur les zones d’estuaires soit publié, parce que des services du Ministère de l’Equipement et certains élus n’en voulaient pas. C’est encore le mouvement associatif de protection de la nature qui, après avoir saisi le Conseil d’Etat, obtient gain de cause
La mascarade de l’épisode « glyphosate » de 2018, prenant le relai d’une mascarade similaire au niveau européen, montre le poids prépondérant sur nos gouvernants d’un groupe de pression où font alliance fabricants, vendeurs et utilisateurs de produits nocifs.. M. Macron, alors candidat ne s’était-il pas engagé à faire interdire « au plus tard dans les trois ans » le glyphosate ?
N’est-ce pas une « mascarade » que lors du vote où a été repoussé (par 63 voix contre 20) un amendement visant à interdire l’usage du glyphosate comme l’avait promis M. Macron seuls 85 députés sur 577 étaient présents à l’Assemblée nationale, le 29 mai 2018 ?
Comment ne pas s’étonner que parmi les députés LREM ayant voté contre l’amendement visant à interdire le glyphosate au motif, seriné par la FNSEA, qu’il n’y avait pas de solution alternative, ceux qui avaient dans leur circonscription des agriculteurs ayant abandonné l’usage de ce produit toxique n‘aient pas eu la curiosité de les rencontrer ? N’était-ce pas le cas en Ille-et-Vilaine avec M. Pascal Hervé, céréaliculteur, maire de Laillé ? Comment ne pas parler de mascarade lors qu’une étude du Centre d’études biologiques de Chizé (Deux-Sèvres) montrait en 2017 que la diminution de l’usage d’engrais azotés et de pesticides ne provoquait pas une baisse du revenu des céréaliers chez qui avait été conduite l’étude (450 agriculteurs, 45 000 ha. de céréales) voire l’augmentait ?
En 2020, la ré-autorisation de néocotinoïdes interdits depuis 2016 s’inscrira dans le même déni de la réalité..
Quels sont ces groupes de pression ?
Il y a de multiples groupes de pression, mais j’ai choisi d’en évoquer particulièrement deux qui ont pour caractéristique d’avoir été mis en place, la même année, par le régime de Vichy (sous l’occupation allemande, lors de la deuxième guerre mondiale). Ils reposent sur une même idéologie hégémonique et totalitaire et perdurent dans notre république monarchique, bien que ses responsables affirment que les temps anciens soient révolus.. Ce sont l’organisation de la chasse (28 juin 1941) et le groupement national interprofessionnel des graines et plantes, GNIS (11 octobre 1941), ce dernier ayant ensuite légèrement modifié son intitulé (Groupement national interprofessionnel des semences et plants).
L’organisation de la chasse
Jusqu’à l’arrivée au pouvoir du Maréchal Pétain, l’organisation sociale de la chasse reste ouverte, les textes relatifs à la chasse adoptés depuis la fin du XVIII° siècle (décret de 1789, lois de 1790, 1844, 1924) ne concernant que les pratiques de chasse. Ainsi les chasseurs sont-ils libres de s’organiser comme ils l’entendent (association type loi 1901 depuis le début du XX° siècle). Le Saint-Hubert Club en est un bon exemple.
Avec l’avènement de l’État français (régime de Vichy sous occupation allemande), les choses vont changer. Le gouvernement institue, en juin 1941, un système toujours en vigueur dans ses grandes lignes. Il ne peut exister qu’une seule société (maintenant fédération) départementale des chasseurs à adhésion et cotisation obligatoires dont le président est nommé par le ministre en charge de l’agriculture et dont le budget est contrôlé par un agent de l’Etat. Jusqu’aux années 2000, seuls les propriétaires fonciers avaient droit de vote dans les fédérations et bien des exemples montrent que le contrôle du budget par un agent de l’Etat restait illusoire. Il serait trop long de détailler ici le nombre de malversations rendues possibles par une politique des yeux fermés de la puissance publique dès que le sujet de la chasse est abordé. Les motivations de l’ordonnance de 1941 sont clairement exposées dans une adresse au Maréchal Pétain, chef de l’Etat français précisant :
« La chasse ne peut donc plus être envisagée comme un sport exercé dans le cadre d’un individualisme périmé. La discipline et la solidarité doivent, au contraire, être recommandées et même imposées à tous les chasseurs unis au sein de groupements obligatoires qu’ils doteront des ressources nécessaires à la conservation et au repeuplement du gibier. ».
Comme le fera remarquer plus tard le Professeur Jehan de Malafosse (1921-2013), grand historien du droit de l’environnement et chasseur lui-même, c’est là un système sui generis exorbitant du droit commun des associations. Au travers de ce système, les chasseurs s’approprient une partie de la faune sauvage, patrimoine commun à tous les Français, voire au-delà lorsqu’il s’agit d’espèces migratrices. Le coût du permis de chasse n’est donc qu’une contrepartie à un prélèvement sur un patrimoine commun et il n’est donc pas normal qu’elle ne soit versée qu’aux seules organisations cynégétiques (Raffin et Lefeuvre, 1982 ; Raffin, 2006).
Cette situation conduit à ce que les fédérations de chasseurs, bénéficiant d’un public captif, disposent de moyens financiers importants dont l’usage est parfois obscur et sur lesquels l’Inspection des Finances (1986), l’Inspecteur général Cailleteau (rapport 1997-1998) et la Cour des Comptes (2000) se sont interrogés. Cailleteau écrivait « Malheureusement, de crainte, sans doute, des réactions des fédérations auxquelles l’adhésion et la cotisation obligatoire ont donné un potentiel d’influence considérable, les dernières évolutions n’ont été traduites dans le droit positif qu’avec de telles précautions que nous nous trouvons dans des situations juridiques ambiguës qui sont à l’origine d’un contentieux abondant». La Cour des Comptes faisait un constat similaire : « L’Etat n’a pas choisi entre deux systèmes d’organisation dont l’un découle de texte de 1941 et l’autre de la nouvelle organisation mise en place en 1974-1975. Si le choix était fait de renforcer l’autonomie des fédérations, chacune d’elles devrait être libre de fixer ses propres cotisations, dans le cadre de ses missions, et ces cotisations cesseraient d’être obligatoires, comme c’est le droit commun des associations. Si, au contraire, le caractère obligatoire de ces cotisations est confirmé, l’Etat doit assumer pleinement son rôle et se donner les moyens juridiques, et administratifs, de définir limitativement le rôle des fédérations, d’ajuster les cotisations de chacune d’entre elles à sa situation particulière et de contrôler réellement l’emploi qui en est fait. Sur ce point, le projet de loi n’apporte aucune amélioration » (Raffin. 2006). Il s’agissait de la loi du 26 juillet 2000, qui, effectivement n’a rien changé, comme le faisait remarquer Hélène Constanty (2002) pas plus d’ailleurs que celle du 7 mars 2012. Très curieusement, le rapport Patriat (1999), qui n’évoque même pas celui de Cailleteau, ne fait aucune allusion à la question de l’organisation financière de la chasse.
Le « potentiel d’influence » évoqué par l’Inspecteur général Cailleteau permettra le vote de la loi du 10 juillet 1964 sur les Associations communales de chasse agréée (ACCA), dite loi Verdeille, imposant à ceux qui ne chassaient pas et ne souhaitaient pas que l’on chasse chez eux, d’y accueillir des porteurs de fusil. Elle sera modifiée (loi de juillet 2000) après l’arrêt de 1999 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par des non-chasseurs. Le droit de non-chasse, en quelque sorte, sera reconnu.
Quant à la loi de 2012, elle confie aux chasseurs un rôle dans la gestion de la biodiversité, ce qui ne manque pas de piquant lors que l’on constate que le monde de la chasse, depuis l’adoption de la loi de protection de la nature de 1976, s’oppose quasi systématiquement aux mesures en faveur de la diversité biologique ! On en a vu quelques exemples ci-dessus. On peut également citer le cas de la destruction acharnée de prédateurs du gibier qui ont des conséquences dépassant largement la sauvegarde de certaines espèces chassées. Détruire, par exemple, à tout va les renards, c’est favoriser la croissance de populations de campagnols terrestres préjudiciable aux herbages (Franche-Comté, Bourgogne, Massif Central, etc.) et ou d’autres petits rongeurs vecteurs d’agents pathogènes à l’origine de l’échinococcose ou de la maladie de Lyme. (Lamoureux.2020-Valo.2020). Cette destruction des prédateurs du gibier est pour part liée à l’importance de l’utilisation d’un gibier d’élevage lâché précocement avant la sison de chasse (Raffin. 2002, 2006), pratique contre laquelle l’Association nationale pour une chasse écologiquement responsable (Ancer), s’élevait dès 1995, demandant l’arrêt des lâchers de gibier de tir et une réglementation stricte des lâchers de « réintroduction ». Par ailleurs, il est sujet peu évoqué : celui du saturnisme (pathologie due à l’ingestion de plombs de chasse) des, rapaces et des oiseaux d’eau. Dès 2016, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) préconisait des restrictions (Foucart. 2018). Le sujet est toujours d’actualité (Percq. 2021). D’un point de vue général, le moins que l’on puisse dire est que les dernières mesures annoncées par le gouvernement actuel en matière de chasse s’inscrivent plutôt dans un prolongement de l’ancien monde que dans l’ouverture à un monde nouveau. Il faut cependant souligner qu’il y eut une époque où chasseurs et protecteurs de la nature réussirent à établir un dialogue constructif et à œuvrer ensemble pour la sauvegarde des milieux, notamment des zones humides. Malheureusement cette dynamique prit fin avec l’arrivée de Michel Crépeau au ministère de l’Environnement, lequel préféra satisfaire les porteurs de fusil les plus extrémistes, ce qui relança une guérilla juridique (Raffin, 2002). Une nouvelle tentative fut tentée lorsque Dominique Voynet était ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. Elle échoua parce que les responsables cynégétiques se rendirent compte que la majorité politique du moment était prête à satisfaire les demandes les plus extrêmes, ce qui n’eut pas été possible par la négociation avec les protecteurs de la nature.
Le GNIS
A l’origine, l’objectif du GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants) était louable : garantir la bonne qualité des semences vendues, identifiées dans un catalogue des graines et plants commercialisables. Mais, au fil du temps, le GNIS est devenu une organisation hégémonique, notamment via les semences hybrides. Ses membres, dont Alliance Seeds, Bayer-Monsanto, Limagrain, Syngenta, etc,, ne sont pas connus pour leur esprit philanthropique et leur souci de la diversité biologique. Depuis la mise en place du catalogue, les agriculteurs qui, auparavant, sélectionnaient leurs variétés adaptées à leur terroir et gardaient une partie de leurs récoltes pour ressemer, ne le pouvaient plus. Pour des raisons techniques liées à l’hybridation « Lorsqu’un agriculteur achète les graines en question (NB. inscrites au catalogue), il ne peut plus réutiliser comme semence le produit de sa propre récolte, sinon il risque d’obtenir des plants aux caractéristiques et potentiels de rendement très hétérogènes, voire totalement hétéroclites» (Dufumier et Le Naire, 2019) Puis, sous la pression des semenciers industriels, la vente et la diffusion de semences « paysannes » héritées d’une longue pratique mais non inscrites sur le catalogue ont été longtemps passibles de la répression des fraudes. Mais heureusement, à la suite d’un long combat contre le monopole des semenciers industriels, notamment de la Confédération paysanne, la loi de 2016 sur la biodiversité a autorisé les échanges de semence entre agriculteurs, et le Parlement européen, en avril 2018, en a permis la commercialisation mais … à partir de 2021 !
Ce sont ces mêmes industries semencières qui ont développé les plantes génétiquement modifiées permettant un usage massif d’herbicides (comme le glyphosate) ou secrétant des toxines insecticides. Liées à des monocultures à grande échelle, ces plantes génétiquement modifiées sont une des causes du déclin de la diversité biologique. Et, pourtant, on sait faire autrement pour lutter contre les parasites des cultures, via la lutte biologique et la lutte intégrée dont la France fut un temps pionnière. Mais c’était adopter des méthodes plus subtiles que le tout chimique et les monocultures. C’était travaillier avec le sol, sa microflore, sa microfaune, user de rotations de cultures et des prédateurs naturels de parasites des cultures. On se contera ici d’un seul exemple, celui tiré de la thèse (16 novembre 2001) de l’entomologiste Dominique Mariau : « Gestion des populations de Coelaenomenodera lameensis Berti et Mariau (Col. Chrysomelidae) en vue de la mise au point d’une stratégie de lutte raisonnée. L’auteur, qui avait travaillé sur les moyens de combattre le coléoptère qui attaque le palmier à huile et ce, dans différentes plantations en Afrique, Amérique du sud et Indonésie, écrit : « On a souvent observé que les foyers de pullulation de C. lameensis sont beaucoup moins fréquents sur les petites plantations villageoises morcelées, au sein d’un milieu moins anthropisé, que sur les plantations industrielles. Avec d’autres ravageurs, et en particulier avec les nombreuses espèces de chenilles défoliatrices en Amérique du sud, les bordures de plantations industrielles de grande surface sont moins attaquées que les parcelles situées plus au centre. On a pu enfin constater qu’une plantation laissée à l’abandon, et donc envahie par un important recrû, était presque indemne d’attaques par des défoliateurs alors qu’une plantation voisine, normalement entretenue, était l’objet d’attaques fréquentes. Tout concourt à penser que l’équilibre des populations de nombreuses espèces d’insectes est lié à la présence proche d’un milieu où la biodiversité végétale, et donc animale, est plus grande. C’est la raison pour laquelle il est recommandé, bien que de telles recommandations ne soient guère prises en compte, d’éviter de planter des surfaces très importantes d’un seul tenant et de laisser se développer le milieu naturel sur des parcelles sur lesquelles le sol est moins fertile ou d’accès difficile (pente importante par exemple). Il est également préconisé, dans certaines situations, de favoriser la multiplication de plantes qui secrètent des substances sucrées, comme certaines espèces de solanacées et malvacées par exemple. Ces plantes sont particulièrement attractives pour de nombreuses espèces de parasitoïdes sur lesquelles les adultes se nourrissent. De telles mesures ne peuvent que concourir à un meilleur équilibre des populations de ravageurs ».
C’est pourquoi, lorsque l’on entend Emmanuel Macron, président de la République, affirmer, le 24 janvier 2019, dans la Drôme, se reniant lui-même, que l’abandon de l’usage du glyphosate « tuerait notre agriculture », c’est inexact. C’est faire plus crédit au discours de la FNSEA qu’aux travaux scientifiques menés depuis des décennies de par le monde. C’est un déni de réalité dans la mesure où, aujourd’hui, des paysans, même céréaliers, montrent que l’on peut faire autrement (cf. ante) Le cas de Paul François, agriculteur victime du pesticide Lasso de Monsanto, exploitant maintenant en agriculture biologique une ferme de 240 ha, en Charente (France), en est une démonstration.
Les services de l’État
Et puis, il y a les groupes de pression au sein des propres services de l’Etat. L’exemple du détricotage progressif des procédures d’étude d’impact et d’enquête publique l’illustre.
Lors des discussions concernant la loi sur la protection de la nature votée en 1976, on doit au législateur l’introduction de l’étude d’impact qui ne figurait pas dans le projet gouvernemental et qui n’enchantait pas les ministères « aménageurs ». Elle aurait dû logiquement être produite au début de la procédure conduisant la puissance publique à autoriser tel ou tel aménagement ou intervention pouvant porter atteinte à la protection de la nature. Un amendement proposé par le député Georges Mesmin précisait bien la notion « d’études préalables ». En effet, l’évaluation de l’impact positif ou négatif aurait dû être connue avant que les projets ne soient « bouclés », lorsqu’il était encore possible de prendre en compte des solutions alternatives. C’est bien pour cela que le ministre de l’Environnement de l’époque, André Fosset, affirmait qu’il s’agissait de « modifier en profondeur le processus de décision et le comportement des décideurs ». Il reprenait un propos de Robert Poujade, ministre de la protection de la nature et de l’environnement, précisant, en 1975, à un responsable d’un syndicat d’ingénieurs des Ponts et Chaussées « l’efficacité commandait que l’impact des grands projets d’aménagement sur l’environnement fut évalué et limité dès la conception de projets ». Mais, sous l’influence du ministre de l’Industrie de l’époque, Michel d’Ornano, le décret d’application concernant ce point sera retardé et ne sera publié qu’en octobre 1977. Il renverra la production de l’étude d’impact en fin de procédure, lors de l’enquête publique. C’est-à-dire que les seules possibilités ouvertes au public consulté seront l’acceptation ou le refus systématique. Rencontrant, en 1978 et 1979, Michel d’Ornano, devenu ministre de l’environnement et du cadre de vie, des responsables de la Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature (FFSPN), maintenant nommée France Nature Environnement, font valoir la nécessité de revenir à l’esprit de la loi, et l’absurdité d’un processus ne laissant la place qu’à la résignation ou à l’opposition stérile. Ils n’auront pas gain de cause. Il est d’ailleurs assez fréquent dans notre Vème République que des décrets d’application détournent l’esprit et la lettre de lois votées. On pourrait citer bien d’autres exemples
On aurait pu penser que la loi du 12 juillet 1983, dite loi Bouchardeau relative à la démocratisation des enquêtes publiques, remette sur les rails ce qui avait été détourné en 1977. Il n’en fut rien. Se posaient également la question du choix des commissaires enquêteurs désignés par le président du tribunal administratif ou son délégué. Dressant un bilan de cette loi à la demande de Michel Barnier, ministre de l’environnement, qui déclarait en juillet 1993 : « je regrette le manque de transparence des enquêtes publiques et je ferai en sorte que dans les années qui viennent, elles ne soient plus des alibis, faute de quoi les gens n’auront plus confiance et on ne pourra plus rien faire dans ce pays», Huguette Bouchardeau, ancienne ministre de l’environnement, constatait en décembre de la même année que le choix des commissaires enquêteurs ne correspondait pas aux attentes de la société et qu’il était souhaitable qu’il y ait des commissions d’enquêtes plutôt que des commissaires enquêteurs seuls. Comme le fera remarquer le rapport du préfet Paul Bernard sur les zones humides (1994), quelle qu’ait été la qualité de nombreuses études d’impact montrant l’importance des effets négatifs de travaux prévus sur ces milieux, il n’en a pas été tenu compte dans la décision finale. Cela signifie, entre autres, que les commissaires enquêteurs étaient restés indifférents à ces impacts.
Une analyse, que j’avais réalisée en 2002, sur la composition de 245 commissions d’enquêtes réunies les années précédentes montrait que, sur 676 commissaires titulaires (637 hommes et 39 femmes), majoritairement retraités (71%), 45 % étaient ingénieurs ; 13%, cadres administratifs ; 11% , policiers ou militaires ; 7% , géomètres ; 6%, architectes et urbanistes ; 3% enseignants du secondaire ; 3%, scientifiques ou membres de l’enseignement supérieur ; 2%, magistrats ; 1%, responsable d’association de défense de l’environnement; et 9%, divers (médecin, agent immobilier, assureur, agriculteur, avocat, etc.). Les catégories socio-professionnelles prédominantes appartenaient à l’ « establishment », proposant les projets soumis à enquête (certaines commissions ne comportent même que des ingénieurs) et étaient liées (esprit de corps) aux promoteurs publics ou privés des opérations projetées, lesquels apparaissaient peu sensibles aux questions d’environnement. Cela reflétait parfaitement les conclusions de Lascoumes (1994) à propos des commissaires enquêteurs d’origine associative dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement: « bien que nombre d’entre eux soient régulièrement inscrits sur la liste dressée par département, et même s’ils sont professionnellement qualifiés pour analyser le problème en cause, une connivence générale existe entre préfecture et tribunal administratif pour écarter presque systématiquement les candidats ayant un tel profil ».
Les propos d’André Fosset devant l’Assemblée nationale, le 27 avril 1976, selon lesquels le Gouvernement estimait qu’il fallait prendre le parti d’associer les associations de protection de la nature « à un certain nombre d’organismes dans lesquels il nomme des personnalités qualifiées qui s’intéressent à l’environnement » semblent bien lointains lorsque l’on constate comment les intentions généreuses du législateur ont pu être dévoyées au fil du temps dans leur traduction réglementaire.
L’actuelle majorité parlementaire, en France, s’inscrit dans le détricotage de la loi de 1976. La loi du 10 août 2018 « Pour un Etat au service d’une société de confiance » conduit purement et simplement à la suppression des enquêtes publiques remplacées par une simple consultation par Internet et au rétrécissement du champ de l’étude d’impact. En sus, un projet de décret du mois de mai 2019 prévoit la suppression de la consultation systématique du Conseil national de Protection de la Nature en cas de demande de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. Comme le détaille Corinne Lepage (2019), ancienne ministre de l’Environnement : « La France en régression démocratique », les nouvelles dispositions marquent un recul de l’Etat de droit et du droit de l’environnement. Le décret supprimant les enquêtes publiques de la loi Bouchardeau sera publié le 30 juillet 2021.
Conclusion
Alors que conclure ? Tout va-t-il aussi mal ? Non, bien sûr. Des opérations de réintroduction de plantes (Conservatoire botanique de Brest), d’animaux (vautours, gypaëte, bouquetin, ours brun, etc.) ont été menées à bien, mais l’on se dit qu’il eut mieux valu prévenir que guérir. Les populations de diverses espèces de phoques se reconstituent. La loutre, le castor reconquièrent peu à peu, naturellement, des cours d’eau abandonnés. Malgré des opérations de repeuplement, le statut du Saumon atlantique reste précaire. etc. Les zones cœurs des parcs nationaux, tout comme les réserves naturelles ou les sites Natura 2000, permettent que se poursuive la dynamique d’un monde vivant sauvage sur une petite partie du territoire. Mais cela ne suffit pas à maintenir un réseau vivant. La nature « ordinaire » continue de se dégrader car n’en sont pas réellement combattues les causes.
En effet, pour nombre d’espèces de la flore, d’invertébrés, d’amphibiens, la situation reste catastrophique.
Selon le bilan de l’Agence française de la biodiversité (2018), 26 % des espèces évaluées en France sont considérées comme éteintes ou menacées et seuls 22% des habitats d’intérêts communautaires sont dans un état de conservation favorable grâce notamment aux parcs nationaux, réserves naturelles, terrains du Conservatoire du littoral, conservatoires régionaux d’espaces naturels, parcs naturels régionaux, sites Natura 2000, etc., qui assurent le maintien et l’évolution de la diversité biologique, par des gestions adaptées aux cas particuliers. Le mouvement associatif de protection de la nature, souvent initiateur de mesures législatives et d’action de sensibilisation et de gestion d’espaces naturels, a joué et joue toujours un rôle important.
Mais lorsque l’on fait un bilan complet, on doit constater comme Jean-Philippe Siblet, chargé du patrimoine naturel au Muséum national d’histoire naturelle (La Croix 16-17 février 2019) que dans 75 % du territoire, la nature va plutôt mal.
Pour avoir suivi depuis plus d’un demi-siècle l’évolution de deux communes, l’une en Bourgogne du sud (Vareilles, dans le Brionnais) et l’autre en vallée de Vallouise (Puy-Saint Vincent), j’y ai constaté, dans l’environnement de maisons familiales, la disparition d’espèces animales jadis communes.
Dans la première, c’est la cas par exemple du Sonneur à ventre jaune, des Perdrix grise et rouge, de la Chouette chevêche, du Pigeon colombin, du Lapin de garenne (à partir de 1954, pour cause de myxomatose), du Lérot et du Hérisson dont on ne trouve même plus de spécimens écrasés sur les routes, etc. Mais le Pigeon ramier est devenu abondant tout comme la Tourterelle turque. Le Chevreuil, jadis rarissime, est commun et le Sanglier y passe fréquemment. Le pays est toujours bocager à dominante de prairies naturelles, mais les cultures dont était dotée chaque ferme ont disparu, se limitant au maïs. Les haies haute tige sont maintenant basses et broyées à l’épareuse plutôt que taillées au lamier d’élagage.
Dans la seconde, le Moineau soulcie a déserté le hameau des Près. Le mélézin qu’Alpinus (1874) jugeait le plus riche site des Alpes pour le Tétras lyre, est maintenant traversé de pistes de ski et de remontées mécaniques qui l’ont fait fuir, et il n’est plus observé que de manière anecdotique. En sus le développement d’un tourisme essentiellement hivernal issu du Plan neige de la fin des années 1960 a conduit au développement d’un « mitage » de l’espace par la construction de résidences, la plupart secondaires, au détriment de cultures de montagne. Des collections d’eau naturelles sont devenues des réservoirs pour la production de neige artificielle et la gestion de la ressource en eau va devenir de plus en plus tendue avec la perspective des effets du réchauffement climatique. Des prés de fauche persistent, mais la flore et la faune associées aux cultures se sont éteintes.
Alors, en lisant le discours du Président de la République, écrit pour son intervention le 13 février 2020, lors du lancement de l’Office français de la biodiversité, je me suis posé la question de savoir en quoi les annonces faites seraient à même de restaurer la diversité du monde vivant que je connaissais dans les deux communes précitées. Je n’en vois pas.
À Vareilles, si l’on ne modifie pas la Politique agricole commune (PAC, Union européenne), si l’on continue d’attribuer à l’agriculture la plus prédatrice pour la diversité du vivant l’essentiel des financements européens, si l’on ne rétribue pas un monde paysan pour son rôle dans le maintien de ce bien commun qu’est la dynamique du vivant sauvage, si l’on ne privilégie pas un monde rural laissé en déshérence (services publics) depuis des décennies au profit des grandes agglomérations urbaines, comment la situation actuelle pourrait-elle s’inverser ? Or, sur le point de la Politique agricole commune, où la France a depuis longtemps soutenu une agriculture qui est la moins respectueuse de l’environnement, le Président est resté muet. En évoquant la nécessité de programmes de recherche pour éviter des modes de production moins consommateurs d’intrants, « agroécologiques » dirait-on, le(s) rédacteur(s) du discours du Président de la République semble(nt) ignorer que, depuis belle lurette, on sait déjà faire autrement (cf. par exemple l’ouvrage de Dufumier et Le Naire (2019) et d’autres travaux antérieurs de Dufumier). Renvoyer à plus tard des décisions s’inscrit dans la procrastination stigmatisée, en 1981 par Frankel et Soulé ! Ce ne sont pas les connaissances qui manquent mais la volonté politique d’en user.
À Puy-Saint-Vincent, la commune était en zone périphérique de Parc national ; elle est maintenant en zone d’adhésion. Quelles en ont été les conséquences pour mener une politique de développement touristique soucieuse de maintenir la capacité d’évolution de la diversité biologique ?
Le Président de la République donnait, en février 2020, comme objectif de « protéger 30 % du territoire national terrestre et maritime dont un tiers à un niveau élevé ». C’est bien, même si l’on ne sait pas bien ce que couvre le mot « protection » là où, en fait, il s’agit le plus souvent d’user de ressources naturelles sans obérer les capacités d’évolution et de renouvellement (cf. ante, les discussions à propos des réserves naturelles de 1937 ou la stratégie mondiale de l’UICN de 1980). Cela n’exclue pas que doivent être maintenus ou instaurés des espaces à évolution spontanée exempts d’intervention humaine directe, ce qui est le cas des réserves intégrales. La notion de « coffres-forts de la biodiversité » évoquée par le Président de la République pour certains territoires alpins laisse perplexe et renvoie aux réflexions de Pierre-Henri Gouyon (2009) à propos de l’« Arche de Noé végétale » du Svalbard. Un coffre-fort conserve des lingots, des bijoux, des documents figés. C’est un outil de banquier qui n’est pas fait pour le vivant dont la dynamique implique l’évolution, l’adaptation au fil du temps. Comme l’écrit Gouyon, l’objectif des investisseurs dans cette chambre-forte des semences, Monsanto, Dupont/Pioneer Hi-Bred et Syngenta, la fondation Bill Gates, la fondation Rockfeller, etc., est de « Préserver la diversité végétale pour l’avenir. Mais ce raisonnement ne tient pas une seconde. Il existe déjà plusieurs banques de graines dans le monde qui sont très coûteuses à faire fonctionner : les semences perdent vite leur pouvoir germinatif, il faut donc constamment les ressemer et les cultiver pour réapprovisionner la banque. En réalité, les gestionnaires de Svalbard n’ont aucune intention d’entretenir les graines ; ils vont juste les entreposer dans ce frigo et les laisser mourir. Pour cause, il ne s’agit pas d’une banque de graines, mais d’une banque de gènes, dans laquelle on puisera pour fabriquer des plantes totalement synthétiques».
Cette notion de « coffre-fort » n’est pas totalement nouvelle. Elle rejoint la réaction de responsables politiques interpellés par des protecteurs de la nature dans les années 1960-1970. Lorsque ceux-ci demandaient la mise en place de mesures de protection de la diversité du monde vivant sauvage, il leur était souvent répondu que l’on allait créer des espaces protégés, parcs nationaux, réserves naturelles, etc, mais que l’on devait laisser le reste du territoire libre de tout contrainte
On pourra dire, à juste titre, que c’est par le petit bout de la lorgnette de mes petites communes que je perçois le sort du monde vivant tel qu’il transparait dans le propos présidentiel. Mais je m’étonne aussi du silence sur les conséquences pour la diversité biologique lointaine de certaines de nos pratiques nationales et je pense aux agrocarburants dont l’huile de palme est un élément. Je m’étonne de la discrétion à propos de la Politique européenne de la pêche et du silence de la ministre de la Mer lorsque la Commission européenne autorise, en juillet dernier, une pratique de pêche industrielle néerlandaise hautement destructrice (la senne danoise) sur certaines de nos côtes au grand dam de nos pêcheurs .
Enfin, il est un point qui mérite d’être souligné, car il est inhabituel dans le langage de nos responsables politiques. A propos du monde vivant, il était écrit dans le discours présidentiel de février 2020 « Et je crois aussi que nous avons un devoir moral très profond qui est de reconnaître la valeur propre intrinsèque de cette biodiversité. Et quand bien même il n’y aurait pas cette utilité, ce lien visible parce que nous sommes aussi une espèce du vivant un peu particulière, parce que nous avons cette conscience de ce qu’est le vivant, de nous-mêmes mais aussi des autres. Nous avons une responsabilité une peu spéciale ».
C’est un messages d’espoir, d’avenir auquel je me racroche. Mais sera t-il entendu et surtout décliné de manière concrète ? C’est là une toute autre histoire.
(Paris, Vareilles (Saône-et-Loire), Les Prés de Puy-Saint-Vincent (Hautes-Alpes) septembre 2021
Contact : jean-pierre.raffin@wanadoo.fr 9, rue Gros 75016 Paris.
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