Objectifs et modalités du Forum
Nous avons décidé de rendre accessible ici les suites pratiques de la tribune (« Un ‘Grenelle du Covid-19′ pour préfigurer la société d’après l’épidémie ») publiée par le journal Le Monde le 31 mars dernier (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/31/un-grenelle-du-covid-19-pour-prefigurer-la-societe-d-apres-l-epidemie_6034985_3232.html). Depuis lors, les deux idées essentielles de ce papier, un Grenelle du Covid-19 pour mettre en forme la sortie à moyen terme du confinement, et une mobilisation de la société civile organisée pour la sortie à court terme et la mise au point de gestes-barrière appropriés par les citoyens, ont connu des suites favorables. Le Grenelle a été repris par Yannick Jadot d’EELV. Le volet pratique se diffuse et connaît des réappropriations diverses. C’est pourquoi il nous paraît opportun de publier cette suite pratique qui précise aussi l’idée d’une voie prophylactique originale.
NDLR
Il est peu probable que le COVID-19 disparaisse dans un futur proche. Un hypothétique traitement et des tests à large échelle sont essentiels mais ne peuvent seuls empêcher des résurgences épidémiques. Les modèles épidémiologiques qui suggèrent d’étaler l’épidémie envisagent pour la plupart deux scenarios : des alternances de périodes de confinement liées aux réémergences du virus, ou le maintien sur une longue période de mesure prophylactiques[1]. La prophylaxie, qui vise à limiter la transmission des agents infectieux, est, avec le diagnostic et le traitement, un des trois piliers du contrôle des épidémies. C’est la prophylaxie qui justifie aujourd’hui le large confinement que nous vivons. Le contrôle de certaines maladies connues depuis des décennies repose largement sur les actions prophylactiques ciblées : le HIV est contenu en occident grâce à l’usage du préservatif, le paludisme est combattu en Afrique au moyen de simples moustiquaires.
La prophylaxie est indispensable, mais ses modalités actuelles sont intenables. A court et long terme, nous avons besoin de mesures alternatives qui minimisent à la fois la transmission virale et les coûts économiques et sociaux de cette lutte. Il s’agit donc d’apprendre à vivre avec le Covid-19 maintenant. Notons que la prophylaxie, si elle est suffisamment efficace, peut empêcher les résurgences de la maladie : il faudrait pour cela que chaque personne infectée transmette le virus à moins d’une autre personne en moyenne (Rt < 1). Affiner les mesures prophylactiques pour chaque secteur de la vie – privilégier les bons gestes-barrière au bon moment, éviter les contacts à risque en autorisant ceux moins dangereux et libérer la population des mesures plus coûteuses qu’efficaces – tel est le défi que nous souhaitons relever.
Ces propositions élaborées par cinq personnes[2] sur la base d’échanges avec des acteurs de la concertation citoyenne expriment un point de vue forcément partiel, fondé sur leur propre retour d’expérience. Elles n’ont d’autre ambition que d’être un point de départ à la co-construction d’un agenda de mesures concrètes. Ce document a donc vocation à être enrichi par les autres acteurs de la société civile qui prennent part à ce processus (voir en annexe 1 la liste des contributeurs et des manifestations d’intérêt).
OBJECTIFS ET PRINCIPE ESSENTIEL
L’objectif premier de ce forum est de formuler des solutions pratiques pour une reprise des activités tout en maintenant un contrôle efficace de la transmission du virus. Se focaliser sur maintenant pour préparer le futur proche en exploitant l’intelligence collective. Dans un deuxième temps, non développé ici, les nombreux appels à inventer la société de demain pourront se nourrir des outils et de l’esprit de cette concertation.
Pour construire la prophylaxie et la sortie de confinement, notre principe essentiel est la mobilisation des organisations porteuses d’enjeux au sein de la société civile (Associations, ONGs, Syndicats, Fédérations, Experts) aux côtés de pôles d’expertise. Cette mobilisation a un double bénéfice :
- un gain de légitimité car des recommandations issues de divers groupes représentants la société civile et de pôles d’expertise sont plus robustes ;
- un gain d’efficacité opérationnelle grâce à des solutions pratiques issues du terrain et donc ayant plus de chances d’être suivies.
SORTIR DU CONFINEMENT – LES MODALITES DE LA CONCERTATION
Un objectif clair et partagé : produire d’ici quelques semaines des propositions assorties de recommandations opérationnelles pour contrôler la transmission du virus, tout en permettant des conditions de vie et de travail optimales.
- Une structuration par secteurs économiques et sociaux : pour chaque secteur (p. ex. agriculture, éducation, artisanat…) un groupe dédié travaille à faire des propositions concrètes. Les différents secteurs restent à définir, les fiches gouvernementales peuvent servir de base pour cela. Chaque pôle ou groupe dédié est composé et animé par des organisations autosaisies.
- Des pôles d’expertise transversaux : médecine et épidémiologie, psychologie et société, économie, éthique, administration et règlementation. Ces groupes d’experts conseillent les pôles sectoriels et sont interpellés par ceux-ci.
Une méthode commune : pour guider et accélérer l’action, des questions précises et pratiques seront posées aux participants des groupes sectoriels (voir échantillon de questions en annexe 2). Pour chaque solution envisagée, l’efficacité sanitaire et les conséquences économiques et sociales sont évaluées (voir schéma ci-dessous).
- Une double concertation : les organisations participantes auront pour responsabilité de mobiliser leurs bases pour assurer la remontée de questions et solutions issues du terrain.
- Des recommandations par secteur : chaque groupe sectoriel produit une fiche pratique synthétisant ses recommandations d’action et d’organisation. Elles seront accompagnées d’indications de mesures gouvernementales financières et légales complémentaires.
- Expliciter les choix et enjeux : les groupes sectoriels et les pôles d’experts devront systématiquement expliciter les enjeux sociaux, économiques et politiques de leurs propositions techniques et organisationnelles. Ce travail d’explicitation importe pour faciliter les choix éthiques et les arbitrages politiques.
MOYENS NÉCESSAIRES
Moyens d’animation : le forum virtuel a recours aux outils numériques existants de démocratie participative avec l’aide d’associations impliquées dans ce domaine. Une équipe de coordination et des animateurs compétents sont déjà mobilisables.
Transparence : les échanges et débats utiliseront systématiquement les systèmes informatiques dédiés, les documents et visio-conférences seront tous disponibles sur internet.
Couverture médiatique : les propositions comme les enjeux et questionnements soulevés devront être largement médiatisés afin que la société dans son ensemble puisse se positionner sur des bases pluralistes.
Conflits d’intérêt : les participants des groupes sectoriels représentent bien sûr leurs intérêts propres. Néanmoins, aucun manquement à la déclaration de conflits d’intérêt ne sera admis.
Cadre légal : à définir. Il doit être compatible avec la courte échéance (=semaines)
Annexe 1 – Contributeurs et manifestations d’intérêt
Ils et elles ont contribué à cette réflexion
Association Sciences Citoyennes
Bensaude-Vincent Bernadette, Philosophe des sciences et technosciences, Professeure émérite Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
Bourg Dominique, Philosophe, Professeur honoraire Université de Lausanne, membre du Comité scientifique de la Fondation Nicolas Hulot, président du Conseil scientifique de la Fondation Zoein (Genève)
Collet Xavier, Consultant indépendant Environnement Social Gouvernance (ESG)
Deblais Christelle, Ingénieure Environnement et Développement Durable
Fellous Simon, Ecologue et évolutionniste, INRAE
Gallet Romain, Membre de la liste citoyenne Nous Sommes Montpellier
Hannachi Mourad, Chargé de Recherche en sciences de gestion, INRAE
Jacomond Vincent, Educateur spécialisé, Les Petits Frères des Pauvres
Loiseau Albane, Consultante en Responsabilité Sociétale des Entreprises, EKORES
Pac Cyrille, Journaliste rédacteur
Rampal Yannick, Dirigeant d’entreprise Groupe AMF, mandataire CPME (CARSAT PACAC), mandataire MEDEF (observatoire dialogue social Corse du Sud, Conseil de perfectionnement du CFAIM)
Ronchin Antoine, Rédacteur et sociologue
Tétaz Nadège, Consultante digital
Ils et elles ont manifesté leur intérêt
Abel Jean-David, Formateur Environnement et Développement Durable, Vice-Président France Nature Environnement (FNE), Membre du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE)
Badré Michel, Ingénieur, Administrateur Humanité & Biodiversité, Président de la commission des aires protégées de l’UICN France, vice-président du comité d’éthique conjoint INRA-CIRAD-IFREMER, vice-Président du CESE
Botbol-Baum Mylène, Professeure de philosophie et bioéthique, Responsable du centre HELESI, membre du Comité d’éthique de l’INSERM
Dorothée Browayes, journaliste scientifique, fondatrice de BIORESP
Buton François, Directeur de recherche en science politique, CNRS
Cerf Marianne, Directrice de recherche Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (LISIS), INRAE
Chevassus-au-Louis Bernard, Biologiste écologue, Professeur agrégé de sciences naturelles, Président Humanité & Biodiversité
Chneiweiss Hervé, Neurobiologiste et neurologue, Directeur de recherche au CNRS, Président du Comité d’éthique de l’INSERM
Féderation Nationale des Producteurs de Fruits (FNPF)
Grimfeld Alain, Médecin, Professeur honoraire, Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, Président du Comité de la prévention et de la précaution, Président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique
Morand Serge, Ecologue de la santé, CNRS et CIRAD
Paturel Dominique, Docteur en sciences de gestion, INRAE
Society for Organizational Learning (SOL) France
Trouvé Aurélie, Docteur en sciences économiques, maître de conférences à Agro Paris Tech, co-Présidente d’Attac France
Worms Frédéric, Philosophe, Professeur, directeur-adjoint de l’École Normale Supérieure, membre du Conseil Consultatif National d’Éthique.
[1] Cela se comprend intuitivement : si nous stabilisons le nombre de personnes infectées grâce aux mesures prophylactiques actuelles, chaque personne porteuse du virus le transmet à une seule autre personne au bout d’une semaine environ. En supposant arbitrairement 1 million de personnes porteuses du virus aujourd’hui en France, il faudrait 30-50 semaines pour attendre le seuil de protection de l’immunité de groupe. Ce raisonnement simpliste ne prend pas en compte l’influence progressive de l’immunité de groupe, qui réduit la transmission et sa vitesse, ni de possible mutations qui contourneraient l’immunité, comme c’est le cas pour la grippe chaque année.
[2] Albane Loiseau, consultante en Responsabilité Sociétale des Entreprises ; Simon Fellous, chercheur en écologie des parasites, INRAE ; Bernadette Bensaude-Vincent, professeure émérite Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Dominique Bourg, professeur honoraire, Université de Lausanne ; Mourad Hannachi, sociologue, INRAE.