Nous publions ici le communiqué de presse envoyé par Christian Huglo à propos du projet de loi sur l’« accélération et simplification de l’action publique » qui poursuit le détricotage de la protection de l’environnement en France initié par le gouvernement Macron depuis son accès au pouvoir (https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/25/en-france-on-assiste-a-une-regression-continue-du-droit-de-l-environnement_5481023_3232.html ). D.Bourg
A l’initiative de Christian Huglo, avocat à la cour, docteur en droit, vingt-trois experts du droit de l’environnement ont alerté l’ensemble des parlementaires sur les risques encourus en matière de santé environnement, en approuvant le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP).
La transition énergétique ne peut réussir sans assurer intégralement le maintien des éléments fondamentaux qui ont construit pendant quarante ans, le droit de l’environnement, gardien de la santé publique. Or ce projet de loi, adopté au Sénat le 5 mars dernier, vise dans ses articles 21 à 28 à l’anéantir dans toutes ses composantes.
Ci-dessous le texte transmis aux députés et sénateurs, ainsi que la liste des signataires.
Pourquoi il ne faut surtout pas voter en l’état les articles 21 à 28 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
Le projet de loi intitulé « Projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique » ECOX 1935 404 L comporte bon nombre d’articles qui affaiblissent si ce n’est détruisent dans sa lettre comme dans son esprit le droit de l’environnement. Il s’agit des articles 21 à 28 de ce texte.
Il est indispensable de souligner en préambule que si ces textes sont adoptés, ils iront droit à l’encontre des orientations prises par nos juridictions suprêmes et également à l’encontre de la jurisprudence tant de la Cour de justice de l’Union européenne que de celle de la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne les principes de prévention et de participation : la réforme législative ne résistera pas à l’application des droits fondamentaux elle est donc vaine et sans avenir !
En dehors des mesures les plus critiquables qui figurent aux articles 21 à 28, on citera les dispositions de l’article 12 qui suppriment la Commission nationale d’évaluation des charges de démantèlement des centrales nucléaires… Ce qui est bien regrettable en termes d’efficacité et d’économie.
Selon l’article 21 du projet de loi, le simple fait que les dossiers d’installations classées seraient en cours d’instruction permettrait de les considérer comme équivalant à des installations existantes autorisées. Grâce à ce subterfuge, elles pourraient alors bénéficier d’une sorte de droit acquis : le but de cette disposition est que les nouvelles normes susceptibles d’être édictées au moment de la délivrance de l’autorisation ne devraient pas s’appliquer, ce qui est contraire au principe fondamental de légalité lequel impose que la légalité d’une décision soit appréciée à la date de signature de la décision d’autorisation : d’évidence le simple fait de déposer un dossier d’autorisation ne peut pas créer de droit acquis.
Le pire vient ici : dans le même esprit, l’article 26 permettra au Préfet d’autoriser la réalisation de travaux d’installation d’une entreprise par anticipation à la délivrance de l’autorisation environnementale, ce à la double condition que le permis de construire soit délivré et que l’enquête publique ait été réalisée. C’est encore ici la consécration du fait accompli, et de plus la consécration de l’inefficience du recours au juge.
Les dispositions de l’article 22 du projet de loi rendraient le droit de l’archéologie préventive applicable dès la réception du dossier de demande d’autorisation, ce qui paralysera l’effectivité de ce service.
Selon le droit positif actuel de la prévention, les études d’impact écologiques indispensables pour limiter les importantes conséquences d’un grand projet sur l’environnement restent révisables au regard de nouvelles données qui peuvent être rassemblées une fois l’autorisation délivrée. Or, selon le texte de l’article 23 du projet de loi, l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra être donné qu’une seule fois et ne saurait donc être réactualisé suivant l’évolution du dossier…
L’article 24 fait disparaître, pour les installations classées et les canalisations, la procédure de consultation du Conseil de l’Environnement et des Risques sanitaires et technologiques (CODERST). Celle-ci sera donc facultative au bon gré du Préfet. Pour les carrières et les éoliennes, la Commission départementale de la nature des paysages et sites (CDNPS) en fonction ne serait plus consultée, qu’en fonction des enjeux et de la sensibilité du milieu, une telle opportunité étant également laissée à la seule appréciation du Préfet. Le contentieux s’y développera immanquablement et réduira à néant la « simplification » voulue par le gouvernement.
Quant à l’article 25, il donne le pouvoir au Préfet d’adapter la procédure de consultation du public pour les projets non soumis à évaluation et d’opter pour une enquête publique réduite à 15 jours ou une consultation par voie électronique, en lieu et place de la consultation du public réalisé sous le contrôle de commissaires-enquêteurs depuis la loi Bouchardeau de 1983.
Seule disposition à figurer de façon positive, l’article 27 implique, en fin d’exploitation d’une installation classée, la consultation et l’intervention obligatoire d’un bureau d’étude certifié. Le système pourrait être étendu aux installations soumises à déclaration.
La perspective qui anime les auteurs d’un tel projet consiste bien à supprimer les mécanismes et contrôles actuels permettant la prévention des atteintes à l’environnement.
Alors que le président Macron entend faire de l’écologie une nouvelle priorité de son quinquennat, le droit de l’environnement, tel qu’établi patiemment ces 40 dernières années, devrait être son meilleur allié. Peut-on favoriser une transition écologique et sociale tout en bafouant nos principes juridiques les plus fondamentaux ?
De toute évidence, la réponse à cette interrogation ne pouvait être que négative. Il est clair que vous devez refuser de voter ces textes en l’état et bien davantage rechercher l’implication harmonieuse de la société civile et des parties prenantes dans ces débats.
Christian HUGLO
Avocat à la cour,
Docteur en droit
Liste des signataires :
- Jean-Bernard AUBY, professeur de droit public émérite de Sciences Po Paris
- Jean-Pierre BEURIER, enseignant-chercheur au centre de droit maritime et océanique (CDMO) de l’Université de Nantes
- Philippe BILLET, professeur des universités, directeur de l’Institut de droit de l’environnement
- Dominique BOURG, professeur à l’Université de Lausanne
- Marie-Pierre CAMPROUX-DUFRENE, professeure des universités en droit privé
- Isabelle DOUSSAN, directrice de Recherche INRAE, vice-présidente de la SFDE
- Alexandre FARO, avocat à la Cour
- Laurent FONBAUSTIER, professeur des universités en droit public
- Emilie GAILLARD, maître de conférences à l’Université de Caen Normandie
- Jean-Claude HELIN, professeur émérite de la Faculté de droit de Nantes
- Nathalie HERVE-FOURNEREAU, directrice de Recherche CNRS Institut de l’Ouest Droit & Europe CNRS 6262 Université de Rennes 1 – vice-présidente de la SFDE
- Christian HUGLO, avocat à la cour, docteur en droit
- Nicolas IMBERT, directeur exécutif – Green Cross France et Territoires
- Simon JOLIVET, maître de conférences en droit public
- Corinne LEPAGE, avocate à la cour, docteur en droit
- Grégoire LERAY, professeur en droit privé et sciences criminelles
- Marthe LUCAS, maître de conférences en droit public.
- Agnès MICHELOT, chercheuse en droit de l’environnement au CEJEP, Centre d’Etudes Juridiques et Politiques (Université de La Rochelle)
- Jacqueline MORAND-DEVILLER, professeur émérite en droit public
- Michel PRIEUR, professeur émérite Université de Limoges
- Judith ROCHFELD, professeur en droit privé et sciences criminelles
- François-Guy TREBULLE, professeur des universités
- Jean UNTERMAIER, professeur des universités
Contact presse :
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