Par Christian HUGLO, avocat à la cour de Paris, docteur en droit.
Il est incontestable que la question de l’urgence climatique doit trouver une réponse adéquate et adaptée sur le terrain du droit. Les recours formés devant les juridictions administratives ou judiciaires de toutes les nations ne manquent pas d’intérêt dès lors qu’ils visent à faire reconnaître la carence de l‘État ou à dénoncer des comportements, notamment d’entreprises, ouvertement contraires à la réalisation de ce qu’on appelle au moins la transition énergétique destinée à assurer la diminution absolument nécessaire des émissions des gaz à effet de serre. Ces recours ont pour objet de tenter de proscrire des comportements anti-climatiques et néanmoins autorisés par la puissance publique. Le contentieux du droit public qui s’est développé ces dernières années, et qui vise à atteindre la responsabilité de l’État pour carence dans l’indispensable procédure d’accélération des politiques publiques en ce sens, sont sans doute extrêmement utiles et de ce fait leur nombre tend à s’accroître. C’est une voie de droit qui mérite d’être réexposée parce que les décisions les plus importantes et les plus intéressantes semblent se multiplier. Mais est-ce suffisant ?
Il n’existe pas en effet de procédure d’urgence pour obtenir un résultat. De telles procédures, outre les difficultés que l’on connaît à la reconnaissance du fondement constitutionnel ou non des droits de l’Homme, fondamentalement liés à l’environnement intégral et international et à la dignité humaine sous toutes ses formes, constituent toutefois, incontestablement, une voie à suivre, mais elles ne sont pas d’une efficacité immédiate. Il ne faut pas oublier, en tout cas, les difficultés inhérentes à leur exécution, à leur application concrète quand elles aboutissent. Leur intérêt majeur est de créer une jurisprudence (finalement un corps de droit souple) qui va montrer la voie et, espérons-le, obliger incontestablement les Parlements et les États à modifier leur comportement.
On peut dire que les tentatives de la nouvelle Commission Européenne d’obtenir un développement de la politique au titre d’un grand « Green Deal » sont certainement en relation avec le contentieux qui s’est développé en Europe, en France, en Suisse et surtout en Hollande du fait de la décision de la Cour Suprême des Pays Bas du 20 décembre dernier, condamnant la carence de l’État néerlandais à diminuer les émissions de gaz à effet de serre en passant des 20 % programmés à 25 % ordonnés.[i]
Mais tout le fait n’est pas là. On constate parallèlement le développement d’un mouvement spontané, incarné symboliquement par la jeune Greta Grunberg, et de nombreux autres qui veulent bousculer les codes, car ils ont pressenti la catastrophe lorsque dans les années 2030-2040 les 2 degrés pourtant programmés pour la fin du siècle seront atteints.
Aujourd’hui, seuls les évènements extraordinaires comme l’apparition du coronavirus auront peut-être réussi à faire prendre conscience à tous qu’il faut absolument faire bouger le cours des choses.
Singulier paradoxe que cette apparition. Ce phénomène qui vise la santé humaine et la met en péril, a seul aujourd’hui des effets évidents (hélas momentanés) sur la diminution des émissions des gaz à effet de serre. Le débat semble se recentrer non pas sur une querelle relative à la responsabilité de l’activité humaine dans le réchauffement climatique (en dehors de quelques chefs d’État qu’il faut bien qualifier de totalement irresponsables), mais sur celle de l’urgence. Il est évident que l’urgence appelle la mise en place d’une politique qui doit prendre en compte ce que l’on appellerait un état de nécessité (un peu comme la déclaration de l’état de guerre transforme les conditions de vie de la société et des modes de production ordinaires pour galvaniser les énergies), qui devrait permettre de dépasser, voire mettre au second plan le concept de transition écologique.
Faute de réalisation et d’engagement, des actions se déroulent qui cassent les codes habituels du fonctionnement de la société et qui régulièrement sont constitutives de violation directe de dispositions d’ordre pénal (telles que la violation du droit de propriété, la violation de domicile). Il ne s’agit pas toujours d’actions de désobéissance civile, mais plutôt des actions qui recherchent leur justification dans la réponse qu’elles veulent obtenir, quitte à provoquer ce que l’on appelle en droit pénal l’état de nécessité, concept destiné à commettre une infraction justifiée par une situation d’urgence pour protéger un intérêt particulier.
L’invocation de l’état de nécessité devient ainsi un justificatif évident de ce que l’on peut appeler une « sortie de route de l’application du droit pénal ». Mais, comme on va le voir, la façon dont la question a été abordée, tout d’abord dans le cadre de la question environnementale, notamment dans l’affaire du fauchage des OGM, ou encore dans l’affaire du décrochage des portraits du Président Macron, n’a pas toujours emporté la conviction des juges répressifs. Mais certains d’entre eux ont pris récemment une position très avancée sur le sujet, dont on n’est pas certain, d’après l’avis des spécialistes, qu’elle fera, comme on le dit, jurisprudence.
La piste est néanmoins intéressante et diverses opinions juridiques se sont manifestées en vue de la recherche de la définition d’une nouvelle légitimité du rôle du juge. En effet, il faut rappeler qu’effectivement, la question dite de l’état de nécessité, c’est-à-dire l’obligation d’agir par contrainte dans un but finalement social, n’est pas forcément fermée à d’autres horizons moins défensifs.
L’apparition du principe de vigilance environnementale lancée par une décision du Conseil Constitutionnel du 8 avril 2011 (Sieur Z), qui a été abondamment commentée [ii], a incontestablement fait réfléchir sur ce qu’on appelle l’institution des lanceurs d’alertes. Ces derniers disposent aujourd’hui d’un statut tant en droit national qu’en droit communautaire. Ce principe de vigilance a permis également de développer une éthique climatique pour certaines entreprises. Mais si nous devions tous devenir des lanceurs d’alertes pour le climat, notre action ne pourrait en aucun cas être ni directement, ni indirectement efficace, car cette institution se situe dans un cadre de rapport de droit privé entre un employé et un employeur[iii] et non dans un rapport de droit entre un citoyen et ses dirigeants.
Finalement, ne faut-il pas rechercher s’il n’existe d’autres voies s’appliquant aux dirigeants et leur imposant un véritable devoir, sanctionné pénalement, de prendre des mesures utiles et efficaces pour éviter une catastrophe ? Ainsi, compte tenu des considérations qui précèdent nous pourrons procéder au développement suivant en posant trois questions :
Première question : est-ce que le contentieux civil ou administratif, même s’il se multiplie, peut réellement répondre à la question de l’urgence climatique, telle qu’elle se présente aujourd’hui et dans les années qui vont venir ?
Deuxième question : peut-on espérer une évolution de la jurisprudence sur la question relative à l’application du principe dit de l’état de nécessité, dans le cadre d’actions ou de manifestations militantes qui induisent la violation d’une obligation de droit pénal ?
Troisième question : n’existe-t-il pas sur le plan du droit pénal des obligations qui, au moins en droit français (et pourquoi pas dans d’autres États), devraient obliger les dirigeants à agir pour anticiper sur une catastrophe sous peine de poursuites pénales ?
Première question : les recours de droit offerts aux associations et aux personnes qui réclament, de façon légitime et à juste titre, la mise en œuvre d’une action urgente en matière climatique, sont-ils réellement efficaces ou bien ne comportent-ils pas un certain nombre de limites ?
La réponse à cette question est délicate, car il faut bien voir qu’il s’agit là d’un mouvement de fond, qui consiste pour la société civile à se tourner vers les juges et non plus vers les Parlements, qui sont mis en cause de façon directe ou indirecte par leur manque patent d’efficacité[iv]. Lorsqu’on voit l’évolution de la législation française en la matière, on ne peut plus qu’en douter.
Il est aisé cependant de démontrer que la décision du juge en matière d’environnement, (et même potentiellement en matière d’urgence climatique) est finalement assez efficace et beaucoup plus efficace peut-être, que les actions entreprises au niveau national.
Nous y voyons en effet trois raisons :
La première c’est que lorsque le juge est saisi, il a l’obligation de statuer, et c’est le cas dans toutes les nations du monde. Le déni de justice est quelque chose qui est partagé par toutes les nations qui ont une institution digne de ce genre : un Parlement peut créer une Commission, peut différer, peut utiliser toutes les astuces procédurales ou juridiques pour enterrer un problème, le juge ne peut se dérober.
La deuxième observation à souligner tient au fait que le débat devant le juge est un débat contradictoire, à armes égales, que la procédure soit essentiellement écrite ou orale.
Cela fait penser à un débat d’échanges comme l’applique la méthode scientifique ; le juge est de plus ici un arbitre du contradictoire, il le suscite, le provoque, le contrôle.
De ce fait « le petit » dispose de la même disponibilité de parole que « le grand ».
La méthode du juge est une méthode propice à permettre justement un débat à armes égales de nature scientifique qui n’a pas d’équivalent avec ce qui peut être mis en œuvre par les Parlements, soit que ceux-ci disposent de commissions d’enquête, soit qu’ils disposent de moyens d’investigations scientifiques comme c’est le cas effectivement pour le Parlement français et pour l’Office Parlementaire des Choix Économiques Scientifiques et Techniques placé sous sa dépendance.
D’ailleurs, dans tous les cas de figure, le juge peut encore faire appel à des experts qui sont indépendants par profession et par statut, et le débat devant eux doit être également contradictoire.
Enfin, le dernier point, qui est loin d’être négligeable, est que la décision du juge est toujours motivée, qu’elle soit une décision de rejet ou d’acceptation.
Finalement la décision du juge revient à la prononciation de ce que l’on peut appeler une « Parole » conçue dans l’égalité des armes et associée dans le secret des délibérations.
Il a certes été souligné que le juge n’est pas élu et que l’on peut considérer que le processus juridictionnel de la décision ne soit pas considéré comme un procédé objectivement acceptable, car il ne trouverait pas sa source dans l’élection ; ceci n’est pas fondamentalement exact dans la mesure où effectivement la question de l’indépendance du juge est garantie par la Constitution et dans la mesure également où le pouvoir issu de l’élection ne peut rester indifférent à la situation d’indépendance du juge qu’il se doit de garantir.
Il existe surtout des exemples inverses. La soumission du juge à la pression populaire immédiate peut conduire à un résultat encourageant ; ainsi, aux États-Unis, un certain nombre de juges locaux sont effectivement élus par la population et moins considérés que les juges les plus respectés. Ainsi, les juges fédéraux sont des juges institutionnels : nommés par le Président et les deux Chambres, ils bénéficient d’une indépendance assez remarquable et remarquée (notamment dans le domaine climatique).[v]
Il ne faut pas oublier qu’une très grande partie du droit de l’environnement a été construite par des décisions de justice notamment sur toutes les questions relatives à l’étude d’impact, à l’évaluation du dommage écologique, à la responsabilité. Le même phénomène se reproduit pour la question climatique.[vi]
Aujourd’hui, le développement de la parole du juge ne s’inscrit pas, compte tenu du caractère global de la question posée du climat, dans un État déterminé ou dans un milieu déterminé à proprement parler, mais dans un cadre universel.
L’attention doit être portée à un phénomène convergent que l’on appelle l’observation du droit comparé. L’étude des systèmes anglo-saxons ou des systèmes dits de droit écrit et traditionnels permet de constater que les décisions les plus intéressantes, rendues ces dernières années, sont des décisions issues du système anglo-saxon, c’est-à-dire globalement issues d’une procédure orale plutôt qu’écrite, et surtout une procédure de témoignages plutôt qu’une procédure inquisitoriale. On pense ici à la décision rendue par la Cour de Justice de l’État Régional d’Australie[vii] et l’arrêt rendu, déjà cité, par la Cour Suprême de Hollande dans l’affaire Urgenda.
Le chemin emprunté par la justice dans l’affaire Urgenda a été exemplaire à tous les stades, que ce soit celui de la juridiction de première instance et celui de l’appel. Cette exemplarité a été confirmée devant la Cour Suprême qui, dans le domaine climatique, a précisément reconnu l’existence d’un droit fondamental, qui est celui constitué par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, interprétant les articles 2 et 8 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
En effet, avec une interprétation constructive et dynamique de la Convention de Paris de 1951, la Cour Européenne des Droits de l’Homme est parvenue à garantir une protection minimale de l’environnement, en faisant référence aux articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale du domicile). La Cour Suprême est passée à un stade supérieur consistant à considérer que ces dispositions, qui s’appliquent en principe uniquement à la reconnaissance de droits individuels, devaient être interprétées comme devant s’appliquer au niveau collectif pour toute une population.
Si l’on regarde la décision rendue en Australie dans l’affaire Minière précitée, celle-ci fait référence à la même Convention (bien qu’elle ne soit pas applicable en Australie), aux accords de Paris et à la jurisprudence qui se dégage petit à petit aux États-Unis et que l’on appelle Duty of care, que l’on peut traduire par devoir de vigilance et d’action.
Ces deux décisions, pour ne citer que celles-ci, ouvrent la voie à un contentieux local, mais de façon universelle, et l’on comprend très bien que des décisions, comme celle toute récente de la Cour d’Appel de Londres, aient pu prendre en considération les dispositions de l’accord de Paris (qui ne sont pas pourtant reconnues comme ayant un effet obligatoire au point de vue du droit international) pour justifier le refus d’extension d’une des pistes de l’aéroport d’Heathrow.
Cet exemple n’est pas le seul. Ainsi l’on voit émerger progressivement l’affirmation d’un droit supérieur qui transcende les États et les populations, mais ce n’est là qu’un début et la généralisation n’est pas encore suffisante pour bousculer les règles du droit classique, encore trop favorables au court terme.
Force est de constater en tout cas qu’il n’existe pas de procédure d’urgence parce que les systèmes juridiques ne sont pas faits pour contrarier efficacement le cours actuel des choses.
S’il existe du point de vue du Droit constitutionnel 195 États, environ 147 disposent d’un droit Constitutionnel à l’Environnement, et la tâche n’est pas encore complètement accomplie de faire passer le droit climatique dans l’ensemble des Constitutions des différents États.
Un projet de réforme a été élaboré en France sur ce sujet pour modifier non pas le Préambule de la Constitution, mais l’un des articles fondamentaux de la Constitution qu’est l’article 1er, pour y ajouter le respect d’un devoir climatique, mais les organes consultatifs du Gouvernement ont mis en garde celui-ci contre une disposition qui pourrait avoir une certaine efficacité.[viii]
Sans doute, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel évolue. Ainsi en va-t-il de l’affirmation de la supériorité du Préambule de la Charte de l’Environnement (qui contient des dispositions fort intéressantes pour la protection du climat et de la biodiversité) qui a été affirmée comme devant et pouvant s’imposer au principe de la liberté, du commerce et de l’industrie. Relevons cette heureuse interprétation qui va à l’encontre des dispositions de l’article 3 paragraphe 5 de la Convention du Climat de 1992, laquelle prévoit précisément que la lutte contre le réchauffement climatique ne devrait pas impliquer des restrictions au commerce international. C’est toutefois la seule affirmation à notre connaissance, qui demeure pour l’instant bien isolée.
Ainsi, les efforts des juges du fond sont des efforts de construction dans le temps d’un nouveau droit destiné à faire basculer rapidement ce que la société civile de tous les États réclame de façon de plus en plus forte, mais ce ne sont là que quelques exemples remarquables de petits pas.
C’est pourquoi la question relative aux actions ouvertement non justifiées par le droit reste une question actuelle.
Deuxième question : c’est celle de savoir si l’invocation de l’état de nécessité est une réponse adéquate permettant de justifier sur le plan du droit pénal des manifestations ou actions non conformes au droit pénal.
Le sujet nécessite une étude attentive car contrairement à ce qu’on a pu affirmer, la question de l’état de nécessité est une création spontanée des juges et non pas une création du législateur, qui a essayé beaucoup plus tardivement de l’encadrer par une loi formelle. Peut-on espérer une nouvelle jurisprudence dans le domaine climatique ?
A quoi d’abord la notion d’état de nécessité correspond-elle sur le plan du strict droit pénal ? En droit pénal, comme on le sait, la définition d’une infraction ou d’un crime repose sur trois éléments fondamentaux : l’existence d’un texte l’ayant légalement instituée (ce que l’on appelle l’élément légal), la commission d’un fait qui est matériellement établi (que l’on appelle le caractère matériel de l’infraction) ; et dans la plupart des législations, même en matière environnementale, une place est faite à l’intention de commettre l’infraction.
Ainsi, les délits relatifs à la protection de l’environnement prévus par le Code de l’environnement, dans le domaine de la pollution, laissent une certaine place à la preuve de « l’intention criminelle », que l’on appelle plus généralement « l’intention de nuire ». De ce fait, la plupart des codes européens ont développé des théories liées à l’encadrement de l’élément intentionnel.
En France, le code pénal prévoit plusieurs cas d’impunité ou l’absence d’infraction personnelle si l’on préfère. Il en est ainsi lorsque le prévenu était placé dans un état de contrainte à laquelle il n’a pu résister. Il existe plusieurs formes de contrainte, qui peuvent prendre la forme d’une contrainte physique, ou d’une contrainte relative effectivement à l’absence de tout discernement, (ce que l’on appelle concrètement la folie).
La légitime défense fait également l’objet de discussion, mais celle-ci vise essentiellement les rapports entre les personnes : la légitime défense doit être proportionnée et justifiée face à une attaque réelle provenant d’un tiers ou de plusieurs personnes ; elle fait l’objet d’une très nombreuse jurisprudence, mais sans application pour nous.
Ce sujet délicat s’est installé aujourd’hui de façon controversée dans le domaine du droit de l’environnement et celui du droit climatique. Le recours à l’idée d’excuse par légitime défense est invoqué, parce que les prévenus ont agi et ont estimé que les dirigeants sont ou seraient incapables de réagir utilement face à la question climatique : la société civile serait donc fondée à invoquer l’idée de légitime défense globale, mais il est inapplicable à notre hypothèse.
En effet, le concept de la légitime défense est un concept strictement réservé à un comportement des personnes et non des biens. L’article 122-5 du code pénal dispose, en effet : « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui accomplie dans le même temps un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même et d’autrui sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».
On voit que le concept tourne autour de l’idée d’attaque dont les signes d’atteinte doivent être visibles, évidents, offensifs et non pas évidemment potentiels. Enfin, en dehors du commandement de la loi, qui est un cas très particulier d’impunité pénale, figure la fameuse question de l’état de nécessité. S’agissant du droit de s’exonérer de sa responsabilité personnelle par « l’état de nécessité », même s’il est apparu bien avant l’intervention du législateur, il reste aujourd’hui très encadré par la jurisprudence. Ce texte est aujourd’hui ainsi rédigé :
N’est pas pénalement responsable selon l’article L.122-7 du Code pénal « la personne qui face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».
On voit déjà la différence avec le texte de la légitime défense, puisqu’ici il y a la référence à une menace qui vise soit une personne, soit un bien ; et il est difficile de soutenir que le maintien d’un climat acceptable ne soit pas autre chose que la protection d’un bien.
Mais il faut souligner que, par le passé, certaines décisions de justice avaient voulu échapper à l’application des critères posés par la jurisprudence depuis le 19e siècle et par le législateur à partir des années 1950.
Selon l’interprétation stricte des décisions rendues par le juge pénal, les conditions de l’impunité sont les suivantes : en principe, il faut un danger réel, effectif et non putatif. C’est au prévenu lui-même d’apporter la preuve d’un danger réel dans sa matérialité, dans son objet. Enfin le danger doit être actuel ou imminent, ni passé, ni futur, et doit être un danger considéré comme injuste.
Ces critères ont été appliqués diversement à travers trois affaires différentes, l’affaire dite des faucheurs d’OGM, l’affaire du décrochage du portrait du Président Emmanuel Macron, et l’affaire des joueurs fictifs de tennis dans le hall de l’établissement du Crédit Suisse de Lausanne (étant entendu que le droit suisse emprunte au droit français et réciproquement).
La première affaire dite « affaire des faucheurs d’OGM », qui a donné lieu à un arrêt de principe de la Cour de Cassation, limite considérablement le recours à l‘état de nécessité, selon une décision du 7 février 2007[ix] rendue par la Chambre Criminelle de cette Cour.
Il a ainsi été jugé que le fauchage volontaire de champs ensemencés d’OGM n’était justifié ni par l’état de nécessité, ni par le recours au principe de précaution. Une double considération a été prise en compte. D’une part un élément de fait, la nécessité de commettre un délit compte-tenu des circonstances, et d’autre part une question de droit, la non-application du principe de précaution. Ces deux éléments n’ont pas justifié effectivement des comportements contraires au droit pénal.
La Cour de Cassation a, dans cette affaire, rejeté le pourvoi dirigé contre l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait annulé la décision du tribunal correctionnel d’Orléans, lequel avait précisément reconnu l’état de nécessité et le fait que l’objet même de la conduite des prévenus justifiait selon les juges du fond l’application légitime du principe de précaution (qui pourtant n’était alors reconnu que par le droit communautaire et non par le droit constitutionnel).
Les faucheurs pour justifier leurs actes illicites de dégradations volontaires du bien d’autrui invoquaient systématiquement la nécessité de lutter contre le danger représenté par les OGM, mais la Cour de Cassation a rejeté leur argumentation en relevant que les actes commis par les prévenus « n’étaient nullement nécessaires à la sauvegarde d’une personne ou d’un bien sauf à admettre que la simple existence d’un risque ou la sauvegarde d’un intérêt jugé supérieur ou socialement utile par celui qui le revendique puisse fonder le droit à commettre des faits pénalement qualifiés[x]. »
La défense des prévenus se heurtait en effet à un double obstacle à savoir, tout d’abord, l’existence de recours contre les actes administratifs autorisant les OGM, tant au niveau national, qu’au niveau communautaire ; de nombreuses décisions énumérées par le Professeur Trébulle dans son commentaire, l’ont rappelé et ont souvent donné satisfaction aux requérants. Ceux-ci auraient donc dû choisir la voie de droit et non de fait.
Le deuxième problème, qui est plus difficile à résoudre, était de développer l’idée que l’état de nécessité s’imposait dans ces conditions, mais que les prévenus n’étaient pas parvenus à prouver l’existence d’un danger « actuel ou imminent ».
Il est vrai que l’abondance du contentieux sur les OGM tant en France qu’à l’étranger – l’affaire François[xi] et les 14 000 procédures en cours aux États-Unis contre la société MONSANTO notamment –, n’avait pas la même résonnance à l’époque. La dangerosité des produits est restée longtemps et incontestablement un sujet de controverse habilement posé sur la place publique par les producteurs, avec ce défaut de la réglementation sur les biens de consommation qui laisse peser une présomption d’innocuité sur une personne et un produit sur le marché.[xii] Cette présomption d’innocuité est liée à des tests scientifiques dont le contrôle ne paraît pas toujours effectué, ni dans sa méthodologie, ni dans sa réalité.
C’est sans doute dans une sorte d’état de détresse de preuve scientifique savamment organisée que se sont développés ces contentieux, qui ont eu alors pour mérite d’attirer l’attention sur la dimension de la controverse et non de faire jurisprudence.
Restent les affaires climatiques dans lesquelles l’état de nécessité a été invoqué : les plus récentes sont à notre connaissance au nombre de deux. Il s’agit de la question du décrochage du portrait du Président de la République et la question dite des pseudos tennismen du Crédit Suisse de Lausanne, qui ont eu toutes deux des sorts identiques par admission de la notion d’état de nécessité, mais par des voies très différentes.
Il est utile d’abord de rappeler les faits et la procédure suivie pour chacune d’elle. S’agissant de la question du décrochage des portraits du Président de la République, les faits sont symétriques avec ceux de l’affaire jugée par le tribunal de Lausanne : la première opération a eu lieu dans le cadre d’une manifestation de désobéissance civile, par intrusion dans un bâtiment public, une mairie ; tandis que la seconde concernait l’intrusion dans un bâtiment privé. Le délit en cause était celui de vol de biens publics concernant le décrochage du portrait du Président de la République, et la violation de domicile dans l’affaire du Crédit Suisse de Lausanne.[xiii]
Le jugement de relaxe du tribunal correctionnel de Lyon repose sur une idée centrale, selon laquelle la situation qui affecte gravement l’avenir de l’Humanité n’étant ni traitée ni respectée par l’État dans ses objectifs ; ceci justifierait effectivement l’invocation d’un état de nécessité par les prévenus.
Le juge reconnait dans ces circonstances que, « les requérants sont habilités à participer à une manifestation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique, que le décrochage et l’enlèvement sans autorisation du portrait en question étaient voués exclusivement à la défense de cette cause et devaient être considérés comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le Président de la République et le peuple. »
Si l’on applique ici les critères de la jurisprudence, il est certain que la menace climatique dont il est question, si elle est réelle, parait trop indéterminée. Un commentateur écrit « la seule liberté des agents serait alors de ne leur laisser d’autre choix que celui de commettre un vol » et rappelle que « la nécessité est la proportionnalité de la réaction et suppose effectivement l’existence d’un lien entre le danger et l’acte perpétré en réponse de façon à ce que celui-ci soit susceptible de contrer celui-là ». [xiv]
Ainsi, un acte peut être licite s’il est justifié par la recherche d’une véritable utilité sociale, mais il ne l’est pas sur le terrain du droit au motif de proportionnalité, même si le juge fait preuve d’audace. En favorisant actuellement et usuellement la liberté d’expression au détriment de certaines incriminations[xv], se pose la question de la légitimité et non pas celle de l’application du strict droit pénal à cette situation.
Il écrit encore « était-il légitime pour autant ? Tout dépend sans doute de la conception que l’on se fait du juge dans notre société, la croissance de son rôle étant régulièrement dénoncée, il n’est pas sûr que cette impudence ne passe pas pour de l’imprudence. » [xvi] Cela est effectivement discutable, car c’est en se plaçant sur la question de la légitimité que l’analyse permet l’appréhension de la gravité de la situation. Le juge peut être un véritable recours à une nouvelle jurisprudence, comme il l’a été dans l’affaire Mesnard dite du « bon juge ». Le juge avait, au siècle passé, relaxé une prévenue qui avait volé du pain pour nourrir son enfant ». Ici, il ne s’agit plus de faim criante d’une personne humaine, mais celle de fin d’un certain monde humain : si l’on veut bien, par exemple, se rattacher plus en détail aux décisions de justice rendues en matière climatique, et notamment celle infirmée par la Cour Suprême de Hollande dans l’affaire précitée, on voit pourtant que « lorsque le risque s’avère réel et immédiat, l’État est tenu, sans que sa marge d’appréciation ne soit mise en cause, d’adopter des mesures préventives ». L’urgence doit donc être prise en considération, mais malheureusement d’un point de vue du strict droit, l’état de nécessité exige une urgence plus qu’extrême. C’est sans doute cette meilleure démonstration de l’urgence qui a justifié la décision du juge de Lausanne dans l’affaire dite des « pseudos tennismen du Crédit Suisse » (jugement du tribunal de police du 13 janvier 2020).
L’affaire est quelque peu divertissante : un certain nombre de jeunes manifestants se sont introduits dans le hall du Crédit Suisse de façon pacifique, souligne le jugement, dans le but de manifester contre le changement climatique, et plus spécifiquement s’opposer aux investissements faits par le Crédit Suisse dans les énergies fossiles. Comme le relève le juge, à la page 42 de sa décision[xvii], « le but des manifestants était d’attirer l’attention de l’opinion publique sur ces questions notamment en dénonçant la participation de Roger Federer à l’image publicitaire de cette banque. » Cette manifestation a consisté notamment à déployer une banderole sur laquelle figurait le texte suivant : « le Crédit Suisse détruit le climat, Roger tu cautionnes ça ? » et pour l’essentiel a mimé une partie de tennis, la plupart des participants étant déguisés en sportifs de manière caricaturale.
Le jugement insiste sur le fait que les manifestants ne se sont pas montrés agressifs et se sont placés notamment sur les marches des escaliers en n’empêchant pas les clients de passer. Lorsque la police est intervenue, la manifestation a progressivement cessé. La lecture intégrale du jugement montre que sur 59 pages de jugement, près de 40 concernent des témoignages relatifs à la preuve de l’urgence climatique, le tribunal a pu ainsi développer très longuement l’existence et l’imminence d’un danger climatique, se référant en particulier aux accords de Paris, ce qui pour lui légitime d’une façon globale la manifestation dénonçant ce danger.
Le tribunal relève cependant qu’une manifestation autorisée sur la voie publique aurait été efficace, ne fut-ce même sur le trottoir devant le Crédit Suisse, mais qu’elle n’aurait obtenu, en aucun cas, le même impact sur le public que celui obtenu dans le cas d’espèce. L’hypothèse envisagée également par le juge est que les manifestants auraient pu effectivement s’adresser directement à la Banque, pour lui reprocher son comportement, et auraient pu également recourir à des moyens politiques plus classiques. Mais au vu de l’urgence, pour le juge, on doit retenir que le danger était impossible à détourner autrement et que la subsidiarité absolue a été ainsi respectée. Comme la violation du droit de propriété n’étant que partielle et temporaire, puisque l’accès à la clientèle restait possible, le juge a estimé que l’acte incriminé était donc un moyen nécessaire, proportionné et à même d’atteindre le but visé.
En conclusion, le tribunal a jugé que toutes les conditions relatives à l’application de l’article 17 du code pénal suisse sont remplies et que les prévenus ont, par l’état de nécessité réalisé, agi de manière licite. Il a toutefois, par prudence sans doute, recommandé en tout cas que cette décision n’ouvre pas des perspectives qui ne seraient pas souhaitables, se référant au strict cas de l’espèce.
L’article 17 du code pénal suisse dispose que « quiconque commet un acte punissable pour préserver d’un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s’il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants ». Pour le juge, l’article 17 en question suppose l’existence d’un danger impossible à détourner autrement, qui implique une subsidiarité absolue. En d’autres termes, dit-il « celui qui dispose de moyens licites pour préserver le bien juridiquement menacé ne peut pas se prévaloir de l’état de nécessité ». C’est la raison pour laquelle il a analysé dans son jugement les autres modes possibles de l’action des militants écologistes en question.
En réalité, il semble que ce qui a fait basculer la décision du tribunal, c’est sans doute l’extraordinaire qualité des témoignages recueillis sur l’urgence climatique, mais aussi sur le caractère vraiment festif de la manifestation. Il est difficile d’y voir autre chose qu’un jugement d’équité et en tout cas totalement attaché aux circonstances de l’espèce.
Le fait est, donc, que la jurisprudence obtenue en matière climatique sur la question de l’état de nécessité reste fragile : le jugement de Lyon est frappé d’appel, le jugement de Lausanne est constitué par un mélange de bienveillance autant que de considération de droit.
Il faut se poser la question d’autres possibilités de voies de droit autrement que défensives, et donc probablement réorienter la recherche du droit applicable vers une responsabilité individuelle des dirigeants inactifs volontairement, ou purement et simplement négligents.
Troisième question : face à la gravité du danger climatique, quelles pistes explorer dans les incriminations autres que de défense pénale ?
Il faut partir ici de l’idée que le droit pénal est un droit que craignent, généralement, les dirigeants gouvernementaux.
C’est la raison pour laquelle est affirmée l’impunité du Président de la République pendant l’exercice de ses fonctions (article 68 de la Constitution). Cette protection est très large puisqu’il faut, pour contourner cette immunité, faire appel à la notion de manquements manifestement incompatibles avec l’exercice du mandat. Le cas échéant, est prévue une compétence spéciale de la Haute Cour, à savoir le Parlement constitué en Haute Cour. On rappellera pour le principe que le délit de forfaiture, c’est-à-dire le manquement au devoir de sa charge de la part d’un haut responsable, a été abrogé purement et simplement et que les propositions de loi visant à le rétablir ne concernent que les fonctionnaires[xviii].
Pour notre sujet, on peut d’abord songer à une disposition importante, celle prévue pour non-assistance à personne en danger par l’article 133-6 alinéa 1er du code pénal, selon ce texte :
« Quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende ».
On rappelle que l’abstention volontaire de porter secours à personne en péril a été une création du régime de Vichy, qui voyait dans ce texte une incitation forte des citoyens à agir face aux bombardements qui ont frappé la France occupée lors de la deuxième guerre mondiale, sur des cités constituant des bases militaires ou industrielles importantes. Ces bombardements n’ayant pas été faits, c’est le moins que l’on puisse dire, avec précision, la population civile en a le plus souvent été la victime.
Mais l’abstention volontaire de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes s’applique même lorsqu’une personne n’est pas mise directement et immédiatement en danger. Il peut s’agir à la fois d’incendies, d’inondations, de naufrages et de séismes. Il devrait y avoir tout de même un corps de réalité qui, selon certains auteurs, ne devrait pas s’appliquer à certaines situations, où la survenance d’un sinistre serait seulement probable, voire future, ou encore dans l’hypothèse où il y aurait une simple atteinte à l’environnement, sans incidence sur la santé des personnes ou leur sécurité. Pour la doctrine l’attentisme, la passivité ou même la lenteur à réagir sont exposées à être qualifiées d’abstention de prendre ou de provoquer des mesures permettant de combattre un sinistre.
Toute la question ici est celle d’une éventuelle application dans le domaine climatique de la notion de sinistre, de considérer celui-ci comme réel, certes futur, mais certain ou inéluctable. Bien entendu, on retrouve exactement la même discussion que l’on a vue apparaitre, lorsqu’était invoqué devant les Tribunaux l’état de nécessité à titre défensif.
On voit très bien, en reprenant ici les espèces évoquées ci-dessus, que la partie expertise relative à l’urgence et à la réalité du danger, et que les témoignages déposés devant les tribunaux, que ce soit le tribunal correctionnel de Lyon, ou le tribunal de police de Lausanne, ont joué un rôle prépondérant à l’égard de cette problématique.
Il faudrait effectivement ici développer une expertise plus poussée encore, car il est assez évident que la simple lecture des documents officiels du Haut Conseil pour l’Environnement, comme les remarques du ministère de l’environnement ne suffisent pas. On peut néanmoins affirmer, à la lecture des compte-rendu de la convention citoyenne, que l’État français est en retard, mais jusqu’où ?
Ce retard est-il constitutif d’un sinistre inéluctable ? La preuve permettant de le réaliser n’est pas évidente. Ainsi s’agissant, par exemple, de la perte de territoire, on parle pour les années récentes de 25 km2 de terre sur la côte atlantique (sans compter que la France est pratiquement la première puissance mondiale en matière de littoral). Cette situation met en cause directement l’intégrité du territoire et non pas simplement la sécurité des personnes, alors qu’il existe actuellement une politique sur ce point précis de réaménagement du littoral, qui est incontestablement prise aujourd’hui au sérieux.
Resterait la preuve non plus des inondations, mais celle de la multiplication de parasites ou d’atteintes possibles à la santé, ce qui n’est pas encore démontré.
Il conviendrait, sans aucun doute, de procéder à des investigations plus accomplies pour établir une liste d’actions à entreprendre, la notifier au Gouvernement ou aux membres du Gouvernement, sans référence au code pénal, car il faut rappeler ici que la simple invocation d’un délit, même dans une requête administrative gracieuse, peut être considérée comme un moyen de pression assimilable à du chantage.
Le texte pénal en question ne peut donc pas être invoqué directement et ne pourrait l’être qu’après expertises probantes. L’existence d’un tel texte a le mérite tout de même de rappeler que la question climatique ne saurait être étrangère au droit pénal, même si celui-ci devra peut-être être interprété et en tous les cas adapté.
Il n’en reste pas moins que si une procédure était envisagée un jour, il faudrait compter avec le fait que les personnes visées, qui seraient nécessairement essentiellement des ministres, ne pourraient être poursuivies que devant la Haute Cour de la République, dont la suppression est d’ailleurs envisagée.
Si la réaction à la réclamation demandant des actions concrètes se terminait par une réponse de l’Autorité saisie, ce qui s’assimilerait à du négationnisme, elle pourrait effectivement entrainer l’application du code pénal.
C’est un point auquel il faut réfléchir, car le droit pénal ne se manipule pas comme le droit civil. Il a pour utilité de protéger les valeurs sociales les plus essentielles, le droit à la vie. Le droit à un environnement sain n’est pas aussi bien protégé qu’il devrait l’être ; mais c’est sans doute là où une bonne partie du bât blesse, et de ce fait, il reste toujours en l’état du droit la possibilité de poursuivre les procédures de mise en demeure qui concernent l’obligation d’agir.
L’idée peut être d’incorporer le climat dans des dispositions de la Constitution qui auraient valeur impérative et, en tout cas, de faire disparaitre les dispositions de l’article L.229-1 du code de l’environnement, qui prévoient seulement que la lutte contre le réchauffement climatique n’est qu’une priorité nationale.
Il y a incontestablement du travail de recherches d’actions urgentes à initier. Toutes les réformes qui ont tourné autour de la vigilance environnementale pour les entreprises et pour le statut de lanceur d’alertes devraient être poursuivies dans le domaine de la réflexion du droit public et non plus simplement du droit privé.
Les dispositions les plus exigeantes de notre droit doivent être mobilisées pour en tirer des conséquences directes sur la modification globale de nos systèmes juridiques, qui ont besoin d’être adaptés à la réalité inéluctable qui s’annonce.
[i] C. LEPAGE, Premier commentaire de la décision Urgenda, EEI, 2020, comm. 6
[ii] L. FONBAUSTIER, Chronique de jurisprudence relative à la Charte de l’environnement (2011-2012) – « Entre maturité et QPC », Environnement n° 5, Mai 2013, chron. 3
[iii] F. BARRIERE, Les lanceurs d’alerte, Revue des sociétés, 2017, n°4, p. 191
[iv] C. HUGLO, Évolution du droit de l’environnement : entre le chaud et le froid, EEI, n° 3, Mars 2020, repère 3
[v] C. HUGLO, Le contentieux climatique : une révolution judiciaire mondiale, Bruylant, 2018, 1ère Partie, Chapitre consacré aux États-Unis
[vi] C. HUGLO, Méthodologie de l’étude d’impact climatique, Droit européen, français et anglo-saxon, Bruylant, 2020 et C. HUGLO, Le contentieux climatique : une révolution judiciaire mondiale, Bruylant, 2018
[vii] T. THUILLIER, Dialogues franco-australiens sur la justice climatique, EEI, n° 4, Avril 2019, comm. 21
[viii] Voir le projet de loi constitutionnelle n° 2203 sur un renouveau de la vie démocratique enregistré à l’assemblée le 29 Août 2019
[ix] F.-G. TREBULLE, OGM : le « fauchage » n’est justifié ni par l’état de nécessité ni par le principe de précaution, La Semaine Juridique Edition Générale, n° 14, 4 Avril 2007, II 10059
[x] Voir récemment, Cour de cass., Crim., 25 mai 2016, n° 1486170 Jurisdata n° 2016 00 9915
[xi] Cour de cass., Chambre Mixte, 7 juillet 2017, n° S 15/25.651 ; CA Lyon, 11 avril 2019, n° RG 17/06027
[xii] Voir la discussion sur la question des produits dits défectueux
[xiii] Voir G. BEAUSSONNIE, Décrochage du portrait du Président de la République – Le vol appréhendé par le juge comme substitut légitime d’un dialogue impraticable, La Semaine Juridique Edition Générale, n° 42, 14 Octobre 2019, 1042 ; P. SPINOSI, Edito : Justice-Salomon, Semaine juridique, Edition générale, n° 41, 7 octobre 2019, p. 1761
[xiv] G. BEAUSSONNIE, Décrochage du portrait du Président de la République – Le vol appréhendé par le juge comme substitut légitime d’un dialogue impraticable, La Semaine Juridique Edition Générale, n° 42, 14 Octobre 2019, 1042
[xv] Voir Cassation Criminelle, 26 octobre 2016, n° 16083774
[xvi] G. BEAUSSONNIE, Décrochage du portrait du Président de la République – Le vol appréhendé par le juge comme substitut légitime d’un dialogue impraticable, La Semaine Juridique Edition Générale, n° 42, 14 Octobre 2019, 1042
[xvii] Tribunal de Police de Lausanne, 13 janvier 2020, n°26368X
[xviii] Voir proposition de loi n° 4588 enregistrée à l’Assemblée le 10 mars 2017 par le député Franck Marlin.