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« Préparons les jours d’après l’effondrement ! »

Cinquante ans cette année 2022 après le rapport Meadows et trente ans après la conférence de Rio, Philippe Roch doute que notre civilisation puisse perdurer face, notamment, au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Mais l’ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et nouveau membre du conseil scientifique de la fondation Zoein ne baisse pas les bras. Et nous invite à préparer une transition aussi bien matérielle que spirituelle pour engendrer une nouvelle humanité.

 

L’année 2022 est l’occasion de commémorer des événements majeurs dans l’histoire de l’écologie planétaire : il y a 50 ans, le club de Rome, un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes et des industriels, publiait un document sur les limites de la croissance, aussi connu sous le nom de ses deux principaux auteurs, le rapport Meadows. Il s’agissait de la première étude d’envergure mettant en lumière les dangers pour l’environnement, donc pour l’humanité, de la croissance économique et démographique mondiale. Également en 1972, la Conférence des Nations Unies pour l’environnement amorçait, dans sa Déclaration de Stockolm, un dialogue entre pays industrialisés et en développement sur le lien entre croissance économique, pollution et bien-être des peuples de notre planète. C’est cette conférence qui a créé le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement.

Vingt ans après, en 1992, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, à Rio de Janeiro, adoptait une déclaration non contraignante qui visait à faire progresser le concept des droits et des devoirs des pays dans le domaine de l’environnement. Philippe Roch, qui venait d’être nommé directeur de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage, avec le titre de Secrétaire d’État, représentait la Suisse à ce grand rassemblement qualifié de Sommet de la Terre.

Que reste-t-il aujourd’hui de ces déclarations historiques et de celles qui ont suivi depuis trente ans ? Rencontré à son domicile à Russin, à l’ouest du canton de Genève dans le vallon protégé de l’Allondon – un affluent du Rhône – Philippe Roch (72 ans) lance un regard sévère sur la situation écologique de notre planète dont le climat s’emballe et la biodiversité s’effondre. Sans pour autant sombrer dans le désespoir. Bien au contraire.

Philippe Le Bé

 

 

« La transition extérieure et intérieure plutôt que la décroissance »

 

La pensée écologique : Comment voyez-vous l’évolution de notre humanité ?

Philippe Roch : Notre civilisation va s’effondrer. C’est inéluctable. Je ne vois pas comment nous pourrions encore échapper à l’éclatement des modèles économiques, juridiques et sociaux tels que nous les connaissons aujourd’hui. A n’en pas douter, ce sera extrêmement douloureux pour beaucoup d’êtres humains. Mais c’est sur les braises de cet effondrement collectif qu’une nouvelle société humaine pourra émerger. Nous en décelons déjà les prémices. Toujours plus nombreuses sont les personnes qui dénoncent les violences d’un monde ravageur et qui adoptent des modes de vie plus autonomes et plus écologiques. Ce sera le cinquième âge de l’humanité, celui d’un monde écologique animé d’une spiritualité universelle, habité par l’Esprit. Il fait suite à un monde holistique habité par les esprits, un monde rationalisé et religieux, un monde technologique désenchanté et un monde écologique matérialiste, celui dans lequel nous vivons depuis les années 1950. C’est la conclusion de l’un de mes ouvrages : « Ma spiritualité au cœur de la Nature » (Jouvence). C’est dans cette conscience d’un nouveau monde à construire que j’ai rejoint le conseil scientifique de Zoein, une fondation qui œuvre pour des projets solides et concrets, comme le revenu de transition écologique.

 

LPE : Un effondrement inéluctable, est-ce vraiment un message que l’on peut transmettre à la nouvelle génération ?

PR : Aux jeunes qui se mobilisent toujours plus, je dis : C’est juste de critiquer, de dénoncer ce qui ne tourne vraiment pas rond dans notre société, qu’il s’agisse des saccages de l’environnement ou des atteintes à la dignité humaine. Mais n’oubliez pas d’annoncer le monde nouveau que vous souhaitez ardemment. C’est votre principale tâche !

 

LPE : Quand vous représentiez la Suisse au sommet « planète Terre » de Rio en 1992, vous étiez bien favorable à la notion de développement durable…

PR : En effet, j’y croyais. Au sein de la Confédération, j’ai initié une collaboration interdépartementale et développé de nombreux contacts avec les milieux de l’économie pour définir et approfondir cette idée de développement durable. J’étais également impliqué dans un programme de formation à l’Université de Genève. Mais le soufflé est vite retombé. Selon les milieux, la définition du développement durable variait sensiblement. Ce dernier était devenu une formule creuse destinée à faire croire que l’on avait enfin pris l’écologie au sérieux. Mais, en réalité, le rouleau compresseur de la croissance économique continuait de progresser, avec son indicateur ravageur, le PIB, qui nous fait faussement croire que c’est par la croissance que l’on va résoudre la pauvreté, les inégalités et financer la protection de l’environnement. Puis, après le développement durable, est venue cette vision perverse de la croissance verte, une manière d’exploiter encore davantage les richesses de la Terre en y mettant un vernis écologique superficiel.

 

LPE : A propos du PIB, vous aimez prendre l’exemple du cerisier. Que nous montre-t-il ?

PR : En floraison au printemps, le cerisier nous offre parfums et couleurs, les abeilles et d’autres insectes viennent le visiter pour y prendre son nectar et son pollen ; l’été venu des fruits rouges font le délice des oiseaux et des humains ; puis à l’automne tombent les feuilles qui nourrissent l’humus qui grouille de vie. De cela, le PIB n’en a cure. Mais si le jardinier venu tailler les branches du cerisier tombe de son échelle, alors les frais hospitaliers, les médicaments et les coûts de l’assurance feront grimper le PIB qui demeure aujourd’hui encore la référence quasi exclusive de la richesse quantitative des pays. Cela n’a pas de sens.

 

LPE :  Êtes-vous pour la décroissance ?

PR : Une croissance continue dans un système limité est simplement absurde. Mais la décroissance à l’intérieur de notre système économique actuel met en danger d’importants acquis sociaux. Je préfère parler de transition vers une prospérité sans croissance. Mais une transition économique et écologique est vaine sans une transition intérieure qui redéfinisse nos valeurs, nos croyances et le sens de notre vie.

 

 

« Ma spiritualité est au cœur de la Nature »

 

LPE : Mon Église est la Nature, avec un grand N, écrivez-vous dans l’un de vos ouvrages. D’où vient cette passion pour la nature ?

PR : De mon enfance. Je vivais au Grand Lancy dans le canton de Genève, dans une maison familiale entourée d’arbres. A la mort prématurée de mon père, ces arbres que je chérissais et avec lesquels je parlais étaient devenus pour moi source de réconfort. Hélas, afin d’élargir la route, la commune en a coupé en grand nombre. J’avais alors dix ans. Je vécus cela comme un deuxième deuil. J’étais révolté. Deux ans plus tard, j’adhérais déjà au World Wide Fund for Nature (WWF) afin de m’engager pour défendre la nature. J’ai ensuite créé une section du WWF à Genève avant de rejoindre le WWF Suisse dont je suis devenu membre de la direction.

 

LPE : Vos parents étaient-ils très proches de la nature ?

PR : Non, pas vraiment. Fils de paysan, mon père avait fondé une agence immobilière dans les années 1930. Il était très engagé dans le catholicisme. Évêques et prêtres étaient souvent invités à la maison. Mon père a été décoré d’une médaille d’or du pape Pie XII, la Croix Pro Ecclesia et Pontifice. Quant à ma mère, elle était entièrement dévouée à sa famille de neuf enfants. J’admirais l’engagement de mon père. Mais, plus tard, au début des années 1970, quand j’ai divorcé d’un premier mariage, ce n’est pas moi qui ai quitté l’Église, c’est elle qui m’a exclu. Ce fut une grande blessure mais cette rupture avec l’Église m’a permis de me construire une spiritualité indépendante à travers ma relation à la nature vivante. Aujourd’hui, je me suis réconcilié avec toutes les religions au niveau le plus profond de leurs spiritualités. Plusieurs prêtres et pasteurs, deux cheikhs musulmans soufis, un grand rabbin juif et des moines bouddhistes sont devenus de proches amis.

 

LPE : J’imagine que la deuxième encyclique du pape François, Laudato Si’, consacrée aux questions environnementales et sociales, à l’écologie intégrale et à la sauvegarde de la Création a dû vous séduire ?

PR Je suis un grand admirateur du pape François et son encyclique est une œuvre majeure d’écospiritualité. Je regrette que l’Église catholique romaine n’ait pas encore vraiment suivi ce mouvement initié par Laudato Si’, à l’exception de quelques prêtres et théologiens de mes amis qui se sont fortement engagés sur cette voie. Il semble que les protestants soient plus rapidement enclins à prendre conscience de l’unité spirituelle de la Création

 

LPE : Que vous a encore appris le contact étroit avec la nature ?

PR : La conscience de la parenté de tous les êtres vivants m’a permis de pardonner. A moi-même pour toutes les erreurs commises dans ma vie, et aux autres, particulièrement ceux qui m’ont fait du mal, volontairement ou non. Cet effort de pardon, qui n’a pas été facile, me rend aujourd’hui plus serein, plus sage. Si vous êtes dans un tel état, toute personne en conflit avec vous deviendra plus paisible et mieux intentionnée à votre égard. Je l’ai expérimenté. Le pardon ouvre des portes magnifiques. Et, encore une fois, c’est la nature qui m’a aidé à cheminer dans cette voie.

 

« On fait souvent de l’écologie contre la nature »

 

LPE : Vous n’êtes pas toujours tendre à l’égard des écologistes. Que leur reprochez-vous ?

PR :  Je reproche à certains d’entre eux d’oublier la nature. On fait trop souvent de l’écologie contre la nature. Il y a deux ans j’ai vainement soutenu une campagne politique à Berne pour que l’on ne coupe pas une allée d’arbres centenaires afin de construire une ligne de tram. Un meilleur choix eût été de placer cette ligne sur la route, quitte à diminuer le trafic automobile. Autre exemple qui me tient à cœur, les éoliennes. Pourquoi sacrifier les derniers grands paysages naturels sur les crêtes du Jura suisse pour la production d’une énergie fort coûteuse et irrégulière, alors que l’on pourrait largement compenser une telle énergie par l’installation de panneaux solaires sur les toits ?

 

LPE : A vos yeux, toutes les énergies renouvelables ne sont donc pas bonnes à prendre pour sortir des énergies fossiles ?

PR : Les électriciens aiment bien les grosses centrales, les gros barrages. D’où leur attrait pour les grandes éoliennes. Cette nouvelle alliance entre électriciens et écologistes se fait contre la nature. II serait plus judicieux de décentraliser la production d’énergie en multipliant les panneaux photovoltaïques sur tous les toits par exemple, et non sur des pâturages, et de tout faire pour réduire notre consommation d’électricité. Comme il est bon de joindre la parole aux actes, j’ai installé il y a deux ans avec des amis des panneaux photovoltaïques sur un manège à La Chaumaz, un hameau de la commune de Russin. J’ai constaté que je produisais dix fois plus d’électricité avec cette installation que ma part de consommation dans la consommation totale suisse.

 

LPE : Avant de diriger le WWF, vous avez été membre du parlement cantonal de Genève au sein du Parti Démocrate Chrétien (PDC). On peut donc être écologiste sans être de gauche ?

PR : Assurément ! L’écologie devrait être l’affaire de toutes les tendances politiques. La cloisonner dans un seul parti comme celui des Verts qui ont récupéré beaucoup de gauchistes historiquement indifférents à l’environnement, ce n’est sans doute pas la servir. Les Vert’libéraux ? Sont-ils vraiment verts, sont-ils vraiment libéraux ? Ce serait bien mieux d’avoir une écologie politique de haute qualité à travers tous les partis.

 

« Malgré dix mille petites réussites dans la politique environnementale, la nature se porte toujours plus mal »

 

LPE : Revenons à votre parcours professionnel. Quelles sont vos plus belles réussites ?

PR : Le oui à l’initiative populaire pour la protection des marais, en décembre 1986, qui demandait l’interdiction de toute construction sur les marais « d’une beauté particulière et représentant un intérêt national ». J’étais alors membre de la direction du WWF Suisse très engagé en faveur de cette initiative qui, à l’origine, visait à empêcher l’agrandissement de la place d’armes de Rothenthurm (à cheval sur les cantons de Schwytz et de Zoug) sur un vaste paysage de tourbières. Ce fut une importante victoire pour la protection de la nature en Suisse. A la tête de l’OFEV dès 1992, j’ai été chargé par le conseiller fédéral Flavio Cotti d’inventorier les périmètres qui délimitent encore aujourd’hui les zones naturelles les mieux protégées de Suisse. Ce fut une grande bataille au sein du Parlement. Mon côté militant écolo n’était pas apprécié par tous les députés, c’est le moins que l’on puisse dire ! J’ai alors pris mon bâton de pèlerin pour convaincre tous les conseillers d’État des cantons concernés.

 

LPE : D’autres réussites ?

PR :  J’ai élaboré la législation sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) que le Parlement a fini par adopter : une législation très stricte suivie par un moratoire toujours en vigueur jusqu’en 2025. Enfin, je suis l’auteur de la loi sur le CO2 dans sa première mouture. Il s’agissait de légiférer pour répondre à l’exigence climatique du protocole de Kyoto visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GAS), signé en décembre 1997. Mes collaborateurs avaient notamment envisagé un régime de taxes. La conseillère fédérale Ruth Dreifuss responsable du département fédéral de l’intérieur n’aimait pas cette idée centrée sur des taxes. J’ai alors trouvé la solution : donner à chacun des acteurs concernés la chance d’atteindre l’objectif de réduction de 10% des GAS. Et s’ils n’y parvenaient pas, ils devraient s’acquitter d’une taxe que l’on redistribuerait à la population. Séduite par cette formule, Ruth Dreifuss l’a fait adopter par le Conseil fédéral et le Parlement.

 

LPE : La dernière loi révisée sur le CO2 rejetée par la population en juin 2021 a eu moins de succès. Comment l’expliquez-vous ?

PR : Le rejet de cette loi ne m’a pas étonné. Elle était pervertie de deux manières : au lieu d’en faire une taxe neutre redistribuée à la population, ses auteurs ont prévu un certain nombre d’affectations. Par ailleurs, cette loi était tellement compliquée qu’il était aisé de la démonter politiquement. Elle avait perdu l’essence et la simplicité de la première loi qui m’avait permis de convaincre.

 

LPE : Après les succès, quels sont les échecs de votre mandat de 13 ans à la tête de l’OFEV ?

PR : Le plus gros échec, c’est que malgré les réussites dans la politique environnementale, la nature se porte toujours plus mal. De ce point de vue, je dois bien admettre que nous avons échoué.

 

LPE : Comment l’expliquez-vous ?

Parce que, encore une fois, le moteur de cette société est la croissance quantitative, économique et démographique. Un exemple parmi bien d’autres : quand tout récemment Berne a annoncé la teneur des prochains programmes d’investissements fédéraux pour les autoroutes, tous les projets ne concernaient que la Suisse alémanique. Bonne nouvelle, me suis-je dit, la Suisse romande est épargnée ! Mais tous les conseillers d’État romands ont vivement protesté en clamant : nous voulons nos routes et autoroutes ! Voilà la triste mentalité qui domine. Dans le canton de Genève, il n’y a presque plus de territoire disponible. Eh bien malgré cela, il a été décidé dès 2026 d’élargir l’autoroute de contournement. La logique de croissance et de compétition l’emporte toujours au détriment de la nature.

 

« C’était peut-être le moment de franchir la Grande Porte »

 

LPE : Vous traversez une période difficile quant à votre santé. Comment vivez-vous cette épreuve ?

PR : J’ai appris à dialoguer avec la souffrance qui m’ouvre encore un peu plus à la spiritualité. Ma vie, notre vie est l’émanation éphémère, limitée, d’une réalité bien plus grande que nous. Lors de l’une de mes nombreuses interventions chirurgicales, quand je me suis trouvé devant le bloc opératoire et que j’ai vu s’ouvrir la porte de celui-ci, je me suis dit que c’était peut-être le moment de franchir la Grande Porte. J’étais totalement serein. Au point qu’un infirmier m’a demandé si j’étais mis sous calmants. Ce qui n’était pas le cas.

 

LPE : Croyez-vous que notre pensée puisse encore exister même après notre mort cérébrale ?

PR : Oui. J’en suis convaincu, mais je ne sais pas comment. Je vois notre cerveau comme une antenne complexe capable de capter une pensée en dehors d’elle-même et d’en faire quelque chose d’opérationnel. Robert Hainard disait que la raison était l’instrument de l’action. D’où la nécessité de développer un contact holistique avec tous les êtres vivants, des mondes végétal, animal et humain, qui ne passe pas seulement par la raison mais par « l’être » dans sa globalité. Dans ce monde en décrépitude, il est essentiel de se relier à l’essentiel, pour se sentir bien avec soi-même et délivrer ce bien être autour de soi avec bienveillance.

Propos recueillis par Philippe Le Bé.




Philippe Roch & Robert Hainard

Entretien conduit par Dominique Bourg

 

Pour mieux connaître le côté visionnaire de Philippe Roch, je me suis permis d’ajouter ce lien à une émission « Franc Parler » du 20 septembre 1986. Bluffant ! D.B.

https://drive.google.com/file/d/1c1VmFYIKJnCX4BPfODWR_uiNx-OD80oF/view

 

Dominique Bourg

Philippe Roch, il n’est pas nécessaire de vous présenter en Suisse, mais le public français, et plus largement francophone, mérite de mieux vous connaître. Pourriez-vous succinctement vous présenter?

Philippe Roch

Je suis avant tout un enfant de la nature, car c’est elle qui m’a accueilli dès mes premières années pour soulager mes chagrins et répondre à mes questionnements. Je disposais d’un grand jardin et je pouvais communiquer avec les arbres. Lorsque j’ai vu que l’on commençait à détruire la nature, que l’on saccageait la campagne pour la croissance urbaine de Genève, j’en ai été très affecté : les arbres abattus, les haies brûlées, et même de vieux murs détruits. C’étaient les années 50.

Du coup très tôt, jeune adolescent, je me suis engagé politiquement, auprès du PDC (Parti Démocrate-Chrétien) dans ma commune et dans la voie associative pour défendre la nature. J’ai été parmi les tout premiers membres du WWF-Suisse, créé en 1961. J’étais avide de connaître et d’éprouver la nature qui m’entourait. Ce partage, d’affectif, est vite devenu scientifique, puis spirituel. D’une famille très catholique j’ai en effet développé une pratique religieuse plutôt mystique. Ces trois veines – poétique, scientifique et spirituelle -, se sont combinées en une approche holistique de la Nature.

Il m’est alors apparu comme une évidence que la conscience est universelle, que tout être dispose d’une forme de conscience et que la réalité matérielle, celle que j’ai par exemple étudiée du point de vue de la biochimie en préparant mon doctorat, n’était que l’expression particulière d’une réalité spirituelle beaucoup plus vaste. Voilà donc mon parcours qui s’est très tôt traduit en engagement pour la nature.

 

Philippe Roch, photo Thibaut Kaeser.

 

Dominique Bourg

Rappelez-nous s’il vous plaît votre parcours professionnel. Vous avez été directeur pour la Suisse du WWF, puis directeur de l’Office Fédéral de l’Environnement, des Forêts et du Paysage (OFEFP).

Philippe Roch

J’ai d’abord créé la section genevoise du WWF, puis je me suis engagé bénévolement pendant mes études pour créer une section dans chaque autre canton de Suisse romande et ensuite le WWF suisse m’a engagé professionnellement ; c’était en 1977. Je suis devenu membre de la direction du WWF suisse jusqu’à ce qu’en 1992, le conseiller fédéral Flavio Cotti me demande de prendre la direction de l’OFEFP, l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (devenu aujourd’hui OFEV). J’ai eu la chance de commencer cette nouvelle carrière à Rio, dès les premiers jours du Sommet pour la Terre, en juin 1992. C’était fantastique. J’ai ensuite pendant 13 années, avec le titre de Secrétaire d’État, participé aux grandes conventions internationales sur la biodiversité, le climat, les produits chimiques, et aux travaux sur la gouvernance environnementale. J’ai été très actif au sein des conseils d’administration du PNUE et du Fonds pour l’Environnement Mondial.

Philippe Roch avec René Dumont, Lausanne 1985 (pas d’auteur connu) lors d’un séminaire à Lausanne sur l’environnement et le développement.

 

Philippe Roch préside la COP 2 de la Convention de Rotterdam, Rome 2005 (qualité internet !).

 

Dominique Bourg

Pourriez-vous succinctement nous rappeler quelques actions parmi les plus fortes que vous avez conduites ?

 Philippe Roch

Dès mon arrivée à Berne j’ai entrepris une révision complète de la loi sur l’environnement. C’est alors qu’ont été introduits les premiers instruments économiques de politique environnementale tels que les taxes incitatives sur le soufre dans les carburants et sur les composés organiques volatiles, et les taxes préalables d’élimination sur les emballages en plastique et sur les appareils électroniques dont le but était d’assurer le financement de leur recyclage dès leur mise sur le marché ; j’ai ensuite initié la première loi sur le CO2 : l’idée a été de fixer un objectif de réduction des émissions de COconforme à l’engagement que nous avions pris à Kyoto, et de taxer les émissions des secteurs qui n’atteindraient pas les objectifs fixés. C’était alors une construction tout à fait nouvelle. Nous sommes dans les années 90.

N°506 Lynx d’Espagne dans le maquis

 

Dominique Bourg

Vous pourriez aussi parler de la réintroduction du lynx ?

Philippe Roch

Oui, le lynx avait été réintroduit avant mon arrivée à la Confédération suisse. Ce sont les forestiers de Suisse centrale qui ont pris cette décision face aux dégâts occasionnés par la surpopulation des ongulés. C’est un programme qui a très bien marché et que le retour naturel du loup est venu compléter. Quand j’étais encore au WWF, j’avais proposé de préparer le retour du loup. Alors on se moquait de moi et on me prenait pour un farfelu. D’où mon bonheur lorsque quelques années plus tard en 1995 le loup est arrivé de lui-même, à « pied ». Il a fallu beaucoup d’engagement pour qu’il soit toléré.

Pas plus tard qu’hier un ami m’a fait entendre le chant des loups qu’il venait d’enregistrer dans les forêts du Jura vaudois ! Magnifique ! J’en avais les larmes aux yeux. Évidemment j’ai rapidement pensé à mon maître Robert Hainard. À son époque, il les observait en Europe de l’Est. Mais s’il avait pu entendre leur chant si près de chez lui, il serait mort sur place de bonheur !

 

N°253 Couple de loups à l’aube

 

Dominique Bourg

Et qu’avez-vous pu faire pour la nature ?

Philippe Roch

En tant que membre de la direction du WWF j’avais contribué au succès d’une votation très importante, l’initiative de Rothenthurm acceptée par le peuple en 1987, qui exigeait la protection des zones humides et de grands paysages marécageux très riches sur le plan de la biodiversité. Arrivé dans mes nouvelles fonctions à Berne, j’ai été chargé de sa mise en œuvre et j’ai été confronté à une fronde au Parlement qui remettait en question ce vote. J’ai réussi, grâce aussi à l’appui du Conseiller fédéral Cotti, à sauver cette initiative et à la traduire en ordonnances de protection. C’est une des actions dont je suis fier.

 

N°300 Trois rainettes

Dominique Bourg

Vous êtes arrivé aux commandes à un moment particulier, celui de l’arrivée des OGM. Vous avez institué une commission d’éthique sur le vivant dont la tâche a été de préciser la notion de dignité de la Créature, die Würde der Kreatur, qui avait été intégrée à la Constitution, mais avec une curieuse traduction française en termes d’intégrité des êtres vivants.

Philippe Roch

Je ne sais pas pourquoi cette traduction affaiblie s’est imposée en français lors d’une révision totale de la Constitution. Et pourtant Würde, dignité, est bien ce que le peuple suisse a voté. Le grand intérêt de ce texte est d’avoir permis l’institution de cette commission d’éthique, que j’ai créée puis accompagnée pendant des années, et qui développe et précise depuis 25 ans ce concept. On peut y lire même une réflexion sur la dignité des plantes. Je crois que c’est unique au monde. Ce concept de dignité ou d’intégrité permet de donner un fonds éthique à notre relation à la nature, et par exemple d’interdire des manipulations génétiques qui auraient des effets dégradants sur les animaux comme la création de chats sans poils ou de poulets sans plumes. Nous avions récemment une votation sur la révision de la loi sur la chasse et la protection des animaux sauvages. Cette révision avait été tordue par le parlement afin d’affaiblir la protection des prédateurs. Suite à une intense campagne politique des ONG, le peuple a refusé cette révision. Il convient de continuer à cultiver cette sensibilité du peuple suisse en faveur de sa nature.

 

I

 

Dominique Bourg

Venons-en à Robert Hainard. Comment l’avez-vous connu ?

Philippe Roch

J’ai été très proche de lui. Je l’ai connu d’abord par son œuvre d’artiste. Il a développé une technique particulière pour créer des estampes imprimées à partir de planches de bois, une planche par couleur dont les nuances sont rendues par des variations très fines d’épaisseur. Pour moi ces estampes révèlent l’âme des animaux et de leurs biotopes. Il ne l’aurait pas dit ainsi, mais ces représentations sont à mes yeux éminemment spirituelles.

 

Robert Hainard

 

Et c’est tout d’abord passé par l’école primaire car nous recevions comme distinctions de médiocres reproductions de ses estampes. Cela vous montre à quel point il était connu localement. J’ai assisté à ses conférences et j’ai fini par l’approcher à l’occasion de mes combats pour la nature. Nous avions par exemple combattu ensemble contre un projet de contournement autoroutier de Genève. Il avait à cette occasion offert un dessin qui a servi de support à la campagne. Puis à partir de ce moment nous avons noué un dialogue philosophique et il lui arrivait me demander conseil. J’ai gardé quelques lettres de lui que je préserve comme des reliques. Je l’ai beaucoup aimé. J’ai bien connu aussi Germaine, son épouse, une valaisanne, artiste également. Ils s’étaient connus très jeunes et sont restés 70 ans ensemble. Leur relation était d’une grande complicité et j’ai souvent surpris Robert écoutant attentivement, presque craintif, sa critique parfois vive, mais toujours bienveillante d’une œuvre ou d’un texte qu’il lui soumettait. J’ai beaucoup aimé, admiré et même un peu jalousé ce couple d’exception.

 

Robert et Germaine Hainard, photographie d’André Molinier

 

Dominique Bourg

Pouvez-vous nous situer plus précisément dans le temps Robert Hainard.

Philippe Roch

Il est né en 1906, et Germaine 4 ans avant, et il est décédé la nuit de la tempête Lothar, le 26 décembre 1999 ! Je fais le rapprochement avec le rideau du Temple qui se déchire le Vendredi Saint. Cet homme qui était la nature incarnée décède, et patatras, ça pète ! Tout un symbole !

 

Dominique Bourg

Robert Hainard n’est pas seulement un peintre, un artiste animalier, mais un observateur en empathie profonde, et aussi un penseur.

Philippe Roch

Il s’est fondu dans la nature. Il y était tellement intégré qu’il parlait de « possession », un concept qui n’a rien à voir avec une possession matérielle ; c’est l’artiste qui possède, ou qui est possédé.

 

N°600 Blaireaux, femelle et jeune à leur toilette

 

« Je suis l’homme naturel, la nature, Pan, le blaireau, en révolte contre le raisonneur qui l’étouffe en chacun de nous.»[i]

                                                                                           Robert Hainard

 

Dans sa maison une armoire, que j’appelle le tabernacle, contient 30’000 croquis qu’il a pris sur le vif. Quand il dessinait, il devenait lui-même l’animal dont il vivait les mouvements dans ses propres muscles. Ses croquis sont révélateurs de cette identification. Il a passé des centaines de nuits, au clair de lune, près de chez lui au bord du Rhône, ou dans les forêts du Jura gessien à l’affût. Et aussi dans les forêts primaires d’Europe de l’Est à la recherche des bisons, des ours et des loups. Par analogie avec Thoreau et Naess auxquels je l’associe volontiers, j’aime à dire que la cabane de Hainard était son atelier de Bernex qui vibre encore aujourd’hui de sa présence.

 

N°236 Ours dans la forêt vierge

 

Dominique Bourg

Hainard a aussi été un penseur de la nature, et pas à n’importe quel moment. Il a compris très tôt, avec d’autres pionniers, que nous étions en train de devenir des destructeurs à grande échelle de nature. Pouvez-vous nous présenter sa pensée ?

Philippe Roch

Face à cette destruction, il s’est posé des questions fondamentales. Pourquoi détruisons-nous en tant qu’humanité cette nature à laquelle nous appartenons ? Pouvons-nous changer cet état de choses en réveillant au cœur des humains un irrésistible besoin de nature ? Il s’est tourné, en quête de réponse, vers les philosophes de la tradition. Il a cherché chez eux des éléments pour construire une philosophie de la nature. Et il n’a pas trouvé. Il a lu Kant, Bergson, et d’autres. Il a eu le sentiment que ces auteurs ne partageaient pas avec lui l’expérience intime, directe, de la nature. Leurs travaux lui paraissaient rester purement intellectuels.

 

« Vouloir faire entrer le souci de la nature dans les philosophies actuelles, c’est se condamner à l’échec, car elles ont toutes été conçues contre la nature. »[ii]

                                                                                                Robert Hainard

 

Photographie de Nicolas Crispini

 

Le constat de Hainard sur l’absence d’intérêt pour la nature chez les philosophes est vigoureusement confirmé par Catherine Larrère, grande spécialiste de l’histoire de la pensée écologiste qui déclare que pour les philosophes qu’elle a étudiés lors de sa formation académique, la nature n’existe pas, qu’elle est une abstraction métaphysique. C’est en rencontrant John Baird Callicott en 1992 qu’elle s’est ouverte à l’idée « qu’est venu le temps d’un nouveau rapport à la nature, harmonieux et non plus conflictuel, et qu’il importe aux philosophes d’en exposer les grandes lignes ». Je lui ai envoyé Le penseur paléolithique, mais je n’ai pas reçu de commentaire de sa part à ce jour.

Fort de ce constat Hainard a cherché à faire entrer la nature en philosophie. C’est dans ce même but que j’ai exposé sa philosophie dans Le penseur paléolithique (Labor et Fides, 2014). Il se référait lui-même au Paléolithique comme modèle d’une humanité peu nombreuse, dans une immense nature libre et sauvage. Ses estampes ne sont pas sans rappeler les œuvres splendides des grottes de Lascaux, Chauvet et autres.

 

« Je verrais avec faveur le retour à une situation paléolithique, une humanité pas trop nombreuse vivant des surplus d’une Nature puissante, armée d’un outillage beaucoup plus efficace que le silex mais guère plus encombrant. »[iii]

                                                                                                     Robert Hainard

 

Je publierai en 2022 une nouvelle édition revue et augmentée de mon Penseur paléolithique (Labor et Fides).  J’essaie de montrer dans ce livre que les concepts philosophiques de Hainard méritent d’être étudiés et partagés, et je rêve que sa pensée soit prise au sérieux et analysée par des philosophes classiques, si j’ose dire, et dans les universités.

N°086 Ours 

 

Dominique Bourg

Pouvez-vous, ce que vous faites dans votre deuxième livre sur Hainard, présenter des aspects particuliers de sa pensée ?

Philippe Roch

Le premier aspect sur lequel j’aimerais attirer l’attention, c’est la question on ne peut plus classique : qu’est-ce que la nature ? Un chapitre du livre est consacré à la tension entre nature et culture. Pour Hainard, nous faisons partie de la nature ; nous sommes ainsi de et dans la nature. Mais il disait aussi que la nature sauvage, c’est l’autre, c’est le monde qui évolue de lui-même. C’est qu’à partir des Lumières la Raison a, en quelque sorte, pris le dessus et nous avons comme créé un monde humain en dehors du monde naturel. Dès lors s’est établie une tension entre l’humain et la nature libre à l’intérieur de la nature-totalité ; et cette nature-autre, qui vit par elle-même, est comme un miroir qui nous révèle la part de nature en nous ; elle nous permet de nous situer, de nous replacer au bon endroit. 

 

« L’homme est aussi un être dans la nature. Sa structure intime, qu’il le veuille ou le nie, en porte le sceau. En un sens, la nature libre est en lui. En la refoulant partout, c’est lui-même qu’il atteint.»[iv]

                                                                                        Robert Hainard

 

Son travail de sculpteur a révélé à Hainard l’importance qu’une action puissante soit équilibrée par une résistance externe, la matière. S’il n’y a pas cette résistance, nous risquons une échappée intellectuelle qui s’écarte loin de la réalité concrète. C’est pourquoi s’adressant à Kant, il lui demandait : « Mais où est ta matière ? » Par ailleurs si notre action sur le monde est trop puissante, sans modération, nous risquons de l’écraser, de le détruire. Alors vient chez Hainard cette conviction qui le rapproche de l’écopsychologie : il faut porter l’équilibre en soi.

 

« La main droite du sculpteur pousse l’outil dans le bois, la main gauche le retient…Nous ne devons pas être des brutes rationnelles et techniques, pesant aveuglément sur les choses et comptant sur leur résistance mais porter l’équilibre en nous. »

                                                                                          Robert Hainard

 

Mon livre place Hainard dans la lignée des penseurs de la nature, parmi lesquels Rousseau, Humboldt, Thoreau, les romantiques, Reclus, Leopold, Naess, Dorst et son ami Philippe Lebreton, physicien et écologiste historique.

Un autre aspect est sa conscience de ce que la croissance nous conduit au précipice. Et il parle de cette question de croissance dès les années 40 ! Il proclame déjà la nécessité d’une morale à la hauteur de notre puissance, un prélude au Principe responsabilité de Hans Jonas.

 

Dominique Bourg

La critique de la croissance semble l’avoir accompagné quasiment toute sa vie ?

Philippe Roch

Oui, absolument. Il était aussi très clair sur la question de la croissance démographique. Là encore, c’est l’observation de la nature et sa proximité qui lui ont servi de référence. Certaines espèces se reproduisent lentement et vivent longtemps. Les aigles par exemple. Les renards auront des portées plus importantes et les grenouilles pondent des milliers d’œufs, mais la mortalité naturelle fait que leurs populations respectives demeurent grosso modo numériquement stables. Et durant l’essentiel de l’histoire l’humanité elle-même n’a connu qu’une croissance démographique lente. Puis la science, la médecine, l’hygiène, l’alimentation ont changé la donne, sans que l’humanité apprenne parallèlement à maîtriser sa reproduction, pour choyer et protéger mieux une descendance de remplacement, et ce fut l’explosion de la démographie mondiale.

 

N°580 Renarde allaitant, de face

 

Dominique Bourg

Des visées militaires n’y ont sans doute pas été étrangères …

Philippe Roch

Hainard quant à lui n’hésitait pas à parler de « prolifération cancéreuse », puisqu’elle aboutit à des situations dramatiques. C’était un de ses combats. Dans les années 70, le Club de Rome et toutes les organisations écologiques alertaient sur ce sujet. Mais depuis lors la croissance démographique est devenue tabou et il n’est même plus question de reconnaître le rôle de la démographie humaine dans la destruction de la biodiversité mondiale. J’ai moi-même été traité de raciste pour avoir évoqué ce sujet ! C’est un comble puisque le meilleur moyen que je préconise pour tendre à stabiliser la population humaine à un taux compatible avec la Planète, sans aucune contrainte, consiste à offrir des conditions de vie décentes aux populations les plus pauvres et à promouvoir l’émancipation des femmes dans toutes les sociétés pour qu’elles aient le libre choix du nombre d’enfants qu’elles désirent avoir.

 

Dominique Bourg

Quelles étaient les positions de Hainard sur le sacré et la religion ?

Philippe Roch

Son père se revendiquait anarchiste, au sens pacifiste d’un Élisée Reclus, ce qui a donné à Robert une grande autonomie de pensée. Il se disait agnostique, mais profondément religieux dans sa relation à la nature. Mais il était réticent à utiliser le mot spirituel parce qu’il lui apparaissait lié à des traditions religieuses qu’il jugeait dogmatiques et anthropocentriques.

 

« J’avoue être essentiellement religieux, si l’on peut entendre par là vivre essentiellement d’adoration, de communion et du sentiment d’une mystique unité de toutes choses.»[v]

 

« Dieu, c’est l’univers éprouvé sympathiquement. »[vi]

                                                                                                             Robert Hainard

 

Dominique Bourg

Hainard était dans le Genevois très connu. Quelles étaient ses positions politiques propres, s’il en avait, et comment était-il perçu politiquement ?

Philippe Roch

Il n’avait pas de position partisane. Il était très connu et reconnu à Genève comme l’homme de la nature. Dans le reste de la Suisse et en France il était surtout connu des naturalistes. Les sujets politiques sur lesquels il s’exprimait en revanche volontiers étaient des projets particuliers, qui menaçaient un espace naturel comme la construction d’un barrage, d’une autoroute ou le drainage de zones humides. Il ne se situait guère en fonction de l’alternative gauche-droite. Il n’était ni conservateur, ni révolutionnaire, simplement pragmatique et libertaire. C’est vrai qu’aujourd’hui en lisant les grands auteurs de l’anarchisme non-violent – Bakounine, Kropotkine, Reclus -, j’y retrouve Hainard. Mais je n’ai pas eu l’occasion d’en parler avec lui.

 

 

Pour la bibliographie de Ph. Roch : https://www.pirassay.ch/livres

 

 

[i] Hainard Robert (1943) Et la nature ? Réflexions d’un peintre, Gérard de Büren, Genève, p  81

[ii] Hainard Robert  (1972)  Expansion et Nature, Le Courrier du Livre, Paris, p 18

[iii] Hainard Robert (1976) Lettre à Jeanne Hersch, décembre 1976, Fondation Hainard

[iv] Hainard Robert (1946) Nature et mécanisme, Griffon, Neuchâtel p 19

[v] Hainard Robert, Et la Nature ? Réflexions d’un peintre, Gérard de Büren, Genève, 1943, p 54

[vi]  Hainard Robert (1946) Nature et mécanisme, Griffon, Neuchâtel p 96