Par Jean-Pierre Raffin*
Vient de paraître un ouvrage collectif édité par Christophe Monnot et Frédéric Rognon (Églises et écologie. Une révolution à reculons, Labor et Fides, 2020) auquel ont participé politologues, théologiens surtout protestants, historiens, et sociologues. La thèse défendue par ces auteurs est schématiquement que les églises s’étaient finalement peu mobilisées sur la question écologique, notamment après l’article de Lynn White (1966) attribuant au judéo-christianisme certaines racines de la crise écologique. A dire vrai, dans certains milieux écologistes l’on a parfois fait dire à Lynn White, beaucoup plus qu’il ne le disait lui-même[1]. L’auteur de ces lignes connaissant mieux le monde catholique que les mondes orthodoxe et protestant, s’est étonné du propos selon lequel se sont surtout « des prêtres et théologiens engagés dans les pays du Sud qui essaient de faire entendre leur voix au sein du catholicisme » sur la question écologique. Au travers de son expérience, la réalité lui semble quelque peu différente.
L’on trouvera dans les lignes qui suivent quelques-uns des temps forts de réflexions de catholiques et protestants préoccupés par la « question écologique » bien avant l’encyclique Laudato si’ (2015). Elles proviennent d’un travail couvrant les périodes 1965-2005 et 2005-2015, à paraître en mars 2021 (Écologie intégrale. 25 ans après Klingenthal. Strasbourg. ERCAL sous la direction de Marc Feix et Frédéric Trautmann).
1965.
Avant même la publication de l’article de Lynn White, le grand naturaliste Jean Dorst (Avant que nature meure. Delachaux et Nieslé.1965) s’interroge sur le rôle du christianisme, écrivant « les philosophies occidentales mettent toutes l’accent sur la suprématie de l’homme sur le reste de la création qui n’est là que pour lui servir de cadre. Ces affirmations, proférées par les philosophes païens de l’Antiquité, forment la base de l’enseignement chrétien ». Il renvoie à une note de bas de page, où il précise : « Qu’il nous suffise de transcrire un texte révélateur des Écritures : « Dieu les (l’homme et la femme) bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre … Quelques années plus tard, René Dubos (Wooing the Earth, Charles Scribner’ s Sons. New-York.1980), réfutera les thèses de D. T. Suzuki (1953) et Lynn White (1967) selon lesquelles la crise écologique serait due aux doctrines judéo-chrétiennes.
1971.
Organisation par le Centre Catholique des Intellectuels Français d’une série de débats sur le thème « La Nature, problème politique. Sommes-nous des apprentis sorciers ? » (Recherches et Débats. n°72. Septembre 1971. Desclée de Bouwer) Y participent : Jean Dorst, professeur au Museum, vice-président de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature ; Dominique Dubarle, Doyen de la Faculté de Philosophie de l’Institut Catholique de Paris, ; Paul Gardent, Directeur Général des Charbonnages de France ; Paul Germain, Professeur à l’Université Paris VI (Mécanique), président de l’Union Catholique des Scientifiques Français (U.C.S.F.) ; Philippe d’Harcourt, Maître-assistant de philosophie à l’Université de Nantes ; Philippe Roqueplo, Maître de Conférences à l’Institut Catholique de Paris, conseiller ecclésiastique de l’U.C.S.F. ; André Astier, Sous-Directeur du laboratoire de physique nucléaire au Collège de France ; Robert Bourdu, Professeur à l’Université d’Orsay (Biologie) ; Bernard Cagnac, Professeur à l’Université Paris VI (Physique), secrétaire général de l’U.C.S.F ; Norbert Grelet, Professeur à l’Université d’Orléans (Biologie) ; Jean Massoulié, Chargé de recherche au CNRS ; Mlle Morati, Professeur de Philosophie ; Marcel Rouault, Professeur à l’Université d’Orsay (Physique), Odette Thibault, Docteur ès sciences naturelles, Père Georges Thill, Université de Louvain ( Physique) et Odette Tonnelat, Professeur à l’Université Paris VI (Physique théorique).
Il n’est pas possible en quelques lignes de résumer des débats qui ont porté tout autant sur l’évolution des rapports philosophiques des hommes avec le reste du monde vivant que sur le réchauffement climatique, l’usage, sans chercher à en mesurer les effets à long terme des biocides, les pollutions multiples, des pratiques agricoles et forestières peu soucieuses de la possibilité de renouvellement des ressources, l’érosion de la diversité biologique, la démographie, les rapports de la science et du pouvoir, etc.
L’on retiendra quelques passages de la conclusion. :
« La terre est limitée ; notre monde se ferme ; il devient sinon totalement contrôlé, de moins de plus en plus occupé ; les marges disparaissent et ceci ouvre une période critique pour l’histoire des hommes. ».
« Cette totale nouveauté impose aux hommes un changement radical d’attitude afin qu’ils ne détruisent pas le milieu qui a permis l’émergence et le développement de leur espèce, ce milieu dont ils font partie mais qu’ils peuvent améliorer ou détruire. Au stade actuel du développement des sciences et des techniques, on peut discuter à l’infini pour savoir si ce milieu doit être déclaré naturel ou artificiel. La question est, certes, d’importance. Mais quoi qu’il en soit de ce débat théorique, une conclusion s’impose : la responsabilité des hommes vis-à-vis de leurs frères actuels ou à venir, implique une responsabilité « écologique » vis-à-vis de leur milieu de vie. La « nature » est devenue un problème politique en ce sens précis que l’avenir de la société des hommes dépend pour une grande part d’un avenir de la nature qui dépend lui-même des pratiques dont les hommes sont responsables. »
« La foi chrétienne est-elle susceptible d’introduire au cœur de cette responsabilité nouvelle une lumière qui oriente efficacement les uns et les autres dans une direction qui puisse être reconnue comme celle d’un authentique progrès ? C’est une question sur laquelle les chrétiens ont à s’interroger. ».
Aux termes du colloque le Père Roqueplo proposera quatre domaines « où l’action devrait, à la longue, s’avérer efficace :
1.-Celui de la natalité. L’Église catholique semble n’envisager la procréation que dans le cadre de la « morale conjugale », sans suffisamment considérer le problème démographique.
2.-La conception de la nature. Il s’agit de contester la conception qui fait de la nature un gigantesque gisement sauvagement exploitable sans autre fin ni règle que la hausse des niveaux de vie, la concurrence et la recherche du profit.
3.-Le mythe de l’expansion. Dans une planète limitée une expansion permanente et incontrôlée ne peut s’y produire qu’aux dépens des générations futures.
4.- Les sciences et les techniques n’assurent pas aux hommes un progrès automatique. Il semble qu’ici la crise actuelle conduise à deux positions extrêmes : certains constatant les contradictions d’une société qui prétend se fonder sur la généralisation des méthodes scientifiques, en viennent à dénoncer les sciences et les techniques ; d’autres nourrissent l’espoir que les sciences et les techniques sauront indéfiniment résoudre les problèmes qu’elles ont elles-mêmes suscités.
La même année, le 11 décembre, le Cardinal Jean-Marie Villot, préfet de la Congrégation du clergé, Secrétaire d’État au Vatican, dans une lettre adressée à l’Union des juristes catholiques d’Italie qui tiennent congrès sur le thème de l’environnement écrit : « Si cette nature est offerte à l‘homme pour qu’il en use et en jouisse, ne devra-t-on pas dire que par droit de nature et d’appartenance s’applique à elle cette exigence primordiale de justice que la civilisation juridique la plus ancienne a déjà exprimée dans la formule classique : « Primum non laedere ». D’abord ne pas nuire ? N’est-il pas vrai que tout dommage excessif, toute atteinte indue portée à la création indirectement est un affront au Créateur ? »
1972
Homélie de Maurice Zundel, le 2 avril, lors de la Semaine sainte, à Beyrouth.
« Dans ce résumé du récit de la résurrection attribué à Saint Marc, bien qu’il soit l’appendice de son Évangile, il y a une parole assez unique : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16,15). C’est le seul évangéliste, sauf erreur, qui formule la consigne de Jésus en demandant d’évangéliser non seulement les hommes, mais aussi toute la création, ce qui implique les animaux, les végétaux, les minéraux, ce qui implique toute l’histoire et finalement tout l’univers.
Ce tout petit mot correspond à celui que saint Paul adresse aux Romains (Rm 8,21-22) : « Toute la création gémit dans les douleurs de l’enfantement. » Toute la création attend, « soumise à la vanité » malgré elle, comme elle l’est en effet, et « attend la révélation de la gloire des enfants de Dieu » (…)
Cette vue synthétique qui rassemble dans une seule vocation l’homme et l’univers est infiniment précieuse parce qu’elle nous donne une vue d’ensemble du plan de Dieu. La liberté divine qui éclate au cœur de la Trinité, qui est le sens même de Jésus créateur, veut se répandre à travers les créatures sur toute la création.
(…)
Il y a donc une vocation spirituelle de l’univers, que la science, à sa manière, accomplit, que l’âme aussi, bien sûr, avant la science, s’applique à réaliser. Mais si à travers le spectacle de la nature, les artistes, en cherchant à l’exprimer, n’ont pas cessé d’enrichir le musée de nos émerveillements, c’est à travers la nature, eux aussi, à leur manière, sous l’aspect de la beauté, ont rencontré dans l’univers une présence qu’ils n’ont jamais cessé de nous rendre sensible, puisque l’œuvre d’art, c’est comme le sacrement de la beauté, qui contient la suggestion et la communication d’une présence.
(…)
Il y a donc déjà, dans l’expérience humaine, une anticipation de cette consigne rapportée par saint Marc: « Allez dans le monde entier, proclamez l’évangile à toute la création » (Mc 16,15). Cela nous ouvre sur le contact avec l’univers et nous engage à un respect infini de toute créature, puisqu’à travers toute la création circulent la pensée et l’amour de Dieu.
(…)
Il y a dans le Christ une sacralisation de l’univers qui correspond à la plus profonde expérience humaine et qui nous appelle nous-mêmes à entrer dans cette transfiguration, à y collaborer en faisant chanter toutes les fleurs, comme le dit la messe du Rosaire : « Fleurs, fleurissez et donnez du parfum, offrez la grâce de votre feuillage et la louange de votre cantique, et, dans toutes ses œuvres, bénissez le Seigneur » (Si 39,14) .
La joie pascale est donc une joie qui veut se répandre dans tout l’univers. Et ce n’est pas seulement l’homme qui doit devenir alléluia des pieds à la tête, c’est tout l’univers. »
(Vie, mort et résurrection. Homélies de Maurice Zundel. Anne Sigier-Mediaspaul 1995).
A la place de « toute la création » la TOB (édition 1998) utilise les termes « toutes les créatures ». C’est d ‘ailleurs le sens de l’inscription qui figure sur l’arc surplombant l’autel de l’église Saint François-Xavier, à Paris : « Venite ad me omnes euntes praedicate evangelium omni creaturae ». Il faut signaler que les traducteurs de la Bible de l’Alliance biblique universelle (1997) manifestement peu à l’aise avec le vivant traduisaient de manière réductrice et anthropocentriste par « tous les êtres humains ». Et pourtant, dans la Genèse (Genèse 9, 2 et 9) le Créateur fait alliance avec la descendance de Noë et « tous les êtres vivants ».
Extraits du message de Paul VI à Maurice Strong, secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, lu lors de l’ouverture de la conférence, à Stockholm, le 5 juin : « Comment ignorer les déséquilibres provoqués dans la biosphère par l’exploitation désordonnée des réserves physiques de la planète, même dans le but de produire de l’utile, comme le gaspillage des ressources naturelles non renouvelables ; les pollutions du sol, de l’eau, de l’air et de l’espace avec leurs atteintes à la vie végétale et animale ? (…) Mais toutes les mesures techniques demeureraient inefficaces si ne les accompagnait une prise de conscience de la nécessité d’un changement radical des mentalités. C’est à la lucidité et au courage que tous se trouvent appelés. (…) Nul ne peut s’approprier de façon absolue et égoïste le milieu ambiant qui n’est pas une « res nullius » – la propriété de personne-, mais la « res omnium » – un patrimoine de l’humanité. »
1975
Dossier n° 9 de la revue Aujourd’hui. Tome III. Les chrétiens et la gestion du monde. Articles de J. Carlier, directeur des informations de RTL : « J’aime François d’Assise » ; J. Hug, sj. « Genèse I et limites de la croissance » ; Professeur Visser’t Hooft, président d’honneur du Conseil œcuménique des Églises « L’homme et la création » ; D. Dubarle, ancien doyen de la faculté de Philosophie de l’Institut catholique de Paris, « Question de vie ou de mort » ; A. Dumas, doyen de la faculté de Théologie protestante de Paris, « Morale pour le temps présent ». D. Dubarle écrit alors : « L’homme créé à l’image de Dieu souligne une proximité privilégiée de l’homme vis-à-vis de Dieu et non pas une position de domination sur le monde » (…) « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre » est l’objet d’une bénédiction et non d’un ordre » (…) « Trois siècles durant, nous avons agi à l’égard de la nature comme à l’égard d’un matériau ; nous nous en sommes rendus brutalement maîtres et possesseurs. Nous ne pouvons plus entretenir pareille habitude despotique et, somme toute infantile ».
1978
16 octobre. Élection du Pape Jean-Paul II.
Le 29 novembre 1979, Proclamation, par Jean-Paul II de « Saint François, patron devant Dieu de tous ceux qui font la promotion de l’écologie »
Tout au long de son pontificat Jean-Paul II interviendra avec vigueur sur la question écologique. On retiendra tout particulièrement son message du 1er janvier 1990 à l’occasion de la journée mondiale de la Paix : « La Paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création »
« Face à la dégradation générale de l’environnement (…) on assiste ainsi à la formation d’une conscience écologique qu’il ne faut pas freiner mais favoriser, en sorte qu’elle se développe. » (…) « Les réflexions bibliques mettent mieux en lumière le rapport entre l’agir humain et l’intégrité de la création. Lorsqu’il s’écarte du dessein de Dieu créateur, l’homme provoque un désordre qui se répercute inévitablement sur le reste de la création. » (…) « Certains éléments de la crise écologique actuelle font apparaître à l’évidence son caractère moral. Il faut y inscrire en premier l’application sans discernement des progrès scientifiques et technologiques. (…) Pour aucune intervention dans un domaine de l’écosystème on ne peut se dispenser de prendre en considération ses conséquences dans d’autres domaines et, en général, pour le bien être des générations à venir. » (…) « Des équilibres écologiques délicats sont bouleversés par une destruction incontrôlée des espèces animales et végétales ou par une exploitation imprudente des ressources ; et tout cela, il faut le rappeler, ne tourne pas à l’avantage de l’humanité, même si on le fait au nom du progrès et du bien-être. » (…) « On n’est peut-être pas encore en mesure d’évaluer les troubles provoqués dans la nature par des manipulations génétiques menées sans discernement et par le développement inconsidéré d’espèces nouvelles de plantes et de nouvelles formes de vie animale, pour ne rien dire des interventions inacceptables à l’origine même de la vie humaine » (…) « La société actuelle ne trouvera pas de solution au problème écologique si elle ne révise sérieusement son style de vie. En beaucoup d’endroits du monde, elle est portée à l’hédonisme et à la consommation, et elle reste indifférente aux dommages qui en découlent. Comme je l’ai déjà fait observer, la gravité de la crise écologique révèle la profondeur de la crise morale de l’homme. Si le sens de la valeur de la personne et de la vie humaine fait défaut, on se désintéresse aussi d’autrui et de la terre. L’austérité, la tempérance, la discipline et l’esprit de sacrifice doivent marquer la vie de chaque jour, afin que tous ne soient pas contraints de subir les conséquences négatives de l’incurie d’un petit nombre. (…)« On ne peut négliger, enfin, la valeur esthétique de la création. Le contact avec la nature, par lui-même, est profondément régénérateur, de même que la contemplation de sa splendeur donne paix et sérénité. La Bible parle souvent de la bonté et de la beauté de la création appelée à rendre gloire à Dieu. (…)« Le problème écologique a pris aujourd’hui de telles dimensions qu’il engage la responsabilité de tous .(…) « Les chrétiens, notamment savent que leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature et du Créateur font partie intégrante de leur foi. C’est pourquoi, ils sont conscients du vaste domaine de collaboration œcuménique et interreligieuse qui s’ouvre devant eux ».
Dans ce message, Jean-Paul II n’oublie pas l’urgence d’une solidarité nouvelle entre pays à des niveaux de développement différents. Il insiste, comme le fera plus tard le Pape François, sur le nécessaire lien entre la défense de l’environnement et la lutte contre la pauvreté. « L’on ne parviendra pas à un juste équilibre écologique si l’on ne s’attaque pas directement aux formes structurelles de la pauvreté existant dans le monde » écrit-il.
1990
8-9 septembre. Colloque pluridisciplinaire « Sauvegarde et gérance de la Création » organisé, à Paris, par Pax Christi. Interviendront théologiens, philosophes, écologues, médecins, économistes, enseignants, élus, etc. L’essentiel des communications sera rassemblé dans l’ouvrage « Sauvegarde et gérance de la Création » publié en 1991 (Desclée) sous la direction de René Coste et Jean-Pierre Ribaut.
1991
8 mars, à Paris, réunion constitutive de la Commission nationale de la sauvegarde et gérance de la Création à l’initiative de René Coste, prêtre de Saint-Sulpice, professeur de théologie sociale à la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Toulouse, Antoine Tran Van Toan, professeur de philosophie à la Faculté libre des Lettres de Lille et Jean-Pierre Ribaut, chef de la Division de la Protection et de la Gestion de l’environnement du Conseil de l’Europe.
Cette commission deviendra, en 2002, l’Antenne Environnement et Modes de Vie de la Conférence des Évêques de France. Elle va multiplier les réunions œcuméniques ou interconfessionnelles pour mobiliser notamment un peuple chrétien plutôt réservé sur la question écologique :
- Les nouveaux horizons de l’écologie » dans le sillage de Rio (Paris, 1992)
- Influence de notre mode de vie sur l’environnement (Paris,1994)
- Écologie, éthique et spiritualité (Klingenthal, 1995)
- Pour nous réconcilier avec la création, nous convertir au Dieu créateur (Chantilly,1996).
- Développement durable et nouveaux modes de vie, un défi pour nos sociétés (Chantilly, 1998)
- Cultures et spiritualités (Klingenthal, 1998)
- Éthique pour un consommateur citoyen et solidaire (Paris, 2000)
- L’animal et la faune : de la vache folle … aux espèces menacées (Klingenthal, 2001)
Etc.
J’insisterai tout particulièrement sur la réunion de Klingenthal de 1995, patronnée par le Conseil de l’Europe et Yehudi Menuhin où se retrouvèrent animiste, bahaï, bouddhiste, catholique, juif, hindouiste, musulman, protestant, shintoïste, franc-maçon et représentants de divers « peuples premiers » (aborigènes d’Australie, africain, amérindiens, lapon, etc.). Elle donnera lieu à l’Appel de Klingenthal alertant sur la dégradation des écosystèmes, la surexploitation des ressources naturelles, l’érosion des sols, le réchauffement de la planète, les conflits armés et le sort des « populations locales » atteintes dans leurs conditions de vie … et demandant le développement de spiritualités soucieuses de la sauvegarde de la planète et de ses habitants.
A côté de ce travail, la Commission puis l’Antenne s’emploieront à réaliser des fiches techniques destinées aux évêques de France sur des sujets d’actualité « écologique » par exemple : Environnement, développement durable et modes de vie. Principe de précaution. Les marées vertes. Effet de serre et changement climatique. Biodiversité : crise, et réponses de la société : biodiversité : valeurs et respect du vivant. etc.
De plus, en partenariat avec divers mouvements de jeunesse et publications (8 en 2005, 24 en 2013) l’Antenne lancera diverses campagnes visant à développer une sobriété heureuse : Noël autrement, Bonne nouvelle pour la terre (2005), Vivre l’été autrement (2006), Mille manières de donner. Noël (2006), Heureux ceux qui se déplacent autrement (2007), Goûter Noël autrement (2007), Prendre le temps (2008), Ne prenons pas la terre pour une gourde (2009), Ne prenons pas la terre pour une dinde (2009). Donnons des vacances à la terre (2010). Offrons-nous un avenir (2010),
Etc.
De tout ceci, il n’est curieusement pas question dans Églises et écologie. De même est-il étonnant de constater l’omission d’ouvrages qui ont accompagné la longue marche vers un discours écologique du monde catholique, par exemple :
– A . Ganoczy. Théologie de la nature. Desclée.1988.
– R. Coste. Paix, Justice, Gérance de la Création. Nouvelle cité. 1989.
– R. Coste & J-P. Ribaut. Sauvegarde et gérance de la Création. Desclée.1991.
– Y. Saoût. Dialogue avec la terre. Les Éditions de l’Atelier. 1994.
– A. Hari L’écologie, la Bible, l’eau, les animaux, les humains. Les Éditions de l’Atelier. 1995
– J-P. Ribaut & M-J. Del Rey. L’usufruit de la terre. Fondation C.L. Mayer. 1997
– Commission sociale des Évêques de France. Le respect de la création. Bayard/Centurion/Fleurus-Mame. 2000.
– J. Arnould. L’Église et l‘histoire de la nature. Cerf. 2000.
– E. Lafont & N. Bouttier. Le Jubilé en actes. Les éditions de l’atelier-CCFD.2000.
– M. Stenger (ed). Planète vie-Planète mort. L’heure des choix. Cerf . 2005.
– D. Lang. L’Église et la question écologique. Arsis.2008.
Etc.
Il apparaît donc que la réalité d’une « Révolution à reculons » mériterait d’être nuancée.
Il est un point que les auteurs d’Églises et écologie, n’abordent pas lorsqu’ils traitent de l’espace francophone et notamment de la France, c’est celui de la presse catholique et de son peu d’appétence pour le lien entre question écologique et religion. Je citerai quatre exemples :
– Dans le numéro de « Fêtes et Saisons » (Cerf) de 2003 « Merci Jean-Paul II. Célébrons vingt-cinq années de pontificat ». Il n’y a pas un mot sur le message « écologique » d’un pape qui pourtant, tout au long de son pontificat, est intervenu sur l’écologie, au sens large : l’environnement mais aussi sur la lutte contre les « formes structurelles de la pauvreté ».
– Lors du décès de Jean-Paul II, en 2005. Dans les articles et n° spéciaux qui seront consacrés à Jean-Paul II, par le quotidien La Croix et les hebdomadaires La Vie et Télérama, silence sera fait sur son rôle majeur dans la prise de conscience « écologique » de l’Église. La Croix refusera de publier un court texte envoyé par l’Antenne Environnement et modes de vie rappelant l’implication forte du pape polonais dans cette prise de conscience.
L’on se serait quand même attendu à un traitement plus honnête intellectuellement de publications qui, ensuite, ne tariront pas d’éloges, à juste titre, lors de la belle encyclique Laudato si’ du Pape François
Jean-Pierre Raffin*
Co-fondateur de l’enseignement de l’Écologie à l’Université Paris7-Denis-Diderot (1970). Co-fondateur du DESS, Espace & Milieux de l’Université Paris 7-Denis-Diderot (1983). Ancien président du Conseil scientifique du Parc national des Écrins.
[1] Voir cf. Bourg D. et Roch Ph. (ss. dir.), Crise écologique et crises des valeurs, Labor et Fides, Genève, 2010 & Eslin J-C. in Dictionnaire de la pensée écologique. Bourg D. et Papaux A. (ss. dir.), Puf 2015 et, pour le texte de Lynn White, Les Racines historiques de notre crise écologique, Puf, 2019.